Juan Ramón Jiménez, Sonetos espirituales [1914-1915] :
Au Sonnet avec mon âme [version 1]
Comme dans l’aile le vol infini,
comme en la fleur loge l’essence errante,
comme tient dans la flamme la mouvante
splendeur, et le ciel seul dans l’azur uni ;
comme en la mélodie l’apaisement,
dans le jet d’eau la fraîcheur pénétrante
la richesse noble dans le diamant,
ainsi dans ma chair est tout mon élan.
En toi, sonnet, forme, cette pure angoisse
copie, comme dans une eau reposée
toutes ses merveilles immortelles.
La lumière sans fin de sa beauté
se tient, ciel de fontaine, illimitée,
dans la limitation de tes rives.
Au Sonnet avec mon âme [version 2]
Comme le vol sans fin dans l'aile contenu,
Comme l'essence errante enfermée dans la fleur,
Ou comme dans le feu la fuyante lueur,
Ou comme dans l'azur le ciel seul retenu ;
Comme en la mélodie gît la consolation,
Comme dans le jet d'eau la profonde fraîcheur,
Comme dans le diamant la plus noble valeur,
Ainsi loge en ma chair toute l'aspiration.
Dans ta forme, sonnet, cette pure anxiété,
Ainsi que dans une eau redevenue sereine,
Peint tous ses merveilleux et immortels trésors.
La lumière infinie de sa grande beauté
Réside, illimitée comme un ciel de fontaine,
Dans la limitation sévère de tes bords.
Al Soneto con mi alma
Como en el ala el infinito vuelo,
cual en la flor está la esencia errante,
lo mismo que en la llama el caminante
fulgor, y en el azul el solo cielo ;
como en la melodía está el consuelo,
y el frescor en el chorro, penetrante,
y la riqueza noble en el diamante,
así en mi carne está el total anhelo.
En ti, soneto, forma, esta ansia pura
copia, como en un agua remansada,
todas sus inmortales maravillas.
La claridad sin fin de su hermosura
es, cual cielo de fuente, ilimitada
en la limitación de tus orillas.