mercredi 7 octobre 2020

Leopardi : 'À la lune' [traduction M.P.]


À la lune


O gracieuse lune, je me souviens,

À présent que verse l'année, que sur ce même coteau

Je venais plein d'angoisse te contempler ;

Et que tu étais alors suspendue au-dessus de cette forêt

Comme à présent, et que tu l'éclairais toute.

Mais brumeux et tremblant du pleur

Qui sourdait de mon cil, à mes regards

Apparaissait ton visage, car peineuse

Etait ma vie ; et elle n'a pas changé,

O ma lune bien aimée. Et cependant me réjouit

Le souvenir et l'évocation des âges

De ma douleur. Oh comme elle advient agréablement,

Dans le temps juvénile, quand encore longue 

Est l'espérance, et brève la carrière de la mémoire,

La remémoration des choses passées,

Même tristes, et que dure le souci !



Alla Luna [1819]


O graziosa luna, io mi rammento

Che, or volge l'anno, sovra questo colle

Io venia pien d'angoscia a rimirarti : 

E tu pendevi allor su quella selva

Siccome or fai, che tutta la rischiari.

Ma nebuloso e tremulo dal pianto

Che mi sorgea sul ciglio, alle mie luci

Il tuo volto apparia, che travagliosa

Era mia vita ; ed è, nè cangia stile,

O mia diletta luna. E pur mi giova

La ricordanza, e il noverar l'etate

Del mio dolore. Oh come grato occorre

Nel tempo giovanil, quando ancor lungo

La speme e breve ha la memoria il corso,

Il rimembrar delle passate cose,

Ancor che triste, e che l'affanno duri !