mercredi 29 juin 2011

Valéry / Melville : un parallèle


Pour Valéry, ce qu'on montre, du fait même qu'on le montre, est sans importance. L'important, on le cache prudemment. Valéry illustre cette idée par une image d'origine maritime (il aimait les bateaux, bien qu'il ne fût lui-même nullement marin) : ce qui se voit est "œuvres mortes", ce qui est caché est "œuvres vives" :

Valéry Mélange, Instants 1-393 :  
« La personne peut se comparer à un vaisseau dont la partie vulnérable et essentielle se trouve sous la flottaison. Ce que l'on voit est œuvres mortes, décoration possible. Les agitations de la mer découvrent en partie les œuvres vives, qui sont ici : la sensibilité des organes vitaux (sympathique et pneumogastrique) et les sources d'énergie profonde, le tout plus ou moins lié à quelques secrets. C'est là ce que guette et vise son ennemi intelligent. » 

L'idée est déjà chez Melville, avec une intéressante potentialité de généralisation : 

Melville La Vareuse blanche, chap "conclusion", Pléiade t. 2 p. 739, cité t. IV p. 1304 (notes s. Billy Budd) : 
« Vu de l'extérieur, notre bâtiment est un mensonge, car, du dehors, on n'en perçoit que le pont bien astiqué, ainsi que les planches de bordage, peintes et repeintes, situées au-dessus du niveau de l'eau ; tandis que la masse énorme de notre architecture, avec l'ensemble de ses magasins secrets, vogue à jamais au-dessous de la surface. »
« Outwardly regarded, our craft is a lie ; for all that is outwardly seen of it is the clean-swept deck, and oft-painted planks comprised above the waterline ; whereas, the vast mass of our fabric, with all its storerooms of secrets, for ever slides along far under the surface. »