[aux échecs, fourchette = mouvement par lequel on menace en même temps 2 pièces adverses]
Une très belle fourchette stylistique chez Céline, un effet très réussi de stéréophonie sémantique :
Voyage :
"Il s’empressait Baryton, guidé par Parapine, de se mettre au goût du jour, au meilleur compte bien sûr, au rabais, d’occasion, en solde, mais sans désemparer, à coups de nouveaux engins électriques, pneumatiques, hydrauliques, sembler ainsi toujours mieux équipé pour courir après les lubies des petits pensionnaires vétilleux et fortunés. Il en gémissait d’être contraint aux inutiles apparats… d’être obligé de se concilier la faveur des fous mêmes…"
on comprend qu'il s'agit des "appareils" électriques
en français classique, le mot "appareil" signifiait ce qu'on entend maintenant par "apparat" (fastes, cérémonies, pompes)
il s'agit pour Baryton d'avoir l'air moderne, riche, innovant, de proposer des fastes de modernité, bien vains du point de vue thérapeutique (comme le cinéma pour les crétins)
mais aussi…
apparat est le mot allemand pour "appareil" (téléviseur, téléphone), par lequel on retrouve donc le sens d'appareil électrique.
Et quant à l'origine (anecdotique) de ce tour magistral, on peut se reporter à la biographie :
Gibault, biogr., sur Destouches jeune :
"Il se passionnait tout particulièrement pour les moteurs électriques et pour les premiers appareils utilisant cette nouvelle source d’énergie."
+
"Louis, pour se faire un peu d’argent de poche, donnait du reste des leçons de français à l’un de ses maîtres et rendait contre rétribution de menus services aux habitants de Diepholz, effectuant des petits travaux d’électricité pour les uns et les autres. Avec l’argent ainsi gagné il s’acheta une dynamo grâce à laquelle il se lança dans la recharge des accumulateurs. Il organisa aussi des séances publiques au cours desquelles il fit marcher une locomotive en réduction et projeta des films avec un cinématographe offert par l’un de ses oncles."