Quelques autres compléments, sommairement indiqués, pour :
Hypallages et personnifications :
romantisme :
[NB : peu avant ce passage, Musil signale qu’il vise seulement le "romantisme allégorique", "pas le grand de Novalis"]
Musil : Post-scriptum critique, in Proses éparses, trad. Jaccottet, Points-Seuil p. 222 :
« En passant le Brenner, le troubadour Heine vit de très hautes montagnes qui le regardaient d'un air grave et, de leurs fronts énormes, de leurs longues barbes de nuées, lui souhaitaient bon voyage. Il remarquait aussi parfois dans le lointain une petite cime bleue qui semblait se dresser sur la pointe des pieds et jeter des regards curieux par-dessus l'épaule des autres, probablement pensait-il, pour mieux le voir. Ces passages-là, chez Heine, ne sont ironiques qu'à demi. Pour lui, le soleil, le rossignol et les fleurs n'ont vraiment pas d'autre fin que de se lever, de chanter et fleurir dans son cœur. »
Nabokov, La Vraie vie de Sebastian Knight 2-508 « un vase prétentieux »
Nabokov, La Vraie vie de Sebastian Knight 2-518 « une fenêtre en saillie qui semblait avoir changé d’avis au dernier moment et fait un timide effort pour revenir à l’état de fenêtre ordinaire. »
« a bay-window which had seemed to change its mind at the last moment and had made a half-hearted attempt to revert to an ordinary state. »
Hrabal, La chevelure sacrifiée p. 91 : « l’ombre tonitruante des soldats »
Image personnifiante, proche de la préciosité :
Goncourt 1-1025 : « Le paysage avait l’air, la nuit, d’un paysage en cheveux. »
Lolita a écorné le petit déjeuner de HH, et c’est le plateau qui se retrouve édenté :
« Ne le dites pas à maman : j'ai mangé tout votre bacon ». […] Le plateau de mon petit déjeuner […] me lorgne, édenté »
« My breakfast tray […] leers at me toothlessly »
Nabokov, Roi, dame, valet 1-119 : « un remblai monta »
Nabokov, Roi, dame, valet 1-143 : « mobilier prétentieux »
Nabokov, Roi, dame, valet 1-302 : « on pouvait voir de temps à autre une de ces tentes de plage se pencher tout à coup en avant et se traîner lentement vers un nouvel emplacement, comme un scarabée rouge et blanc. » « one could catch now and then one of the booths suddenly leaning forward and crawling over to a new location, like a red-and-white scarab. »
Nabokov, Exploit 1-682 « et brusquement le salut frappa contre ses semelles »
Nabokov, Don 2-7 [tracteur, anatomie étalée sans pudeur]
Nabokov, Don 2-11 [piano couché qui ne peut se relever]
Nabokov, Don 2-11 [chambre qui attend patiemment]
Nabokov, Don 2-14 « L’allée cavalière était rentrée du parc pour la nuit. »
Nabokov, Don 2-51-52 « Le berceau où se trouvait un petit revolver de couleur sombre qui venaît de naître »
Nabokov, Seb. Knight 2-393 : « le long soupir triste des freins dans les gares. »
Nabokov, Seb. Knight 2-464 : « son ombre lui faisait tantôt un pied de nez, tantôt une révérence. »
Nabokov, Alep 760 : « l’incessant gargouillis alpin des latrines désolées » « the ceaseless alpine gurgle of desolate latrines » ;
Nabokov, Solus rex : « une montre podagre » « somebody’s gouty timepiece was habitually slow »
Nabokov, Solus rex : « Le crépitement industrieux de la pluie » « the businesslike, now and then accelerating, crepitation of rain »
Nabokov, Solus rex : [un ruisseau léthargique]
Nabokov, Solus rex : [un chausse-bottes qui guette]
Nabokov, Fialta : [un foulard qui se dresse comme chien qui reconnaît]
Nabokov, Fialta § 1 : « …de pâles maisons bleuâtres accroupies qui se sont relevées en titubant pour escalader la pente (un cyprès leur indiquant le chemin)… » « pale bluish houses, which have tottered up from their knees to climb the slope (a cypress indicating the way) »
Nabokov, Fialta : « la cuisse d’autruche d’une harpe »
images :
Nabokov, Roi, dame, valet 1-228 : « tache sur omoplate … raisin sec dans la crème »
Nabokov, Le Don 2-160-1 : « amphibraque que l’on peut se représenter sous la forme d’un canapé à trois coussins, celui du milieu un peu aplati »
« a trisyllable that one visualizes in the shape of a sofa with three cushions—the middle one dented »
Vision d’enfant (en train) ou vision d’animal :
Aymé, Gustalin (fin chap. XV) [Le chien Museau, malade, est porté par son maître] :
« Museau, frileux, se serrait contre lui et regardait passer, par-dessus son bras, les haies et les champs. Au loin, le paysage se brouillait. Plus près, il devenait mouvant. Un pommier se détacha d’une rangée d’arbres, dansa un moment sur les prés et s’éloigna et se perdit. La lisière des bois, après avoir oscillé, se disloqua, et un champ labouré de frais se dressa comme un mur. »
cf. aussi :
Dietrich (Luc) : Le Bonheur des tristes : « Par-delà le carambolage des rails croisés, les poteaux comptaient la campagne, les fils mesuraient la fuite en sifflant. Un champ de blé gicla d'un talus. Une petite ville se bâtit au galop puis dégringola dans une pente. Un bref tunnel goba le reste et vomit une boule de fumée et des collines bleues. »
Ordre :
Le narrateur présente d’abord l’illusion du personnage (coupable, anxieux, donc troublé) comme un fait avéré, puis nous apprend la vérité en même temps que le personnage la découvre :
Nabokov Rire dans la nuit 1-825 et 827 : « On apercevait l’extrémité d’une robe rouge vif […] Mais ce n’était qu’un coussin de soie écarlate » « just behind a revolving bookstand, the edge of a bright red frock was showing. […] But it was only a scarlet silk cushion »
périphrases (périphrases sexuelles dans Lolita) :
« le sceptre de ma passion »
« mon désir masqué »
« la tumeur cachée d’une passion indicible »
« le solide serpent du désir »
« le bibelot local »
« la rouge écorchure »
« le V de velours »
« la fissure de daim »
Autonomisation du mouvement et abstraits pluriels sujets grammaticaux
Zola :
« le double courant des trottoirs […] charriait des chapeaux. »
« Il y eut des exclamations, un enthousiasme qui s'étouffait dans les bouches pleines. »
« des dos s’arrondissaient »
« des nuques se montraient »
« des bras nus se tendaient ; trois gifles retentirent »
Ombres ayant une existence propre :
Aragon La Semaine sainte, incipit : « La chambrée des sous-lieutenants n’était éclairée que par la bougie sur la table, et sur le plafond et les murs se repliaient les silhouettes des joueurs. »