Dans une étude sur Céline, j’avais noté chez lui l’évidente phobie des lieux fermés, étroits, confinés, étouffants. Le passage Choiseul, la cachette stercoraire des soldats dans Casse-Pipe, et mille autres.
Précisions à cette adresse :
On se hait pour maintes raisons, mais surtout parce qu’il n’y a pas la place ; il n’y a jamais la place. Sauf sur la mer. Non pas dans le bateau, qui est un lieu d’enfermement (L’Amiral Bragueton), mais sur le pont, dans l’air salé, purifié, dans l’espace enfin sans hommes, sans choses, sans rien.
Le principal slogan célinien de la haine, sera donc « Y a pas la place ! », et il sera très opérant dans son racisme ; il correspond, avec d’étranges distorsions (sur un mode claustrophobe et respiratoire) au fameux Lebensraum de l’époque.
Or… coïncidence ou propos délibéré ? (la coïncidence serait étonnante). On trouve, dans le roman de Stefano Benni Achille au pied léger, une sorte de portrait de Céline (ce dernier dirait « un portrait express au caca fumant ») :
Benni, Achille au pied léger (ch. IX) p. 92 [trad. Marguerite Pozzoli] :
« Odysseus s’aventura dans la lecture d’Il n’y a pas de place, essai sur les ennemis de l’Occident écrit par un certain Maragnani, colonel à la retraite. Un ramassis délirant de lieux communs stupides, racistes et haineux, qui mettait dans le même sac islamistes et pédés, pacifistes et méridionaux, pour conclure sur la nécessité absolue d’exterminer les Chinois d’ici quelques années, avant qu’ils aient bu toute notre eau. »
Tout y est : le manque de place, l’ancien militaire, les flots de haine des pamphlets, et même les Chinois, obsession ultime de Céline - à ceci près qu’ils finiront selon lui par se dissoudre dans notre cognac et notre champagne.
Derniers mots tracés par Céline écrivain quelques heures avant sa mort (la fin de Rigodon) :
« … qu'ils viennent qu'ils osent les Chinois, ils iront pas plus loin que Cognac ! il finira tout saoul heureux dans les caves, le fameux péril jaune ! encore Cognac est bien loin… milliards par milliards ils auront déjà eu leur compte en passant par où vous savez… Reims… Épernay… de ces profondeurs pétillantes que plus rien existe… »