lundi 20 mars 2023

Quelques remarques d'onomastique célinienne :


   Dans Féerie, Céline parle favorablement de M. Aymé sous le nom de "Empième", qui signifie – je m'en suis étonné – une sorte d'abcès. 

    Cf. TLFi : empième  : Accumulation de pus dans une cavité du corps. Les sinus de la face, sièges d'empyèmes souvent fétides. Spéc. Accumulation de pus dans la plèvre. Synon. pleurésie purulente. Le pus s'épanche dans la cavité de la poitrine et produit un empyème

    Or, en 1943, Aymé a publié une nouvelle (La Carte), qui est présentée comme un extrait du "Journal de Jules Flegmon". Peut-être est-ce là le motif de la renomination de Marcel Aymé par Céline. Mais dans ce texte, Aymé parle de Céline d'une façon qui a suscité son ire, à savoir en le montrant comme un antisémite obsessionnel. "Céline était dans un jour sombre. Il disait que c’était encore une manœuvre des Juifs". Or Céline a pesté contre Aymé, en partie responsable selon lui des poursuites qu'il a subies. Donc, si le pseudonyme "Empième" est sémantiquement justifié, il est politiquement non-pertinent. 


    Dans sa légende de Krogold on trouve la ville de Christianie ; or Christiania est quartier de Copenhague (maintenant célèbre pour ses hippies). Céline en parle-t-il ? a-t-il résidé dans ce secteur ? a-t-il noté la coïncidence ? (Christiania est aussi l'ancien nom d'Oslo).


    Le pseudonyme, "Céline" : sonorité légère, aérienne. L'origine en est romaine : Celinia, "vouée au ciel". Sainte Céline a été la mère de saint Rémi, Rémois, comme on sait – Reims, où l'œuvre de Céline et l'univers entiers se terminent et se dissolvent... Madame Manceau, maîtresse de pension, a publié en 1839 un Céline ou l'influence d'un beau caractère, très conforme à l'étymologie :

https://fr.shopping.rakuten.com/offer/buy/47499848/Manceau-Mme-Maitresse-De-Pension-Celine-Ou-L-influence-D-un-Beau-Caractere-Livre-ancien.html

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    Le Professeur Y devient tout à coup le "Colonel Réséda". Le réséda était censé faire disparaître les abcès (les empièmes ?) et les inflammations, et en l'appliquant, on prononçait la formule : Reseda morbos reseda. Une belle fleur donc, mais associée à la maladie, à la médecine ; une fleur morbide. Céline veut-il faire allusion à Aragon (La rose et le réséda) ? En tout cas, cela fait bien contraste avec "Colonel". 

    Dans Casse-pipe le mot de passe militaire n'est pas un nom de bataille, mais un nom de fleur, qui se trouve être le prénom de la mère de Céline : Marguerite.  

   Dans le Voyage, le général Des Entrayes, comme bien des généraux, aime les roses (qui font avec son nom un beau contraste) : "Il aimait les beaux jardins et les rosiers, il n’en ratait pas une, de roseraie, partout où nous passions. Personne comme les généraux pour aimer les rosiers. C’est connu."

    Il y a une profusion de fleurs dans le texte des Entretiens ; surtout un hortensia en pot ; est-ce une allusion au surnom que Céline donnait à l'ambassadeur Guy de Girard de Charbonnière ?