Dans son roman de 1936 Les derniers Jours (roman très inégal, certes, mais dans l’inégal il y a du bon), Queneau présente un escroc bizarre qui imagine, en profitant de la fameuse dévaluation du mark (1921), une immense opération d’achat de l’Allemagne, immeubles, territoire, tout. Queneau utilise à ce propos la formule ‘conquête méthodique’.
Chap XXIX :
« Il rêvait qu’il achetait des villages en bloc et que la S.I.G.I. finissait par acquérir des provinces entières. Sa méditation se poursuivant, il parvint à cette conclusion qu’il serait bon que la S.I.G.I. se spécialisât dans la conquête méthodique des provinces rhénanes. »
Peut-être est-ce une rencontre accidentelle ; peut-être un écho de l’opuscule de Valéry Une Conquête méthodique publié en 1897 et repris en 1915, dans le cadre de l’effort de guerre, sous le titre La Conquête allemande. Valéry y exposait les procédés, les méthodes industrielles de l’Allemagne qui était en voie de conquérir le monde par l’efficacité de son organisation.
À noter que, dans des esquisses non retenues mais mentionnées en Pléiade, un autre personnage de Queneau lit La Soirée avec Monsieur Teste, opuscule publié en 1896.
---
Autre rencontre ponctuelle : Queneau affuble deux homme âgés de l’idée fixe selon laquelle on ne meurt pas si on ne se couche pas :
Chap. XV :
« [Il] va mourir parce qu’il s’est couché pour dormir. S’il ne s’était pas couché, il aurait encore vécu des centaines et des centaines d’années. Mais il s’est couché, alors il va mourir. »
(rappel : la société fictive se nomme sombrement la « S.I.G.I. »)
La même année 1936 paraît Mort à crédit de Céline, à la première page duquel on peut lire :
« […] Mme Bérenge, la concierge, est morte. […] Je lui ai dit dès le premier jour quand elle a toussé : ‘Ne vous allongez pas surtout !... Restez assise dans votre lit !’ Je me méfiais. Et puis voilà... Et puis tant pis. »
N’allons pas jusqu’à évoquer Hugo et la retraite de Russie : « Qui se couchait mourait… »