Pour La Rochefoucauld, peu de gens seraient amoureux s'ils n'avaient jamais entendu parler d'amour. De même, pour Valéry, peu de gens deviendraient artistes s'ils n'avaient jamais entendu parler d'art.
C'est l'inverse avec Malraux : on ne devient peintre que pour avoir entendu parler de peinture - ce qui pose le problème du commencement, du premier peintre.
On a une théorie du désir-besoin (appétit essentiel, intrinsèque, de perceptions) et une théorie du désir-envie ("et moi aussi, je suis peintre !").
On a une théorie innéiste (désir d'être soi) et une théorie mimétique (désir d'être l'autre).
La première est invérifiable. La seconde suppose une régression à l'infini.
Faut-il associer les deux conceptions, et dire qu'il y a un petit nombre d'artistes devenus tels par eux-mêmes, et une masse qui le deviennent surtout parce qu'ils en ont entendu parler ? Des artistes par vocation, en petit nombre ; des artistes par imitation, en grand nombre ?
Il n'est pas possible de décider si un homme serait devenu artiste sans modèle extérieur, par pure pression interne, par strict besoin intime, par un appétit spécifique de formes ou de sons. On ne peut que le supposer, à constater une certaine vigueur dans ses productions, et une certaine constance dans son besoin de créer. Peut-être le génie serait-il le fait de ceux qui seraient devenus artistes de toute façon - ce qui reviendrait à expliquer l'obscure notion de génie par une hypothèse invérifiable...
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