dimanche 23 octobre 2011

Leopardi : L'infinito (traduction M.P.)

  

L'infinito     (1819)

Sempre caro mi fu quest'ermo colle,
E questa siepe, che da tanta parte
Dell'ultimo orizzonte il guardo esclude.
Ma sedendo e mirando, interminati
Spazi di là da quella, e sovrumani
Silenzi, e profondissima quiete
Io nel pensier mi fingo ; ove per poco
Il cor non si spaura. E come il vento
Odo stormir tra queste piante, io quello
Infinito silenzio a questa voce
Vo comparando : e mi sovvien l'eterno,
E le morte stagioni, e la presente
E viva, e il suon di lei. Così tra questa
Immensità s'annega il pensier mio :
E il naufragar m'è dolce in questo mare.



L'infini

Toujours je l'ai chérie, cette colline solitaire
et cette haie qui de tant de côtés
prive le regard du dernier horizon.
Mais moi, en repos, contemplatif, au-delà,
je forge dans ma pensée des espaces illimités
et des silences surhumains
et une quiétude on ne peut plus profonde
où il s'en faut de peu que le cœur manque.
Et comme j'entends le vent parmi ces feuilles,
ce silence infini je le compare à cette voix.
Et il me souvient l'éternité
et les saisons mortes,
et la présente et vive et comme elle sonne.
Ainsi dans cette immensité s'engloutit ma pensée
et le naufrage m'est doux dans cette mer.

Keats : To Sleep (traduction M.P.)

 
To Sleep

O soft embalmer of the still midnight !
Shutting, with careful fingers and benign,
Our gloom-pleased-eyes, embower'd from the light,
Enshaded in forgetfulness divine :
O soothest Sleep ! if it so please thee, close,
in midst of this thine hymn, my willing eyes,
Or wait the amen, ere thy poppy throws
Around my bed its lulling charities ;
Then save me, or the passed day will shine
Upon my pillow, breeding many woes ;
Save me from curious conscience, that still hoards
Its strength for darkness, burrowing like a mole ;
Turn the key deftly in the oiled wards,
And seal the hushed casket of my soul.




Au Sommeil

Toi qui embaumes le minuit serein,
de tes doigts délicats livrant nos yeux
à la douce ténèbre où ne luit rien,
à l'obscur divinement oublieux,
très doux Sommeil, ferme si tu le souhaites
pendant cet hymne mes yeux consentants,
ou à la fin, avec charité, jette
tes pavots sur mon lit en bercement.
Protège-moi de ce jour qui revient
sur l'oreiller en mille idées inquiètes ;
de la conscience qui garde, la nuit,
sa force de chercher, taupe qui creuse.
La clé bien huilée, tourne-la sans bruit.
Scelle mon âme, cassette silencieuse.

Keats : When I have fears (traduction M.P.)

.

When I have fears that I may cease to be
Before my pen has glean'd my teeming brain,
Before high piled books, in charact'ry,
Hold like rich garners the full-ripen'd grain ;
When I behold, upon the night's starr'd face,
Huge cloudy symbols of a high romance,
I think that I may never live to trace
Their shadows, with the magic hand of chance ;
And when I feel, fair creature of an hour !
That I shall never look upon thee more,
Never have relish in the faery power
Of unreflecting love ! - then on the shore
Of the wide world I stand alone, and think
Till Love and Fame to nothingness do sink.


Lorsque je crains que finisse mon être
Sans que ma plume ait glané mon esprit,
Sans qu'un monceau de livres, en toutes lettres,
Soit le grenier de tout ce grain mûri ;
Quand je vois les nues, masques de la nuit,
Symboles géants de haute épopée,
Je crains que trop courte ne soit ma vie
Pour les tracer d'une main enchantée ;
Et quand je sens, bel être d'un moment -
Qu'une dernière fois je te regarde,
Et ne goûterai plus l'envoûtement
De l'amour insoucieux - seul je m'attarde
Au bord du monde et, tandis que je songe,
Dans le néant Amour et Gloire plongent.

.

Keats The day is gone (traduction M.P.)

 .

The day is gone, and all its sweets are gone !
Sweet voice, sweet lips, soft hand, and softer breast,
Warm breath, tranced whisper, tender semitone,
Bright eyes, accomplish'd shape, and lang'rous waist !
Faded the flower and all its budded charms,
Faded the sight of beauty from my eyes,
Faded the shape of beauty from my arms,
Faded the voice, warmth, whiteness, paradise -
Vanish'd unseasonably at shut of eve,
When the dusk holiday - or holinight
Of fragrant-curtain'd love begins to weave
The woof of darkness thick, for hid delight ;
But, as I've read Love's missal through to-day,
He'll let me sleep, seeing I fast and pray.



Passé le jour avec tous ses plaisirs !
Voix, lèvres, mains, et gorge plus encore,
Souffle, chuchotements, tendres soupirs,
Regard clair, forme pure, langueur du corps !
Passé le charme naissant de la fleur,
Passée la vue de mes regards enfuie,
Passés la forme serrée sur mon cœur,
Voix et chaleur, blancheur et paradis -
Trop tôt perdus à la chute du jour,
quand la sainte journée - la nuit sacrée
tisse l'odorant rideau de l'amour,
ombre épaisse pour un bonheur caché ;
Ayant lu de l'amour tout le bréviaire,
J'ai droit au sommeil, par jeûne et prière.

.

Hölderlin Andenken (traduction M.P.)



  
Der Nordost wehet,                               
Der liebste unter den Winden
Mir, weil er feurigen Geist
Und gute Fahrt verheißet den Schiffern.
Geh aber nun und grüße
Die schöne Garonne,
Und die Gärten von Bourdeaux
Dort, wo am scharfen Ufer
Hingehet der Steg und in den Strom
Tief fällt der Bach, darüber aber
Hinschauet ein edel Paar
Von Eichen und Silberpappeln ;

Noch denket das mir wohl und wie               
Die breiten Gipfel neiget
Der Ulmwald, über die Mühl,
Im Hofe aber wächset ein Feigenbaum.
An Feiertagen gehn
Die braunen Frauen daselbst
Auf seidnen Boden,
Zur Märzenzeit,
Wenn gleich ist Nacht und Tag,
Und über langsamen Stegen,
Von goldenen Träumen schwer,
Einwiegende Lüfte ziehen.

Es reiche aber,                                
Des dunkeln Lichtes voll,
Mir einer den duftenden Becher,
Damit ich ruhen möge ; denn süß
Wär unter Schatten der Schlummer.
Nicht ist es gut,
Seellos von sterblichen
Gedanken zu sein. Doch gut
Ist ein Gespräch und zu sagen
Des Herzens Meinung, zu hören viel
Von Tagen der Lieb,
Und Taten, welche geschehen.
Wo aber sind die Freunde ? Bellarmin           
Mit dem Gefährten ? Mancher
Trägt Scheue, an die Quelle zu gehn ;
Es beginnet nämlich der Reichtum
Im Meere. Sie,
Wie Maler, bringen zusammen
Das Schöne der Erd und verschmähn
Den geflügelten Krieg nicht, und
Zu wohnen einsam, jahrlang, unter
Dem entlaubten Mast, wo nicht die Nacht durchglänzen
Die Feiertage der Stadt,
Und Saitenspiel und eingeborener Tanz nicht.
Nun aber sind zu Indiern               
Die Männer gegangen,
Dort an der luftigen Spitz
An Traubenbergen, wo herab
Die Dordogne kommt,
Und zusammen mit der prächtgen
Garonne meerbreit
Ausgehet der Strom. Es nehmet aber
Und gibt Gedächtnis die See,
Und die Lieb auch heftet fleißig die Augen,
Was bleibet aber, stiften die Dichter. 




Repenser         trad. MP

Souffle le vent du Nord-Est
parmi les vents le plus aimé
pour moi promesse aux mariniers
d'esprit ardent de bon voyage.
Mais va-t-en maintenant saluer
la belle Garonne
et les jardins de Bourdeaux
là-bas
où le sentier se rend
à la rive effilée
et où le ruisseau tombe englouti dans le courant mais d'en haut
regarde loin un couple noble
chêne et peuplier d'argent ;
cela encore à moi se pense bien et puis comment
les ormeaux en bosquets baissent large leur cime
au-dessus du moulin
dans la cour toutefois un figuier qui s'accroît.
Les jours de fête vont
sur le sol soyeux
les femmes brunes
au temps de mars
quand la nuit et le jour sont semblables
et sur les sentiers lents
lourdes de rêves d'or
passent berçantes les brises.

Mais que me soit tendue
pleine de sombre lumière
par quelqu'un la coupe odorante
que j'en puisse faire mon repos car il serait doux
de sommeiller à l'ombre.
Il n'est pas bon
d'être sans âme
tout en pensées mortelles.
Ce qui est bon au contraire c'est
une conversation et de dire
le fond du cœur, et d'écouter beaucoup
sur les temps de l'amour
et les grandes choses ayant eu lieu.

Mais où sont les amis ? Bellarmin
et son compagnon ?
Plus d'un saisi de peur ne va jusqu'à la source ;
c'est que l'opulence commence
dans la mer. Eux
comme des peintres mettent ensemble
le beau de la terre et la guerre des ailes
ils ne la dédaignent pas
ni d'habiter des années durant solitaires
sous le mât défeuillé où la nuit ne se traverse pas
des lueurs des villes les jours de fête
ni des cordes qui jouent ni des anciennes danses de l'endroit non plus.

Mais maintenant c'est chez les Indiens
que les hommes sont allés
de cette pointe là parmi les souffles
de ces monts couverts de grappes
où la Dordogne vient
se composer avec la Garonne puissante
large comme une mer
évanouir son flot. Mais c'est elle qui prend
et qui donne mémoire la mer
et l'amour aussi s'applique à river les yeux.
Mais ce qui reste advient des poètes.

Mais où sont les amis ? Bellarmin
et son compagnon ?
Plus d'un saisi de peur ne va jusqu'à la source ;
c'est que l'opulence commence
dans la mer. Eux
comme des peintres mettent ensemble
le beau de la terre et la guerre des ailes
ils ne la dédaignent pas
ni d'habiter des années durant solitaires
sous le mât défeuillé où la nuit ne se traverse pas
des lueurs des villes les jours de fête
ni des cordes qui jouent ni des anciennes danses de l'endroit non plus.

Mais maintenant c'est chez les Indiens
que les hommes sont allés
de cette pointe là parmi les souffles
de ces monts couverts de grappes
où la Dordogne vient
se composer avec la Garonne puissante
large comme une mer
évanouir son flot. Mais c'est elle qui prend
et qui donne mémoire la mer
et l'amour aussi s'applique à river les yeux.
Mais ce qui reste advient des poètes.