mardi 8 octobre 2024

Machado : sa "nuit de mai" (traduction M.P.)


                   a Juan Ramón Jiménez

Era una noche del mes

de mayo, azul y serena.

Sobre el agudo ciprés

brillaba la luna llena,


iluminando la fuente

en donde el agua surtía

sollozando intermitente.

Sólo la fuente se oía.


Después, se escuchó el acento

de un oculto ruiseñor.

Quebró una racha de viento

la curva del surtidor.


Y una dulce melodía

vagó por todo el jardín :

entre los mirtos tañía

un músico su violín.


Era un acorde lamento

de juventud y de amor

para la luna y el viento,

el agua y el ruiseñor.


«El jardín tiene una fuente

y la fuente una quimera…».

Cantaba una voz doliente,

alma de la primavera.


Calló la voz y el violín

apagó su melodía.

Quedó la melancolía

vagando por el jardín.

Sólo la fuente se oía.




Ce poème a tout pour n'être pas rendu, comme je l'aimerais, en rimes et en rythme : mètre bref, mots simples et insubstituables, pas d'effets, pas de contorsions ; donc marge quasi nulle. J'ai essayé, mais seulement "tant bien que mal", de rendre un peu de rythme, un peu de rime.

Mieux vaut lire l'original, certes encore assez peu caractéristique du style ultérieur de Machado, qui a fait sa gloire. Tendre, sensuel, serein, musical, un peu alangui, ce Machado de 1903-1904 est plus proche de Fauré que de Falla… 




à Juan Ramón Jiménez


C'était une nuit de mai

une nuit bleue et sereine.

À la pointe du cyprès

brillait la lune pleine,


illuminant la fontaine

d'où jaillissait l'eau,

intermittent sanglot.

On n'entendait que la fontaine.


Puis on entendit l'accent

d'un rossignol caché.

Et se brisa d'un coup de vent

le jet d'eau incurvé.


Et sur tout le jardin

erra un tendre son :

dans les myrtes un musicien

faisait résonner son violon.


C'était un triste accord

fait de jeunesse et d'amour

pour la lune et pour le vent

pour l'eau et pour le rossignol.


"Le jardin a une fontaine

et la fontaine une chimère…"

Une voix chantait sa peine,

âme du printemps.


La voix se tut et le violon

éteignit sa mélodie.

Il ne resta que la peine

errant sur le jardin.

On n'entendait que la fontaine.