vendredi 31 décembre 2021

Mélancolies d'un vieux mandarin

 

    J'ai enseigné la philosophie de 1978 à 2019, soit 41 ans, dont 38 dans le supérieur, que j'avais hâte de rejoindre pour diverses raisons dont une des principales était de fuir les copies en charabia. Las, bien vite j'ai été  rattrapé ; dès 1988, c'était perdu, la rédaction en français devenait une rareté, une friandise qui valait à elle seule une honnête moyenne. Le "tarif" était d'une dizaine de fautes par page, ce qui, associé à une graphie problématique et une pensée incertaine, rendait la correction d'autant plus pénible que la copie était mauvaise.
   Trois anecdotes.
   Vers 1988, j'essayais de limiter les dégâts en expliquant aux étudiants ce précepte d'Alain selon qui il faut soigner l'expression, car cela retentit favorablement sur la pensée. À quoi un étudiant me fit remarquer, sans aucune acrimonie, que ce n'était pas possible : si on fait attention à l'orthographe, on ne peut pas en même temps faire attention à la pensée. Ce qui n'était pas faux en un sens (Malebranche fonde une partie de sa pensée sur l'affaiblissement de l'attention par son partage entre divers objets) ; mais c'était bien mauvais signe quant aux automatismes qui rendent "transparent" le soin de la mécanique verbale. Savoir écrire, en principe, c'est laisser se dérouler "en tâche de fond" la plupart des processus grammaticaux. Donc, écrire ou penser, il fallait choisir.
   Par la suite, j'évoquais de temps en temps un petit fait pour faire au moins sentir aux étudiants l'abîme entre les pratiques de deux époques - leur indiquer que eux et moi vivions sur des planètes différentes, dans des ères différentes. En terminale (1969, 16 ans), mon professeur de philosophie n'était pas un "prof de philo", mais c'était néanmoins un homme à la fois charmant et sérieux. À la remise de la première copie, j'avais obtenu 16/20 - normal. Mais dans un coin de la première page, une indication : "2 fautes." Stupéfaction ; car je ne faisais quasi jamais de fautes, a fortiori dans un texte construit par mes soins et rédigé avec attention. Il s'agissait de deux occurrences du mot "assez", où ma graphie du Z le faisait en effet ressembler à un Y. Il y avait donc "faute" lorsque, pour une raison quelconque, la lecture avait connu un incident, même minime, un petit accroc, un infime parasitage. C'était au tour des étudiants d'être stupéfaits par des exigences aussi loufoques.
   Vers 2015, un candidat aux concours de recrutement me donna à corriger une copie d'entraînement où il devait y avoir quelque chose comme 2 ou 300 fautes (des vraies fautes, du genre "ils était"). Je lui fis remarquer que son orthographe était en-dessous du niveau du CM1, chose regrettable pour devenir enseignant de terminale. Il a dû m'en vouloir beaucoup et me classer parmi les suppôts du fascisme et de l'arrogance mandarinale. Il n'avait probablement pas tort, puisque, deux mois après, il était reçu au concours, preuve que le jury était sur la même longueur d'onde que lui - ou que lui était sur la même longueur d'onde que le jury. L'important, c'est de se comprendre, d'avoir les mêmes exigences.
 

jeudi 30 décembre 2021

Céline et Conrad : le cacatoès et l'arlequin

  

  Les analogies entre l'épisode africain du Voyage et Cœur des ténèbres de Conrad sont nombreuses (sans oublier, je le redis, les analogies avec Un Avant-poste du progrès). Mais Conrad apparaît parfois ailleurs chez Céline, bien plus tardivement ; par exemple quand Le Vigan fait son apparition en fantôme sur le quai, devant chez Madame Niçois :

    Céline, D'un Château l'autre :
   "Je me retourne... quelqu’un !... je vois un personnage, une sorte de chienlit... chienlit gaucho boy-scout, un déguisé, quoi !... en énorme pantalon à franges... et le bada feutre, à franges aussi !... bada, pantalon, petite blouse... tout colorié !... toutes les couleurs !... un cacatoès !... et de ces éperons !... l’immense chapeau, jaune, bleu, vert, rose, enfoncé jusqu’à la barbe !..."

    Conrad, Cœur des ténèbres (trad. Aubry-Ruyters) :
   "Son aspect me rappelait quelque chose, quelque chose d’étrange que j’avais déjà vu quelque part. Tout en manœuvrant pour accoster, je me demandais : à quoi donc ressemble-t-il ? Et tout à coup je compris. Il avait l’air d’un arlequin... Ses vêtements étaient faits de ce qui sans doute avait été autrefois de la toile brune, mais ils étaient entièrement couverts de pièces éclatantes, bleues, rouges, jaunes, – pièces dans le dos, sur le devant, sur les coudes, aux genoux ; ganse de couleur au veston, ourlet écarlate au fond de son pantalon [...]."

   His aspect reminded me of something I had seen— something funny I had seen somewhere. As I manoeuvred to get alongside, I was asking myself, ‘What does this fellow look like?’ Suddenly I got it. He looked like a harlequin. His clothes had been made of some stuff that was brown holland probably, but it was covered with patches all over, with bright patches, blue, red, and yellow—patches on the back, patches on the front, patches on elbows, on knees; coloured binding around his jacket, scarlet edging at the bottom of his trousers [...]
 

mardi 28 décembre 2021

Céline notules (4)

 

   Le Voyage comme réécriture de Candide, cela a été noté (par M-C. Bellosta p. ex.) ; surtout concernant l'invraisemblance des situations et des retrouvailles, immense chez Voltaire, très grande encore chez Céline, invraisemblance qui montre qu'il s'agit d'un "roman philosophique" et non pas d'un ouvrage "réaliste". Sitôt sorti du milieu originel, c'est dans les deux romans l'expérience absurde de la guerre. La traversée de l'Atlantique en galion espagnol du XVII° siècle est même un clin d'œil direct de Céline à Voltaire et au roman philosophique en général. Mais il y a d'autres analogies, en particulier les mots, les entassements de morts.
   Par exemple le chap. XI de Candide :
"Les captifs mes compagnons, ceux qui les avaient pris, soldats, matelots, noirs, basa­nés, blancs, mulâtres, et enfin mon capitaine, tout fut tué, et je demeurai mourante sur un tas de morts. [...] Je me débarrassai avec beaucoup de peine de la foule de tant de cadavres sanglants entassés [...]."
   Ce thème se retrouvera chez Céline en ayant transité, à l'évidence, par Le Colonel Chabert, et Adieu, deux références céliniennes insuffisamment mentionnées.

***


   Dans Mort à crédit : "Tu les crois malades?... Ça gémit... ça rote... ça titube... ça pustule... Tu veux vider ta salle d’attente ? Instantanément ? même de ceux qui s’en étranglent à se ramoner les glaviots ?... Propose un coup de cinéma !... un apéro gratuit en face !... tu vas voir combien qu’il t’en reste..." Il y a une idée voisine dans un roman picaresque espagnol (lequel ?) : si on veut vider un hôpital de ses faux infirmes, il suffit de crier 'Au feu !" et la plupart s'enfuient en courant...  

***


   Un thème de haute densité philosophique, qui parcourt toute l'œuvre de Céline : la disparition non pas partielle, mais totale, la vaporisation, l'anéantissement intégral : depuis l'obus qui a dispersé le camarade à l'armée, jusqu'aux prophéties finales de guerre atomique. Les derniers mots de Céline écrivain : "... que plus rien existe...". Un exemple frappant : dans les 'aventures' de Courtial, deux épisodes similaires : la 'vaporisation' de l'institutrice que le jeune Courtial voiturait galamment, et, à l'exposition, l'anéantissement furieux du chalet-témoin. Peut-être faut-il voir là une des motivations de l'écriture : les êtres et les choses disparaissent entièrement, mais peuvent persister un peu dans l'être quand ils sont racontés par un chroniqueur fidèle. Tous les copains perdus en cours de route, tous les lieux anéantis appellent à une écriture que l'on peut dire "pieuse". Tout s'écroule, tout s'anéantit. Mais scripta manent.

 

***


    Une coquille persistante ?? Dans Mort à crédit, devant les difficultés à trouver un travail pour Ferdinand, l'oncle Édouard "commençait à triquer" dit la Pléiade... Étrange... ; tout le contexte invite à penser qu'il s'agit de "tiquer". Quant à "triquer" (= "bander"), on ne voit pas du tout pourquoi ; à moins que l'argot de l'époque ait connu cette acception - hypothèse pas impossible, mais bien improbable.


vendredi 24 décembre 2021

La philosophie facilitée (Gide, Hegel)


   Gide dit (en substance) qu'il n'y a pas de problème si ardu qu'il n'y ait un chemin facile pour y amener. Cela me semble assez vrai, du moins pour bien plus de problèmes qu'on ne le croirait, et je pense que la première tâche du professeur (je sous-entends "de philosophie") doit être précisément de repérer et d'indiquer de tels chemins.
  Ainsi, il m'est arrivé de proposer à mes étudiants une telle initiation à l'aspect phénoménologique de la pensée de Hegel, sujet qui peut être très ardu, en le présentant, en germe (in nuce), dans une formule de trois syllabes familières : "J'étais con !".
   La pensée est l'affaire de quelqu'un qui dit 'je' ; qui s'exclame (dimension affective), qui change d'opinion, qui se renie, qui se déjuge, qui se désillusionne. La vérité n'apparaît que comme négation de l'erreur, comme négation rétrospective, et, nécessairement, pas gaie. Apprendre, c'est apprendre qu'on s'est trompé. La vérité est tardive (nachdenken, réfléchir, c'est mot-à-mot "penser après") ; elle est le fait de la conscience âgée. Il n'y a de vérité que 'devenue', c'est-à-dire erreur surmontée, dépassée. Cette ascension vers le vrai se fait en chutant de haut. Le chemin de la vérité n'est pas séparé du chemin de l'erreur, des erreurs : c'est le même. L'apparition du vrai n'est pas une joie, mais une catastrophe ("apo-calypse" signifie ré-vélation et horreur). Je juge maintenant de ce que je fus ; mon jugement est meilleur (Hegel : "le présent est ce qu'il y a de plus haut") ; mais il n'est peut-être pas définitif (il ne le sera, ne le serait, que dans le "savoir absolu").
    Dans un premier temps, j'ai honte d'avoir été si con (Hegel : "la honte que quelque chose ait été appris" ; ou Valéry : on est "dur pour le jeune homme qu'il faut bien souffrir d'avoir comme aïeul"). Mais bientôt, je comprends qu'il faut du temps pour apprendre, et que ces étapes dans l'erreur (étapes longues et nombreuses) sont nécessaires. Je me réconcilie ainsi avec moi-même. Le "J'étais con !" n'est plus un cri d'horreur et de honte, mais une constatation vaguement amusée, concernant un moi très ancien (Valéry : "Et ce jeune soleil de mes étonnements / Me semble d'une aïeule éclairer les tourments").
    Ensuite, on peut lire Le Gland et la citrouille, Cosí fan tutte, ou même on peut passer à Hegel.

 

jeudi 23 décembre 2021

Céline : l'oral et ses redites (3)

 
   après

http://lecalmeblog.blogspot.com/2020/01/celine-loral-et-ses-redites.html
   et
http://lecalmeblog.blogspot.com/2020/02/celine-loral-et-ses-redites-2-loncle.html
   dans Mort à crédit, une jolie série de redondances à propos de l'équipe de football du collège :
   "Avec moi en moins dans l’équipe,
1 il tenait plus le coup pour les sports.
2  Il finirait pas la saison.
Après les vacances de Noël, on avait eu quatre départs... des mômes qu’étaient pas revenus...
3. Le collège il serait plus montrable avec son « football », même si on laissait jouer Jonkind...
4 Ça pouvait plus exister...
5 Avec huit morveux seulement c’était pas la peine qu’on s’aligne...
6 On se faisait sûrement écraser...
7 Les « Pitwitt » rentraient ce qu’ils voulaient..."

 

Céline : bonheur (notule)

 

  Une idée qui n'est pas spécifique à Céline, loin de là, mais qu'il évoque au moins à deux reprises de façon très nette (il y a, je pense, d'autres cas à repérer dans son œuvre) :
  le bonheur se définit pour chacun par ce dont il manque et souffre cruellement.

   Pour Robinson, aveugle et pauvre, le bonheur, c'est de voir et d'avoir de l'argent.
  Il insistait et concluait : « Il n’y a qu’une liberté, que je te dis moi, rien qu’une : C’est de voir clair d’abord, et puis ensuite d’avoir du pognon plein les poches, le reste c’est du mou ! ...


   Pour Lempreinte (l'employeur du père dans Mort à crédit), qui souffre de terribles maux d'estomac, tout serait bonheur sans ces douleurs. Quant au père, son bonheur serait de n'avoir plus un fils aussi vicieux. Chacun est prêt à échanger son malheur avec celui, plus supportable lui semble-t-il, de l'autre.
   « Ah mon ami ! C’est tout ça ? Moi, si j’avais votre estomac ! Ah alors ! Ce que je m’en foutrais bien !... Et comment !... De tous mes proches et relations !... De tous mes fils et cousins !... de ma femme ! de mes filles ! de mes dix-huit pères ! Mais moi si j’étais à votre place ! mais moi je pisserais sur le monde ! Sur le Monde entier ! Vous m’entendez bien ! Vous êtes mou Monsieur ! c’est tout ce que je peux voir ! »
   C’est comme ça qu’il sentait les choses, lui, Lempreinte, toujours à cause de son ulcère, placé à deux doigts du pylore, bien térébrant, bien atroce... L’univers, pour lui, n’était plus qu’un énorme acide... Il avait plus qu’à essayer de devenir tout « bicarbonate »... Il s’évertuait toute la journée, il en suçait des brouettes... Il arrivait pas à s’éteindre ! Il avait comme un tisonnier en bas de l’œsophage qui lui calcinait les tripes... Bientôt, il serait plus que des trous... Les étoiles passeraient à travers avec les renvois. Sa vie était plus possible... Avec papa, au courant, ils se proposaient des échanges...
   « Tenez, moi, je le prendrais bien votre ulcère ! tout ce qu’on voudra pourvu qu’on me soulage de mon fils ! Vous n’en voulez pas ? »

   Ce qui est célinien dans cette attitude, c'est l'égoïsme (assez compréhensible), et surtout le caractère immédiat et naturel, brutal même, de la généralisation, de l'universalisation. Ce n'est pas : "pour moi qui souffre de l'estomac, le bonheur, c'est..." ; mais "Le bonheur, c'est..." . Chacun est aveugle à la douleur des autres, chacun pense être le plus souffrant.
C'est le primat, la dictature du ressenti subjectif (redondance..). Toute discussion est vaine. Chacun dans sa peine.


ajout de 2023 : 

Guerre : [le narrateur souffre d'acouphènes ; Cascade est blessé au pied] "C’est rien ce qu’il avait, Cascade, à côté de moi. J’aurais bien donné mes deux pieds moi pour qu’ils pourrissent, pour qu’on laisse ma tête tranquille. Il comprenait pas ça, on comprend pas l’idée fixe des autres."


mardi 21 décembre 2021

Luchini autophage (à diseur, diseur et demi)

 

  Longtemps, j'ai bien aimé Luchini liseur, diseur ; malgré bien des choses. Au moins, il avait du rebond, de la vivacité, de la culture ; il tranchait heureusement sur la grisaille convenue et ignorante. Il lisait hors des canons de la néoconvenance (Bloy, Muray). Même son Céline en public, si peu célinien (quoi qu'en ait dit, semble-t-il, Lucette Destouches) ; au moins, ça vivait ! Il adaptait Céline à Luchini. Il en faisait du Luchini, mais au moins il se passait quelque chose. J'aimais, mais toujours "malgré" et parce que "au moins...". Il avait rappelé ce que son maître Michel Bouquet lui avait dit, à savoir qu'il avait "encore trop de personnalité" - ce qui était une litote polie de la part d'un artiste si maître de lui, si lucide, si médiat.
  Jacques Perret : Le Caporal épinglé, ça vibre, c'est plein de sève, de frémissement, d'humour, d'inventivité, de cocasserie. Ça court, ça galope. C'est un régal, cet auteur dont la carburation est si gaie, et si contagieuse ; à lire Valéry on se sent intelligent ; à lire le Caporal, on se sent jeune (ce n'est pas un mince cadeau). Mais le Perret des derniers textes... ; le plus souvent, le procédé tourne à vide, s'emballe, pour rien. C'est d'ailleurs probablement parce que c'est pour rien que ça s'emballe ; ça débouche sur le vide. Pures cabrioles. Attristant.
   Luchini, c'est à peu près pareil. Il y a quelques années, dans ses entretiens radio, ce qui était fantaisie s'est mis à devenir n'importe quoi, digression gratuite, digression pour la digression ; la digression devenue marque de fabrique, fanion médiatique, comme pour d'autres une écharpe de couleur ou une chemise blanche. Je ne pouvais plus l'écouter : au lieu de me faire respirer, de m'éveiller, ses éruptions me gênaient, comme un "truc" de cabotin. La "personnalité" est souvent autophage.
  Podalydès lecteur, c'est le contraire. Neutre, discret, égal. Dans la droite ligne bouquetienne (?) de l'effacement de la personnalité. Le vrai Comédien à la Diderot. À preuve, il peut tout lire (comme Bouquet), de Proust à Céline, car il n'impose presque rien. Son Voyage est une merveille. Il est le premier à avoir osé l'intégrale de Mort à crédit, ce qui n'est pas une mince gageure. Et ça marche. Certes, dans les passages les plus... explosifs (scènes de vomi, de sexe, de bagarre - chez Céline, c'est du même tonneau), il est bien trop discret ; mais il est absolument impossible de dire cela en suivant l'inflation du texte (Arletty y parvenait dans quelques minutes de scène de ménage). Dans un entretien récent, Patrick Frémeaux notait avec justesse que la neutralité de Podalydès se prêtait mieux à une lecture au long cours que l'explosivité de Luchini. Tout un Voyage par Luchini, c'est impensable.
  Cela s'est vérifié, sur des extraits un peu longs. Tout récemment, Gallimard a publié plusieurs livres lus de Céline en CD. Deux Podalydès, et un un Luchini. De ce dernier, un découpage de textes contestable, bizarre, qui fonctionne mal, à mon humble avis. Mais surtout, une interprétation qui ne marche pas du tout. Quand Luchini, dans une salle électrisée-électrisante (presque un effet Larsen de tension), chantait Céline, ça marchait du feu de dieu ! Mais dans le studio, sur des textes longs, ne reste le plus souvent qu'une tension de la voix monotonement et inutilement perchée. Les seules bons passages sont piano, voire pianissimo (son ouverture de Mort à crédit reste magnifique). Mais cette insupportable insistance sur les syllabes, ce martèlement d'une même intonation, donne souvent l'impression d'un instrumentiste en perdition qui n'a plus qu'un seule corde à sa lyre, d'un naufragé qui n'a qu'une planche pour aller au bout de la phrase.
  Le disque se conclut par un long entretien, que je n'ai pas pu écouter jusqu'au bout. Ce n'est plus de la digression, mais du hors-sujet, avec l'impression qu'on dit ça parce qu'on n'a rien à dire... Et Luchini ne craint pas de rappeler (je n'ai pas eu le courage de réécouter pour citer exactement, je cite en substance) que le diseur ne doit pas imposer sa musique propre à celle de l'auteur ; ce qui, en l'occurrence, ne manque pas d'ironie.
   Après cela, si on réécoute Podalydès lisant, disant, simplement, doucement :
  En bas, la campagne... la plaine... le vent qui prend son élan... trébuche au fleuve... tourmente le bateau-lavoir... C’est l’infini clapotis... les triolets des branches dans l’eau...

***

  On peut pardonner bien des errances, des fautes de goût (non disputanda) ; mais il y a des choses qui, par elles-mêmes, ne pardonnent pas. Qui donnent le coup de grâce.
  Le texte dit :
  ils nous en mettent un bon coup de la gueule comme ça : « Bandes de charognes, c’est la guerre ! qu’ils font. On va les aborder, les saligauds qui sont sur la patrie n° 2 et on va leur faire sauter la caisse ! Allez ! Allez ! Y a de tout ce qu’il faut à bord ! Tous en choeur ! Gueulez voir d’abord un bon coup et que ça tremble : Vive la Patrie n°1 !
et cela devient, sur le disque :
... Gueulez voir d’abord un bon coup et que ça tremble : Vive la République n°1 !

... un disque Gallimard ... une des pages essentielles de la littérature mondiale ...

lundi 20 décembre 2021

Céline notules (3)

 

  La phrase célinienne, parfaitement caractérisée par Henri Meschonnic : "Le discours ordinaire est le vrai discours plurivoque, cascade d'ambiguïtés se corrigeant de proche en proche, comme la marche est une série de chutes contrôlées, indéfiniment reprises." (Pour la Poétique, p. 132)

  Cocteau, vraiment très très gentil quand il fait une sorte de bilan moral de Céline quelques jours après sa mort : "Moi qui ne fait pas de politique et qui ne hais que la haine, j'aimais en Céline qu'il soit un passionné et toujours vrai dans ses invectives." (Le Nouveau Candide, 8 juillet 1961). Ce "toujours vrai" laisse pensif...

  Céline, pour désigner le "fond", le "fin fond" de l'homme (ou parfois le fond des choses), utilise souvent le mot "tronc" ; c'est-à-dire le trognon, la racine. C'est bien sûr le mal, la méchanceté, la cruauté, la destruction et l'autodestruction. Or, dans Féerie, la grande destruction perverse est orchestrée par Jules, le cul-de-jatte, l'homme-tronc (souvent désigné ainsi). Il est donc, par un glissement entre sens propre et sens figuré, la métaphore du fond abject de la nature humaine. Sans compter l'association récurrente entre le tronc et l'étron : "– Arrête-les, eh, tronc !" H. Godard, dans sa préface pour Féerie, frôle cette dualité de sens, sans la thématiser.

  Dans Rigodon, Céline décrit (à sa façon) non pas le bombardement lui-même, mais le résultat du bombardement de Hambourg. En revanche, ce qu'il décrit à Montmartre dans Féerie, avec outrance, ressemble bien cette fois au bombardement de Hambourg. (cf. entre autres : "ruisselants de phosphore"). Comparer avec la description donnée par Malaparte dans La Peau (chap. IV).

  Céline par Muray ; pas le livre, mais un article, Mort à credo. Très stimulant. Un peu excessif, comme cela lui arrive souvent, mais il faut prendre Muray comme il est. Il suit à la piste le devenir des thèmes occultistes dans leur rapport avec le positivisme dans Mort à crédit et dans Guignol's Band. La mise en regard des personnages de Courtial et de Sosthène est très efficace : l'un, positiviste et un peu occultiste ; l'autre occultiste et un peu positiviste - l'occultisme étant la religion qui essaie de se faire valider par la science. En revanche, quand il affirme que le style de Céline devient extatique parce le romancier sait qu'il est en train de faire crever simultanément occultisme et positivisme, je crains que Muray se laisse emporter par son idée, par ailleurs bien étayée et argumentée.

  Le suicide de Céline. À propos de Voyage, Giono écrit : "Très intéressant, mais de parti pris. Et artificiel. Si Céline avait pensé vraiment ce qu'il a écrit, il se serait suicidé." (rapporté par un journaliste, Le Petit Marseillais, janvier 1933). De même, on lit dans le Figaro, sous la plume d'André Rousseaux (10 décembre 1932) : "En face de ce cri, la page quasi blasphématoire de M. Céline sur la parole humaine est une de celles qui donnent à son livre son véritable aspect : celui de suicide manqué."
  Il me semble que l'on peut répondre à ces critiques en notant que, dans Voyage, les personnalités de Bardamu et de Robinson sont très largement interchangeables (la genèse du roman montre cette fusion-confusion, et le basculement toujours possible entre les personnages : Bardamu-Ganate, Bardamu-Robinson). La mort de Robinson à la fin de Voyage est donc une sorte de suicide par alter ego interposé. On pourrait rappeler une équivoque similaire chez Goethe avec la mort de Werther, ainsi que l'évoque Sainte-Beuve :
Causeries du lundi, 29 juillet 1850, sur les Lettres de Gœthe et de Bettina : "Quand il voyait quelqu'un malade, triste et préoccupé, il rappelait de quelle manière il avait écrit Werther pour se défaire d'une importune idée de suicide ; faites comme moi, ajoutait-il, mettez au monde cet enfant qui vous tourmente, et il ne vous fera plus mal aux entrailles."


dimanche 19 décembre 2021

L'expert flou


Presque tous les 'spécialistes', les 'experts' etc. qu'on entend dans les média tiennent par-dessus tout à n'avoir pas l'air professoral (horresco referens !), et pour cela emploient à tout propos et hors de propos des expressions imagées, populaires, argotiques, fun, trendy etc. Un propos, ostensiblement flou dans sa forme, peut se permettre de l'être dans son contenu - et passez muscade ! Un propos sérieux, univoque, dosé, serait bien peu sexy, bien peu glamour pour un public camé au fun depuis des décennies. 

Il serait facile de démontrer comment, aidées par la rapidité de l'oral, ces tournures approximatives, ces métaphores douteuses, ces locutions au sens vacillant, ces formules de comptoir permettent d'entrelarder un discours de jugements de valeur, de morale, d'idéologie, de parti-pris politiques etc. 

Mais ne considérons pour l'instant que le flou du propos, sur un exemple très neutre et très anodin en apparence. 

Que signifie la formule "Z est  un pion dans le jeu de X" ? 

- Z joue (volontairement, ou non ?) un rôle en faveur de X

- Z joue un rôle mineur (ce n'est qu'un pion)

- Z est manipulé par X (il est passif, éventuellement idiot utile)

- Z joue un rôle important ; si on connaît les règles du jeu d'échecs, on sait que le pion avancé ne peut plus reculer, qu'il fixe, qu'il cloue.

Entre les interprétations possibles, l'auditeur peut faire son shopping (de préférence selon ses préjugés). Il ne reçoit pas un message univoque et responsable de son sens ; on lui donne (cadeau !) le choix entre des degrés de plausibilité dans l'éventail des sens de ce qui lui est dit par l'expert. 

Très commodes, ces formules à l'emporte-pièce qui permettent de masquer la faiblesse de la pensée et (ce qui n'est pas du tout incompatible) de faire une propagande par le flou.



L'opinion de l'instant


La pensée dite "du soupçon" est déjà présente, discrètement, chez Voltaire. Les bonnes conditions de vie inclinent à avoir une philosophie optimiste ; cf. Candide, chap. XX "quand il songeait à ce qui lui restait dans ses poches, et quand il parlait de Cunégonde, surtout à la fin du repas, il penchait alors pour le système de Pangloss". Ce "surtout à la fin du repas" est délicieux ; une bonne digestion est une sorte de paix avec soi-même et avec le monde ; d'où le sentiment que le monde est bon. Autre soupçon (bien connu) de pensée du soupçon chez Montaigne I, XXVI : " A qui il grêle sur la tête, tout l'hémisphère semble être en tempête et orage." À voir ces deux formules, on pourrait se demander (simple hypothèse) si le soupçon de jadis ne portait pas surtout sur des conditions provisoires de celui qui juge (bonne digestion, grêle), plus que sur ces conditions globales, sociales surtout, qui seront en revanche mises en valeur par les pensées du soupçon proprement dites, au XIX° et au XX° siècles. On insistait jadis sur les biais (come on dit maintenant) apportés par la fugacité. 

 De même Montesquieu, Lettres persanes, 75 : "Je crois à l'immortalité de l'âme par semestre ; mes opinions dépendent absolument de la constitution de mon corps ; selon que j'ai plus ou moins d'esprits animaux, que mon estomac digère bien ou mal, que l'air que je respire est subtil ou grossier, que les viandes que je digère sont légères ou solides, je suis spinoziste, socinien, catholique, impie ou dévot." 

De même pour les choix essentiels de la vie. Les Anciens décidaient si l'homme devait ou non se marier. Mais Fontenelle, à qui l'on demandait s'il n'avait jamais songé se marier, répondait : "Quelquefois, le matin..."


samedi 18 décembre 2021

Quelques 'Oups' littéraires...

 

  Au hasard de mes lectures, j'ai parfois (négligemment, hélas !) relevé des formules... malencontreuses. Je ne mentionne pas (pour le moment) les (innombrables) formulations (involontairement ?) obscènes chez les auteurs sérieux. Mauriac ou Henry James devenant soudain graveleux, l'effet comique est pourtant fulgurant.

  Dostoïevski, L'Idiot : "Mais pendant que le général raisonnait de la sorte, soudain se produisit un fait qu’on aurait pu facilement prévoir et qui néanmoins fut une surprise pour tout le monde : la fille aînée, Alexandra, atteignit brusquement sa vingt-cinquième année."

  Flaubert, L'Éducation sentimentale, 1° version : "le crime vous regarde en face et vous ricane au visage, écartant ses gencives aiguës" + "À l’horloge d’une église, une heure sonna, lentement."

  Goncourt, La Faustin 10-18 p. 199 : "La femme, sans se retourner, fit de la nuque un non pas bien affirmatif" : 

  James (Henry), Nouvelles 1-559 : "il était chauve et grisonnant"

  Lermontov, Un héros de notre temps, II : " Il arrondit sa bouche en forme de sourire". 

  Proust : "une cadette de cocottes connues"

  Proust, Le Temps retrouvé : "...et là, moitié tristesse réelle, moitié énervement de cette vie, moitié simulation..."

  Ravalec, Cantique de la racaille opus 2 :  "... il s’était enfui par la fenêtre avec la voiture de location".

  Simenon, La Veuve Couderc Folio 173 : "il lui montra huit doigts de la main"

  Smith (Zadie) [ou plutôt le traducteur] : (en sortant de l'eau) "elle était couverte de chair de poule"

  Zola, La Faute de l'Abbé Mouret, chap. XII : "Il mangeait beaucoup, avec un gloussement du gosier qui laissait entendre la nourriture tomber dans l'estomac. [...] Désirée, qui avait elle aussi mangé sa soupe sérieusement, sans ouvrir les lèvres...".

  Zola, Thérèse Raquin : "ils étaient toujours face-à-face, un simple plancher les séparait."

  Zola, La Curée : "— Mais enfin que voulez-vous que je lui dise, à cet homme ?  — Que je ne suis pas à vendre, répondit Renée, qui avait un pied sur le trottoir."

  Zweig, Vingt-quatre heures de la vie d'une femme :  "Bref, il est ici sans intérêt de remâcher dans tous ses détails le cours orageux de cette dispute entre la soupe et le pudding."


vendredi 17 décembre 2021

Céline, accumulations (notule)


Céline accumule souvent les adjectifs. Mais, parfois, on peut soupçonner qu'un adjectif ait la valeur (populaire, argotique) d'un adverbe de manière (ce qui est le cas en allemand standard). Boudard ou Simonin écrivent souvent des formules du genre "Marcel, il a dérouillé sévère" (pour 'sévèrement'). Par exemple, chez Céline, au début de Mort à crédit (à propos de l'odeur de la mort) : "l'incroyable aigre goût" peut être "traduit" : "Le goût incroyablement aigre". 

Noter le souci de n'être pas euphonique : 'yablaigregou' est délibérément moche ; à haute voix, on ne peut le prononcer qu'en ralentissant le débit, donc en savourant le déplaisir. 

Noter aussi la progression, à chaque mot, vers un peu moins de subjectivité (mais on demeure résolument dans la subjectivité) : deux adjectifs d'abord, le substantif ensuite ; l'objet n'est vu qu'à travers le prisme des émotions du sujet. D'abord, un adjectif qui n'a aucun lien intrinsèque avec la chose : 'incroyable' n'a, par son sens, aucun rapport à 'goût'. Puis "aigre" qui, lui, entretient un rapport. Toujours cette méthode, lointainement héritée des Goncourt, qui crée un suspense flottant, un "suspens ontologique"... 

Dans une autre accumulation : "damné tronc chiot malfaisant ; 'chiot' n'a bien sûr pas de rapport avec les petits chiens, mais seulement avec les 'chiottes' ; mais ces lieux sont précédés d'un possible calembour : "damné tronc" produit le son "étron". 

Pour le plaisir, quelques autres accumulations véhémentes à l'adresse de Jules (Gen-Paul) : 

"bosco tronc ivrogne infâme peloteur céramiste"

"satané pince-cul ragoteur malfaisant ivrogne"

"et taisez-vous ! pourrie de pisse puante ammoniacale ivrognesse mouchardeuse voleuse ratonne provocatrice pire que tout !..." (460-461)


Il y a aussi les accumulations sonores, les saturations vocaliques. 

Pour mémoire, l'incipit de Salammbô : 

"C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar"

Incipit du Voyage : 

a a débuté comme ça. Moi, j’avais jamais rien dit. Rien. C’est Arthur Ganate qui m’a fait parler. Arthur, un étudiant, un carabin lui aussi, un camarade.

et dans Féerie : 

"elles éclatent en s'étalant !... en flaque brrrroumm !... vous savez !... en mare de mitraille qui s'étale... les escadres remontent vers Londres... toute la cagna oscille branle...". (le a de "savez" est peu marqué à cause du rythme paroxytonique).

+ "Sous la table, c'est le plein cloaque, hoquets, râles, cacas..." 

+ Guignol's band 1 : 

"fantasque apparat de catafalques" (8 a en 9 syllabes !)

.. Céline, homme des cascades et cataractes...

S'il intercale quelques syllabes, elles aussi insistent sur un même son : 

"remontent vers Londres"

Cf. ailleurs, dans Féerie : 

"les jardins roulent houlent encore dehors"

et l'incomparable périphrase pour désigner la "Bibici" : 

"Les Londons d'ondes..."

 

 

lundi 13 décembre 2021

Schumann : à propos de 'L'Oiseau prophète'


Nouvelle écoute comparative. 

Après Falla, Jolivet et Mozart, Schumann : L'Oiseau prophète (Vogel als Prophet), VII° pièce des Scènes de la forêt (Waldszenen) op. 82

Je re-re-recopie l'avertissement : 

J'ai procédé, avec mes moyens (limités) à une écoute comparative, un banc d'essai, une tribune à un seul critique. Je ne suis pas musicien ni critique professionnel. Seulement auditeur (éclairé par une calbombe). Je rappelle plus que jamais que tous les jugements ci-dessous sont implicitement précédés de "il me semble que...", "j'ai l'impression que..." etc. 

... surtout avec Schumann, surtout avec cette pièce... 


***

Qui n'a pas enregistré son Oiseau prophète ? J'en viendrais à me poser la question. Je ne savais pas dans quoi je me lançais. J'ai prélevé je crois 83 versions, et puis... stop. Ne pas se dégoûter d'une merveille. Pièce brève, dont l'écriture singulière prête à l'interprétation : on peut en faire un joujou d'étagère ou une méditation mystique. Tout y est sibyllin, magique, effleuré, évocateur d'on ne sait quoi. Il y a beaucoup de marge. À preuve, le tempo : dans ma liste, on va de 2'16" à 6'15" ! 

Souvent, et surtout pour cette pièce, j'associe Schumann et Nerval : le mystère (la mystique) du romantisme profond, allemand, et non le sentimentalisme du romantisme superficiel (français, souvent, hélas !). Un livre est paru qui met en regard ces deux génies (é)perdus ; je le lirai peut-être un jour.

Fleury : Nerval et Schumann, la folie en partage

feuilletable à l'adresse : 

https://www.amazon.fr/Nerval-Schumann-folie-en-partage/dp/2842928172


La partition se trouve aisément sur le web, par exemple à l'adresse :

https://www.free-scores.com/download-sheet-music.php?pdf=694#

Il fait bon la regarder, même si on ne lit pas la musique : elle fait saisir visuellement un aspect important du romantisme (irruptions, visions, affects). 


Je n'ai pas pris en considération les adaptations, etc. : il y avait déjà assez de tablature avec la version originale. J'ai entendu incidemment une transcription pour guitare qui m'a paru intéressante (dans un album au titre inattendu "Blues for a Woodpecker"), et une pour violon et piano, par un duo d'artistes pourtant réputées (Laurenceau-Diluka), qui m'a semblé bien lourde, et par moments ridicule : coller des imitations d'oiseau dans une pièce par essence non-figurative, c'est en détruire le caractère suggestif, et c'est surtout ridicule.

J'ai mis à part les versions pianofortistes, pour les mêmes raisons que pour la Gigue de Mozart. 

Le 'podium" final sera une tentative de répartition de cette pléthore de versions par zones d'excellence et/ou de pertinence : 

- exceptionnelles

- excellentes

- bonnes

- indifférentes

- déconseillées

- inclassables

(cette dernière catégorie, assez fournie avec cette pièce spéciale)


À la toute fin, je mets des liens vers les versions exceptionnelles


Mes 'commentaires' sur chaque version sont de nature et de dimensions très variables. Parfois rédigés, souvent en notes télégraphiques. Ces remarques ou notules d'écoute se présentent par ordre alphabétique du patronyme de l'interprète (un trop grand nombre de versions ne sont pas datées, ou malcommodément datables, ce qui ne permet guère un ordre chronologique qui aurait pourtant sa pertinence). 

Je mets à part à la fin les remarques sur les 3 pianofortistes, ainsi que 2 versions... écourtées.

Je renonce à compiler les adresses Qobuz et les liens web pour les morceaux repris de CDs ; si on est intéressé, on peut retrouver aisément (Bing est en général plus efficace que Google).

Voici le lien pour ma playlist Qobuz

https://open.qobuz.com/playlist/7724155



***



Valery Afanassiev 2010

lentissime : 6' 15 !!!! c'est une version que le pianiste joue pour lui-même, pour se régaler des harmonies, pour savourer chaque finesse ; à usage personnel, ça se comprend ; mais pas pour le public ni pour Schumann. Le son de piano est très beau, mais c'est surtout une sorte d'expérience de temps étiré, assez pénible. Il y a un quart de siècle, j'avais beaucoup apprécié certaines interprétationde de V. A. 


Claudio Arrau 1973

toucher, son, très délicats ; pédale dosée ; on entend tout ; sonorité riche et pleine quand il faut, mais ambiance poétique ; c'est l'association des deux qui est très remarquable. 


Vladimir Ashkenazy 1988 

prise de son pas fameuse ; délicat, rapide ; excellente interprétation "normale" ; choral assez rapide. De la finesse, mais pas de rêve. Le rallentando final n'apporte pas assez pour compenser. Version incontestablement bonne, mais qui ne décolle pas. 


Andreas Bach 2011

4'14" ! inévitablement, tout est trop à la loupe ; c'est intéressant pour le tympan, pour les dissonances ; inévitablement aussi, c'est joué assez dur. A.B. joue souvent Bartok ; ici, il bartokise un peu Schumann. Comme Afanassief, c'est une expérience plus qu'une interprétation 


Wilhelm Backhaus 1957

piano plus affirmatif que rêveur ; mais de très beaux sons, des combinaisons peu attendues ; choral rapide, allant. Un très beau piano, assez extérieur. Ça reste du piano "normal", qui n'est pas transfiguré pour cette pièce-ci. 


Paul Badura-Skoda (sans date)

posé, clair et distinct ; trop détaché ; pas de fulgurances ; permet une écoute exhaustive ; mais c'est très analytique ; pas d'ivresse ; apollinien, donc ; en revanche il fait vivre le choral ; interprétation médiatisée, lucide ; pas du tout romantique. Mais c'est du très beau et très bon piano. (longue résonance finale)


Daniela Ballek 2020

un toucher un peu ferme ; mais joue sur des résonances très marquées, qui font une poésie de halo ; c'est peu nuancé dans le phrasé, mais les effets sont ailleurs. Très net à l'écoute ; c'est acoustique d'abord, et poétique en second, par l'effet acoustique. 


Jozef de Beenhouwer 2017

très agréable, poétique ; toucher délicat ; bonne résonance ; n'insiste pas sur les dissonances, juste ce qu'il faut ; insère bien le choral. Version très équilibrée.


Andreas Boyde 2013

léger ; fin ; assez bref (peu de diffusion sonore, de halo) ; choral sobre (plus convaincant) ; mais je ne sens pas de vibration du cœur, d'émotivité, de mystère


Nicolas Bringuier (2007)

toucher léger ; du rêve, de la poésie ; un vrai souffle, varié et vécu ; continuité malgré ou putôt par les fluctuations ; choral bien, simple.


Daniel Brunner 2020

quel est l'instruement joué ? la main gauche appuie beaucoup ; aucune poésie ; cherche-t-il autre chose ; son parfois discordant (sans fruit, et sans fruité) ; le choral avance bien ; mais il reprend sec ! On dirait qu'il veut faire du Boulez ! Publié par un éditeur alternatif et indépendant qui semble être le label personnel du pianiste... 


Sofia Cabruja 2011

j'aime beaucoup le son, le toucher ; un peu analytique, pas très rêveur ; objectif ; ce n'est pas selon moi le sens de la pièce, mais dans ce genre, c'est très bien fait. Positif, posé. Pas sentimental, ce qui ne veut pas dire sans nuances. Un peu trop affirmatif par moments. 


Robert Casadesus 1961 

2'16" ! léger, elfe, rapide ; toucher exquis ; on n'a pas trop le temps de goûter, mais on peut réécouter. Sautillant par moments ; emporté par un flux, une course, un vol ; très grand plaisir auditif. L'allant du choral est très convaincant, dans ce contexte. On peut détester ; mais la vie et la délicatesse du toucher, le délice pour l'oreille... 


Aldo Ciccolini 1973

rapide (presque expédié) ; très beau son ; mais peu rêveur ; s'impose (un peu trop) ; peu de transparence ; de la décision ; déçu ; mais 1973 Trop en-dehors. Oiseau costaud. grosses diff de dynamique ; un peu sec, détaché, affirmé + que suggéré


Dana Ciocarlie 2017 

de la pédale ; rapide (3'07") ; bien, mais je n'en pense rien de spécial.


Finghin Collins 2006

bien ; peu marqué, lisible ; choral allant et même rapide ; rêve peu ; pas de critiques à faire ; pour l'auditeur, pas d'expérience musicale singulière. (rallentando à la fin)


Alfred Cortot (date ?)

libre, en fusées, mais pas démonstratif ; rapide ; effleure ; c'est très beau, allusif.


Michel Dalberto 1980

son réservé, presque timide ; très beau ; très peu de pédale ; confidence ; sobre ; plus on avance dans le morceau, plus c'est convaincant. Quelques 'réticences' ponctuelles, quelques 'retenus' un peu excessifs à mon goût. 


Jörg Demus 2015

lumineux, très distinct ; beau ; pas d'effets. Pur. Version qui peut servir de repère, de diapason, de 'classique'.


Claire Désert 2018

plutôt lent (3'39"), méditatif plus qu'onirique ; très bien fait, net. 


François Dumont 2020

https://www.youtube.com/watch?v=9A8Fozvi6Ag

belle version, sobre


Abdel Rhaman El Bacha 1994 

(pas sur Qobuz ; mp3 achetable sur Amazon) 

en ligne à l'adresse

https://www.youtube.com/watch?v=pWeWejuxLxY

Très beau son, lisible ; jeu fluide et naturel ; la très belle simplicité ; tempo moyen ; les diverses lignes sont bien individualisées ; quelques abréviations un peu marquées. Moins que de l’inspiration poétique, de la maîtrise musicale. Version pure, c'est-à-dire qui ne fatigue pas par des intentions personnelles. 


Brigitte Engerer 2003

bien dosé ; pédale modérée ; peu de flou ; délicat ; réussi ; impeccable et pas froid ; très beau choral ; interprétation "classique", à savoir, sans les atours ext du romantisme, mais qui permet d'en avoir une écoute romantique. 


Christoph Eschenbach 1966 

assez rapide ; un peu abréviatif ; pas rêveur du tout ; assez sec, staccato, détaché aussi psychologiquement ; trop vite, précipité. Il est rapide (2'45"), ms semble rapidissime, pressé (on dirait 2'00"). Le piano trop gros, trop puissant.


Filippo Faes 

https://www.youtube.com/watch?v=rj9d3CbGLrE

interprétation délicate, intimiste, mais très nette ; beau son de piano et de résonance. Méditatif. Un bel équilibre de qualités qui s'associent en général difficilement. 


Samuil Feinberg 

Romantisme ardent. Que de libertés ! On osait, à l'époque... et pourtant l'époque n'est pas si lointaine : SF est mort en 1962. Son d'époque.


Zoltan Fejervari 2020

fin, délicat, tempo moyen ; assez fluide ; pur, très bien fait ; on ne se perd pas dans le rêve ; mais c'est rêveur. Equilibré (est-ce ici un éloge ?). 



Fou Ts'ong 2006

Merveilleux. diaphane. Parfait. C'est cela : poésie, confidence, mystère, moire, chatoiement des sons par la pédale. La matière allégée. Le temps suspendu. 

Diderot : "... tremper sa plume dans l’arc-en-ciel, et secouer sur sa ligne la poussière des ailes du papillon. ... être plein de légèreté, de délicatesse et de grâces"


Hal Freedman 2012

Du halo ; joli toucher ; quelques bizarreries d'inflexion ; rien de spécial.


Véronique Furmet-Béjars 2020  

Le son est pauvre, pas d'envol, de frémissement ; attaques dures ; pas habité ; assez désagréable même. Lourd.


Reine Gianoli 1974

Beaucoupp de pédale, un peu trop à mon goût ; un peu trop lent (3.53). Dommage, car c'est très réussi pianistiquement ; mais pour l'ambiance, ce n'est pas trop ça. 


Walter Gieseking (date ?)

Rapide. De la délicatesse, mais aussi de la sécheresse ; la main droite occupe trop l'espace sonore (nettement placée dans le canal droit) ; met en valeur les abrupts, mais un peu sèchement. Mais c'est beau. Je ne sais trop qu'en penser. 

(curieux : je m'aperçois après coup que j'avais dit à peu près la même chose à propos de la Gigue de Mozart...)


Florian Glemser 2017

un peu trop égal ; un petit poil trop affirmatif ; pas transparent ; c'est du piano assumé ; mais le faut-il ici ? Pas assez d'intérêt musical ou poétique ; c'est très bien joué, pas investi. Manque de rêve. 


Alfred Grünfeld (1852-1924), rec. 1913

https://www.youtube.com/watch?v=3C7rSpIFthM

semble mince, voire maigre ; s'écoute bien ; choral très rapide


Paul Gulda 1992

de la finesse, de la poésie, nuances, effleurements, mais netteté ; un bon équilibre. 


Mark Hambourg (1879-1960), rec. 1918

https://www.youtube.com/watch?v=3C7rSpIFthM

bizarre, plutôt déconcertant. Rapide.


Clara Haskil 

délicat, poétique, probe ; son d'époque ; très beaux phrasés ; solide, structuré ; logique interne ; nulle mièvrerie. 


Martin Helmchen 2012

transparent, magnifique, délicatesse (pudeur, même) ; fluide, aérien ; tempo modéré (idéal) ; simplicité, pureté, parfaite constance et cohérence dans le propos. Gestion parfaite des relations tension-détente. Accompli.


Myra Hess

Assez lent, retenu ; son rend difficile d'apprécier ; j'ai tendance à trouver que cela manque de vie, d'allant. 


Ian Holtham 2006

léger, papillonnant ; fin ; très joli son ; rapide ; un poil expédié, mais c'est beau ; choral franc ; fort bien.


Fabienne Jacquinot 1988

de la pédale, des variations de flux ; très libre, romantique au sens habituel ; émotivité ; c'est beau dans son genre ; aux antipodes d'Engerer p ex. Tend à déstructurer le temps ; intéressant ; peut agacer ; doit agacer ou ravir selon les gens, ou même selon les heures. Longue résonance finale.


Pavel Jegorov 1994

lent, poésie, rêve, mystère des résonances ; un jeu net, pas mièvre du tout (crescendo) ; choral très beau pianistiquement, mais trop lent (dommage !) ; la reprise de l'oiseau est de nouveau TB. Fin elliptique très belle. Ce choral gâche !!! 


David Kadouch 2015 

léger, fin, son très séduisant ; de la poésie ; mais net quand même ; beau choral ; souplesse. Très bien.


Julius Katchen

enregistrement daté ; très bien ; expressif, souple. 


Cyprien Katsaris 2011

peu concerné, investi ; joue les notes ; des duretés de son


Roland Keller 1980

https://www.youtube.com/watch?v=YZGVrbPpWzA

très délicat ; parfois proche du silence ; poésie, bien.


Wilhelm Kempff (date ?)

très beau son, diapré ; classique ; choral ample ; le piano "sonne" assez fort, net, très dessiné ; pas de flou (pas assez ?)


Alexander Kobrin 2014

rapide, romantique ; allusions, transparences, résonances, dissonances (au sens positif), choral lent, très doux ; sensation de liberté dans le rubato ; fin très réussie, rêveuse, aérienne. Version très personnelle, qui doit être "clivante" (je change d'avis toutes les 4 mesures...). Une certaine acidité dans les aigus : le piano ? la prise de son ? mon installation ?


Tobias Koch 2010

des résonances inaccoutumées ; la poésie vient plus d'elles que du jeu, un peu sec ; choral rapide ; je ne sens pas une sensibilité d'interprète derrière le son ; le toucher est souvent trop égal. Je ne suis pas convaincu, bien que ce soit bon. 


Kun-Woo Paik 2020

bien ; mais pas de vision ou d'expérience singulière.


Dejan Ladzic 2009

bien, malgré un son parfois ferme ; des traits un peu expéditifs. La toute fin est un peu trop marquée (je ne suis jamais content !). Mais c'est une bonne version.


Michel Laurent 2011

son dur, trop marqué, affirmé ; assez rapide ; c'est bien joué, mais rien ne se passe, et rien ne passe comme ambiance ; banal ; joue ça comme on jouerait autre chose. Tout en dehors. Ça passe mieux dans le choral, qui est clair et net. 


Eric Le Sage 2008

plutôt lent (posé) ; diaphane ; et pourtant s'affirme ; bien dosé (choral)


Leon McCawley 2006

délicat, bien, très fin ; atmosphère bien.


Nikita Magaloff 

son un peu lointain ; rapide, très délicat ; enchaîne très vite ; cascades ; de la poésie ; dommage que le son soit un peu lointain et brumeux ; choral bien posé, sans lourdeur ; reste poétique ; il y a un plaisir à être un peu surpris par la rapidité ; l'oiseau ne nous attend pas, n'attend pas qu'on ait assimilé ; l'esprit parle à la vitesse qu'il veut. 


Santiago Mantas 2018

résonance étrange... ; gémit-il à la façon de Gould ? main droite très (trop ?) dessinée, très (trop ?) ferme, sur un fond de cathédrale et de soupirs ; c'est beau, mais pas vraiment adapté. Piano trop gros, trop puissant. Il me semble que de belles possibilités sont manquées.


Benno Moïseiwitsch 1961

toucher splendide (ferme) ; dans les "traits" de l'oiseau, il est assez "normal", mais dans les passages à tendance dissonante (à partir de 33"), il dissone carrément écartèle, déchiquète, désosse, décale, bancalise, appuie où ça fait mal ; il montre que le vrai romantisme, ce n'est pas le sentimentalisme, mais le début de la modernité. La date est-elle celle de l'enregistrement ? Ce serait la toute fin de sa vie. Il y a une présence du piano et un espace qui font se demander si la stéréo n'a pas été un peu poussée.


Ronan O'Hora 2005

jeu précis ; des traits très rapides (qui donnent un aspect "expédié") ; je ne suis pas convaincu pour l'effet esthétique. La prise de son ne m'est pas plaisante.


Vladimir de Pachmann (1848-1933), rec. 1911

https://www.youtube.com/watch?v=3C7rSpIFthM

étonnant ; très rapide (modifié par l'enregistrement ?), allusif, piqué ; pour 1911, le son n'est pas si mauvais


Ignace Paderewski

1. [2019 Torill Music] 

rapide, mince, virevoltant, léger, en dentelle ; très séduisant.

2. [1966 Ismcdigital]

autre (tout autre) version, datée de 1966 (?) bien plus lente (on passe de 2'24" à 3'39" !). Plutôt bizarre, déconcertante en elle-même, et plus encore par rapport à l'autre ; est-ce le même interprète ? Il y a de la finesse, certes, mais pas du tout le mouvement emporté. 

La disparité entre les 2 laisse perplexe ; les dates d'enregistrement seraient à connaître. 


Sally Pinkas 2009  

fin, délicat ; très honorable. Mais pas vraiment de poésie, de rêve, de suspens, de halo. 


Maria Joao Pires 1994 

immatériel, transparent ; nuances ; atmosphère ; inflation parfaite pour le choral ; déflation parfaite aussi à la fin du choral (le plus problématique dans la partition) ; aucun défaut. Laisse pantois d'admiration et de bonheur.


Sviatoslav Richter 1957

[nombreuses rééditions, doublons ; j'ai choisi le son le moins dommageable] 

Clair, précis, pas de brume ; jeu viril ; son un peu ancien ; dommage, car il feutre un peu une version nette ; pas de manifestation ostensible de sensibilité ; version très belle dans son apparent détachement. 


Paul Rickard-Ford 2019

prise de son lointaine ; pédale pas toujours opportune ; je trouve qu'il ne passe pas grand chose de poétique, ni de musical ; tape dur les dissonances ; un peu acide. 


Arthur Rubinstein 1969 

3'23" ;  très beau son, lumineux ; des fusées de rapidité ; quelques effets ; maîtrisé ; c'est cohérent, suivi.

Arthur Rubinstein 1961

3'30" ; bien mieux ; plus tendre, moins virtuose ; plus nuancé ; moins piano ; plus musique ; plus confidentiel ; plus 'romantique' ; version à nuances 


Mitsuko Saruwatari 2016  

beau son ; les phrasés ne me convainquent pas. Y a-t-il des notes erronées vers 1'30" ?


Richard Saxel 2007

Bien, mais discret, un peu effacé même. 


Andras Schiff 2011

Finesse, tempo modéré ; discrétion, puis crescendo bien venu sur les dissonances ; choral posé ce qu'il faut, vite aéré. Très belle version.


Paul von Schilhawsky 1961 

je trouve le son dur, déplaisant ; sec, abrégé


José Carlos de Sequeira Costa 1976

beau son, bien audible ; fin ; délicatesse plus que poésie, mais beaucoup de netteté. On peut même trouver le choral trop net ; mais c'est si clair !


Peter Serkin 2019 ? 

très lent (4'34" !), net ; trop lent, trop net tout de même ; analytique, on entend tout (mais est-ce le but principal de la pièce ?) ; dommage, car il y a de très belles qualités de son, de toucher ; il (et on) se délecte de chaque note, mais le tout ne rêve pas. Il y a une volupté spéciale, assez intellectuelle. 


Annette Servadei 

assez rapide ; nimbé ; lointain (pas sans charme, mais pas net) ; assez immatériel ; le choral avance vaillamment, devient mélodie. Version plus rêveuse qu'onirique.


Wassmuth Stoffregen [sur Vimeo]

https://www.bing.com/videos/search?q=Wassmuth+Stoffregen+schumann+vimeo&&view=detail&mid=0F7BFB0C99013FCE0CC70F7BFB0C99013FCE0CC7&&FORM=VRDGAR&ru=%2Fvideos%2Fsearch%3Fq%3DWassmuth%2BStoffregen%2Bschumann%2Bvimeo%26FORM%3DHDRSC3

beaucoup trop rapide ; c'est bien, mais semble bien indifférent, absent ; Schumann en tout cas est absent. "L'interprétation de personne sous beaucoup de notes" (pastiche de Rilke)


Denise Trudel 2006

assez froid, peu habité ; assez sec ; manque de la délicatesse nécessaire ; "objectif" ; dans le choral, le son est beau ; pas "féminin" du tout. Tape un peu. Pour moi, rien ne passe.


Michiko Tsuda 2009

trop lent ; bien fait, mais trop lent, sans entrain, sans ambiance


Mitsouko Ushida 2013

très fin, délicat, légèreté, nuances, subtilité, ambiance ; ce qu'il faut de contrastes. Choral très modéré, tenu, pas pesant mais seulement posé. 

Parfois un son un peu coupant ds les F et aigus, mais c'est peut-être un effet de la prise son ou du casque, ou du niveau sonore, très important dans ce morceau. 

Les différences de puissance sonore entre les divers enregistrements posent souvent un problème.

(sur ces question, on est amené à faire du Proust : "parce que..., ou bien parce que..., ou bien parce que...")


Arkadi Volodos 2009

Un toucher lumineux, à mon goût desservi par un peu trop de résonances. Rapide.


Franz Vorraber 

Fin quand il faut, disloqué quand il faut, serein quand il faut. Un bon rubato. Tout est audible, et tout est beau. 


Mikhail Voskresensky 2014 (live)

poésie, délicatesse ; tempo modéré, serein ; les fusées ne sont pas spectaculaires (c'est cohérent avec le parti-pris de sérénité). Le choral est rentenu - il le faut. Tout me semble bien pesé, pondéré (au sens élogieux de ces adjectifs). Pas de romantisme échevelé, mais un bel accomplissement. C'est un "encore" de haut niveau.


Steven Vanhauwaert 2010

(pas sur Qobuz ; mp3 achetable sur Amazon) 

jeu un peu trop affirmé ; assez lent ; peu de rêve ; ça peut aller, ms pas d’expérience singulière ; impression que la pièce est un peu "désossée".


Elisso Wirssaladze 2000 (live)

son un peu dur, affirmatif, un peu sec ; guère rêveur. Les traits sont au burin, pas au fusain (fusées, fusain...). Le choral, retenu, bien. 


Klara Würtz 2012

agréable ; fin ; pas très profond, mais de la poésie ; le choral agréablement allant ; du beau piano. 


Igor Zhukov

https://www.youtube.com/watch?v=nCZBpqhOlr0

(à 13'00")

très fin, beau, inspiré ; net, sans flaflas, mais pas froid du tout. 



au pianoforte : 


Penelope Crawford 2015 

lointain, brumeux ; son de harpe ; c'est certes très fin, mais aussi très mince. 

"The instrument also features a moderator pedal, which inserts a strip of cloth between the hammers and strings, producing a harp-like effect."


Ziad Kreidi 2020 

instrument, diapason, acoustique particuliers ; intéressant historiquement ; s'écoute très bien ; mais esthétiquement, je ne suis pas très convaincu. (la toute fin est jouée de façon très neutre, sans suspens ni suspension...)


Jan Vermeulen 2011 

très bons contrastes entre délicatesse et jeu affirmé


ma préférence va incontestablement à Vermeulen


les 2 versions "abrégées" : 


René Duchâble 2002

(CD sur Qobuz ; pas trouvé sur le web)

1'12" car une partie a été purement et simplement sautée... C'est joué dur, sec, viril, sans rapport avec l'intention, sans atmosphère. Pesant, marqué. Presque pas de nuances.

Il s'agit d'un disque hommage-souvenir, avec des paroles et de la musique. Soit ; mais c'est cumuler une mauvaise interprétation et une mauvaise action esthétique (espérons que la coupe a été faite par le producteur contre l'avis du pianiste). 


Katrina Gupalo Radīti Mūzikai - Best Moments - 2014

https://www.youtube.com/watch?v=zXBRPtJUqp8

"Best" est bien dans l'intitulé... C'est, à la télé lituanienne, le best of d'une émission qui... que... on ne sait que dire ; il faut voir ça. Le masochisme peut avoir des compensations d'hilarité consternée. Un bout d'Oiseau prophète est jeté parmi d'autres bouts de trucs et machins (dont le fin fond est Mick Jagger revu à la sauce kitsch). 



PODIUM


entre un groupe et le suivant ou le précédent, il y a parfois doute...

2 versions peuvent être dans le même groupe pour des raisons très différentes, voire inverses

présentation par ordre alphabétique interne à chaque groupe


exceptionnel

Casadesus

Cortot

Fou Ts'ong

Helmchen

Moïseiwitsch

Pires


excellent

Arrau

Beenhouwer

Bringuier

Dalberto

Demus

El Bacha

Haskil

Kadouch

Magaloff

Paderewski 1

Richter

Rubinstein 1961

Schiff

Sequeira Costa

Ushida

Voskresensky


bon 

Ashkenazy

Backhaus

Badura-Skoda

Ballek

Boyde

Cabruja

Désert

Dumont

Engerer

Faes

Fejervari

Grünfeld

Gulda (Paul)

Holtham

Katchen

Keller

Kempff

Le Sage

MacCawley

Pachmann

Rubinstein 1969

Servadei

Volodos

Vorraber

Würtz

Zhukov


bof

Ciccolini

Ciocarlie

Collins

Freedmann

Gianoli

Glemser

Hess

Kun-Woo Paik

O'Hora

Pinkas

Saruwatari

Saxel

Tsuda

Vanhauwaert

Wirssaladze


non

Afanassiev

Bach (Andreas)

Brunner

Eschenbach

Furmet-Béjars

Katsaris

Koch

Laurent

Mantas

Paderewski 2

Rickard-Ford

Schilhawsky

Stoffregen


inclassables

Feinberg

Gieseking

Hambourg

Jacquinot

Jegorov

Kobrin

Ladzic

Serkin (Peter)



Il y a beaucoup de "bons".

Les "exceptionnels" tendent à montrer que mon goût va plutôt aux versions légères, assez ou très rapides. 

Fou Ts'ong confirme (cf. Mozart, Gigue) son extrême délicatesse.

On peut dire beaucoup de choses contre la version Casadesus : qu'il est trop rapide pour être savouré vraiment, qu'il a un toucher trop impeccable et lucide, trop "français" ; donc qu'il joue Schumann comme si c'était du Chabrier. Mais j'y trouve un paradis auditif ; c'est un oiseau de paradis, et il est vrai que l'inquiétude ou la fièvre romantiques, la confidence chuchotée ne sont pas là. Il faut convenir que sa version n'a rien de "nervalien". 

Pour Pires, il y a longtemps que l'on est au courant. 

J'ai eu une grande joie avec la version Helmchen : ses 40 ans prouvent qu'il n'y a pas que les grand.e.s ancien.ne.s qui soient merveilleux.ses.

 
les exceptionnels sur le web

Casadesus ici :
https://www.youtube.com/watch?v=8aKe1cD2GSA

Cortot ici
https://www.youtube.com/watch?v=3HQ9yxiDLSM

Fou Ts'ong version disque  ici, après une pub :
https://www.youtube.com/watch?v=l_y605jKdoQ

Helmchen joue la pièce dans un "encore" ; il a l'air très fatigué par le concert, mais c'est très beau.
La vidéo, c'est bien, mais ça distrait de la musique. Le live, en revanche, ça n'a que des vertus. Couper l'image ?
https://www.youtube.com/watch?v=hQVcXUSlJhs&t=204s

Moïseiwitsch ici :
https://www.youtube.com/watch?v=NDg6S4XWfQA

Pires ici (avec la partition):
https://www.youtube.com/watch?v=GT_q5d84cVY

autres liens :


Afanassiev

https://www.youtube.com/watch?v=jAaRpjqBXNA

 



La grande Pires chez elle ; l’acoustique n’est pas bonne, mais c’est très touchant


https://vimeo.com/146908183

 

Arrau

https://www.youtube.com/watch?v=mBvZO9Vc0gc

 

Al Bacha

https://www.youtube.com/watch?v=pWeWejuxLxY

 

pour les masochistes, une transcription pour 2 flûtes :


https://www.youtube.com/watch?v=N4btk8bqZOc
 



une nouveauté, d'excellent niveau :

Işıl Bengi 

Cela s'écoute sur youtube, avec, une fois n'est pas coutume, une vidéo intéressante. Certes, cela détourne toujours un peu de la musique, mais c'est sobre et beau.  On peut donc, avec profit, l'écouter tantôt avec, tantôt sans l'image. 

Interprétation délicate, maîtrisée, qui sonne très bien.

https://www.youtube.com/watch?v=JglTIqAMJ3s