Parmi ceux qui, actuellement, écrivent sur la peinture, Jean Clair est un des très rares que je lis avec intérêt et avec plaisir. Non que je partage toutes ses opinions (cela ne m'arrive jamais, même pas avec moi-même), mais son point de vue sur l'art et, plus largement, sur la vie, m'intéresse toujours. C'est un homme qui a de l'épaisseur, de la densité, qui pèse son poids d'expérience et de vie.
Au moment de son élection à l'Académie, un détail m'avait, non pas choqué, plutôt chiffonné, ou fait tiquer, dans la page de l'AFP rapportant la nouvelle. Il était présenté comme auteur de : Du Surréalisme... Certes, l'AFP n'est pas un bulletin bibliographique ; ce n'était qu'une indication. Mais des livres sur le surréalisme, il y en a beaucoup. Toutefois il y en a un seul qui s'intitule : Du surréalisme considéré dans ses rapports au totalitarisme et aux tables tournantes. Jean Clair, en effet, nous invite à ne pas trop oublier, occulter, gommer, deux choses très vraies, mais qui dissonent dans la vulgate esthétique. À savoir :
1/ le surréalisme a été un mouvement foncièrement antidémocratique, rejetant la société bourgeoise, aussi bien par l'extrémisme de droite que par celui de gauche ; plus même, en ses débuts, par le premier que par le second, chose qui a été ensuite largement occultée, entre autres par la stalinisation d'Aragon.
2/ que le surréalisme est très ouvertement une doctrine irrationaliste, antirationaliste, occultiste, magique, obscurantiste, qui a ses sources, via Maeterlinck et le Romantisme allemand, dans un archaïsme auquel il n'est certes pas interdit d'adhérer, mais qu'il est pour le moins difficile de faire cohabiter avec une pensée un tant soit peu héritière des Lumières. La "liberté" de l'Aufklärung n'a rien à voir - c'est une litote - avec celle de l'esprit enfin libéré de la raison, tout entier livré aux puissances du rêve. Et ce n'est pas non plus en héritier des Encyclopédistes qu'on recommande de tirer au hasard sur les passants. L'homme du XVIII° dans lequel les surréalistes saluent leur grand précurseur, ce n'est pas Montesquieu, mais, tout à l'autre bout, le divin Marquis de Sade, chantre lui aussi de la liberté ; enfin de la liberté à sa manière, et surtout pour lui-même.
Au moment de son élection à l'Académie, un détail m'avait, non pas choqué, plutôt chiffonné, ou fait tiquer, dans la page de l'AFP rapportant la nouvelle. Il était présenté comme auteur de : Du Surréalisme... Certes, l'AFP n'est pas un bulletin bibliographique ; ce n'était qu'une indication. Mais des livres sur le surréalisme, il y en a beaucoup. Toutefois il y en a un seul qui s'intitule : Du surréalisme considéré dans ses rapports au totalitarisme et aux tables tournantes. Jean Clair, en effet, nous invite à ne pas trop oublier, occulter, gommer, deux choses très vraies, mais qui dissonent dans la vulgate esthétique. À savoir :
1/ le surréalisme a été un mouvement foncièrement antidémocratique, rejetant la société bourgeoise, aussi bien par l'extrémisme de droite que par celui de gauche ; plus même, en ses débuts, par le premier que par le second, chose qui a été ensuite largement occultée, entre autres par la stalinisation d'Aragon.
2/ que le surréalisme est très ouvertement une doctrine irrationaliste, antirationaliste, occultiste, magique, obscurantiste, qui a ses sources, via Maeterlinck et le Romantisme allemand, dans un archaïsme auquel il n'est certes pas interdit d'adhérer, mais qu'il est pour le moins difficile de faire cohabiter avec une pensée un tant soit peu héritière des Lumières. La "liberté" de l'Aufklärung n'a rien à voir - c'est une litote - avec celle de l'esprit enfin libéré de la raison, tout entier livré aux puissances du rêve. Et ce n'est pas non plus en héritier des Encyclopédistes qu'on recommande de tirer au hasard sur les passants. L'homme du XVIII° dans lequel les surréalistes saluent leur grand précurseur, ce n'est pas Montesquieu, mais, tout à l'autre bout, le divin Marquis de Sade, chantre lui aussi de la liberté ; enfin de la liberté à sa manière, et surtout pour lui-même.
Jean Clair veut, par ce livre, contribuer à une "généalogie de la violence" au XX°siècle. Et il confirme que, dans l'entre-deux-guerres, et malgré les illusions d'une rétrospection qui fige les essences, il y avait un jeu de miroirs et de culbutes très complexe entre extrémisme de gauche et extrémisme de droite. Qu'il ne faut pas les penser comme les deux extrêmes d'une ligne, mais comme les deux pinces de la tenaille qui voulait écraser la démocratie, la pince de gauche et la pince de droite ayant par nature tendance à se rapprocher, à se rapprocher...
Enfin, je ne saurais trop conseiller de conjuguer la lecture de ce livre avec celle de l'énorme volume, atypique, agaçant, subjectif, etc., mais furieusement suggestif qu'est Le XIX° siècle à travers les âges de feu l'étonnant, détonant et détonnant Philippe Muray. Ce dernier y propose ("démontre" serait excessif) un rapport inattendu, durant tout le XIX° siècle, entre doctrines socialistes et doctrines occultistes.
Voilà ; j'ai compensé la petite frustration de ces points de suspension de l'AFP.
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