mercredi 5 juin 2024

Pensées pour moi-même (6)


Seule façon de faire vraiment baisser la mortalité : faire baisser la natalité. 


Mauvais conseil, pléonasme


L'après-guerre, c'est la pré-guerre.


Le temps d’apprendre à lire, il est déjà trop tard.


Le temps d’apprendre à rire, il est déjà trop tard.


Le temps d’apprendre à mourir, il est déjà trop tard.


Les deux pôles du discours : déduire, séduire. 


Institutions de culture, devenues bouillons d'inculture. 


Femme fatale, pléonasme ?


Il ne suffit pas d'avoir du carburant ; il faut aussi du comburant.


La forme d'une fac change plus vite hélas que le cœur d'un mortel !


Trop optimiste, pléonasme


L'ennui porte conseil


Le réel, moins intéressant que le possible. Exemple :  le short et la minijupe.



Pensées recueillies çà et là (30)


Balzac : 

"En vivant et en voyant les hommes, il faut que le cœur se brise ou se bronze"


Beckett : 

"Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c’est la nuit à nouveau."


Bouvier : 

"… vider un peu son cœur de tout ce savoir inemployable qui l'aigrissait..." 


Chardonne : 

"Le principal outil du jardinier, c'est le sécateur"


Chateaubriand : 

"Tout change en Bretagne, sauf la mer qui ne change jamais." 


Gary :

"Dieu a ses moments de distraction, comme tout le monde. parfois, il oublie un homme, et ça fait une vie heureuse."

La danse de Gengis Cohn


Géraldy  : 

"Quand une femme nous aime, ce n'est pas nous qu'elle aime ; mais quand elle nous quitte, c'est bien nous qu'elle quitte"

cité par Chardonne, à Morand, 2


Shaw : 

"Je ne suis pas assez jeune pour tout savoir."


Ramuz,  : 

"on ne dit rien qui ne soit fait d'abord, et […] dire c'est seulement parachever l’œuvre. » 

(Besoin de grandeur p. 268 : allusion probable à la formule : finis coronat opus ; ici, le dire achève et couronne l’être, mais aussi est tributaire de cet être préalable au dire)


Valéry : 

"L’esprit est à la merci du corps"


Bernanos : 

"Les vieilles gens sont plus faciles à séduire qu’on pense. Il suffit de paraître tenir compte de leur avis ."

Un Crime


Bosco : 

"Dans leur sagesse [ils] se méfient du regret et du désir. L’un n’est qu’un désir à rebours, l’autre le plus souvent qu’un regret projeté dans l’avenir. Les deux […] contrarient la saine nature. »

Sylvius


Bove : 

"Tout l’art est de sentir le moment où l’on doit s’arrêter de polir."


Boulgakov : 

"- Ah ! l'argent, l'argent ! Que de maux dans le monde à cause de l'argent ! Nous ne pensons tous qu'à l'argent. Mais l'âme, qui pense à l'âme ?"

Le roman théatral 


Aymé :

"Les arbres sont à peu près tous pareils et rien ne ressemble plus à une pelouse qu’une autre pelouse." 

Les tiroirs de l'inconnu. 


Puzo  : 

"Les grands hommes ne naissent pas dans la grandeur : ils grandissent."

Le Parrain


Baudelaire :

"Dans certains états de l'âme presque surnaturels, la profondeur de la vie se révèle tout entière dans le spectacle, si ordinaire qu'il soit, qu'on a sous les yeux. Il en devient le Symbole." 

Fusées


Hugo :

"Qui préfère à l'hymen, aux purs épithalames,

Aux nids, ce suicide affreux, le célibat ;

Qui voudrait qu'à son gré le firmament tombât."

Légende des siècles X


Thibaudet  : 

"On n'est imité que dans la mesure où les imitateurs se croient originaux en imitant."

Réflex. litt., 1936, p. 157


Valéry : 

"Ce que l'accessoire est compliqué, quand le principal est assez simple."

à Gide p. 569


Shakespeare : 

"As flies to wanton boys are we to the gods. They kill us for their sport"

King Lear


Régnier (H. de) : 

"Vivre avilit ; vivre use surtout - il subsiste sans doute chez certains un noyau non avili, un noyau d'être ; mais que pèse ce résidu, face à l'usure générale du corps ?"


Montherlant :

'"Il me semble qu'il y a dans une mise en scène parfaite quelque chose d'analogue au langage, quand il s'efface devant le sens"

Fils de personne suppl Pléiade p. 267


Kundera : 

"Il faut une grande maturité pour comprendre que l'opinion que nous défendons n'est que notre hypothèse préférée"


Céline : 

"Ce ne sont pas les tyrans qui font les esclaves mais bien les esclaves les tyrans."

lettre à la NRF 


Balzac :

"Les masses ont un bon sens qu'elles ne désertent qu'au moment où les gens de mauvaise foi les passionnent."

Langeais


Claudel : 

"A partir du moment où cessent les sabbats et les sorcières commence la révolution, la Déesse raison, la carmagnole autour de l'échafaud. L'anarchie."

Journal janv-mars 1907


Flaubert : 

"Quant aux déceptions que le monde peut vous faire éprouver […] : on a toujours affaire à des canailles. – On est toujours trompé, dupé, calomnié, bafoué. Mais il faut s'y attendre. "

Lettre à la Princesse Mathilde, 1869


Goncourt :

"Il ne manque rien aux maisons neuves, que le passé."

 Journal, Bouquins t. 2 p. 50


Goncourt :

"Décidément les voyages, ne sont qu’une suite de petits supplices. On a, tout le temps, trop chaud, trop froid, trop soif, trop faim, et tout le temps, on est trop mal couché, trop mal servi, trop mal nourri, pour beaucoup trop d’argent et de fatigue."

Journal, Bouquins t. 2 p. 588-589


Goncourt : 

"Seul ce siècle-ci, cette littérature-ci, a dégagé la sensation de la description."

Journal 1866


Goncourt :

"Le théâtre a fait son temps. En regardant autour de nous, il nous semble que les types ne sont plus assez grossiers, assez entiers, assez uns pour la scène. Avec leur complexité, leurs affinements, leurs contradictions, ils semblent poser uniquement pour le roman."

Journal 1866



Normale

France-Culture (2010). Une universitaire, jeune, que je sens tout de suite Normalienne. Assez intéressante, pas frime, pas de vocabulaire outrancièrement "mode", mais un petit quelque chose que je sens ; un certain tempo dans la diction, un peu rapide, une tension dans le débit. Chez les Normaliennes "habituelles", c'est souvent agaçant, excessif, narcissique, ridicule, prétentieux. Mais ici, j'en perçois mieux l'essence, justement parce que c'est plus discret, limité, modéré. Ce ton juste un peu tendu, juste un peu rapide, est tout de même, malgré sa relative discrétion, destiné à faire sentir : "voyez comme je suis à l'aise, comme je maîtrise mon sujet, comme je ne cherche pas mes mots ni mes idées". C'est tout à l'opposé de : "je maîtrise mon sujet, et donc j'en parle de façon souple pour permettre à mon auditeur de les saisir au mieux". Non, je veux prioritairement qu'on soit saisi par ma maîtrise. Voyez comme ma machine intellectuelle tourne bien ! Pas de crachotis dans la carburation. Affirmation de soi assez agaçante ; promo personnelle sous couvert de parler de ceci ou de cela. Impression que l'on veut sans cesse non pas "prouver" quelque chose, mais "imposer", "s'imposer" (avec gros sabots ou fines chaussures). Impression d'une posture, comme qui passe un concours, et doit impressionner le jury en donnant des signes (pas trop ostentatoires) de maîtrise. 

Effet d'époque ? Aron, premier d'agrégation, grand Normalien s'il en fut, avait une diction toute contraire : souple, simple, laissant à l'auditeur le temps de respirer intellectuellement, et ne cherchant surtout pas à se faire mousser, à se mettre au premier plan ; tendance presque excessive à s'effacer devant l'objet dont il parle. Le style écrit d'Alquié : le prof est un pur tuyau transmetteur, qui ne doit rien mettre de son moi. 

Amiel rejetait avec justesse la rhétorique (rhétorique affective à l'époque, d'autre nature par la suite) de certains profs – rhétorique dont il était notoirement incapable, mais qu'il avait raison de fustiger. 


samedi 1 juin 2024

Le disque et le concert

Infinie supériorité du disque sur le concert. On peut choisir son moment, sa posture. Se faire son programme. On peut se concentrer, se recueillir. Utiliser un casque à réducteur de bruit (s'approcher de la musique intérieure, telle que devait l'éprouver Beethoven). Pas de problème de parking ou de tram. Pas d'agitation sociale, pas de malencontreuse rencontre qui oblige à parler des banalités et des bassesses du quotidien, donc à se dévier de son but ; pas de brouhaha, pas de phrases bêtes ou ineptes entendues malgré soi. Pas de présentateur oiseux (pléonasme). Pas de snobs qui viennent se montrer. Pas de voisins qui papotent pendant la cavatine du XIII° quatuor. Pas de toux. Pas de téléphone qui se rue en contrepoint du morceau. Pas de situation aberrante par rapport à l'axe du son. Pas d'applaudissements (pavloviens). Incidemment, pas de paumes douloureuses. Pas de cris de joie avant même la fin du dernier accord. Pas de bis obligé, ni d'encore standardisé. Possibilité de méditer, de digérer, d'approfondir ce qu'on vient d'entendre – ce qu'on vient d'entendre, et qu'on a eu quelque chance, selon le mot de Claudel, de "devenir" : la musique.