mercredi 27 octobre 2010

Alexis Leger perce sous Saint-John Perse

  
On peut apprécier la poésie de Saint-John Perse sans trop aimer Alexis Leger. On peut ne pas trop aimer Alexis Leger et souhaiter lire une bonne biographie à lui consacrée, ainsi qu'une étude sur son action politique au Quai. Quand paraît le livre de Renaud Meltz (Flammarion 2008), on se réjouit donc. On se jette sur le pavé pour le dévorer (si l'on ose dire).
Hélas ! Plusieurs fois hélas !

1/ La prétendue "biographie de Saint-John Perse" est en réalité une étude historique très fouillée de la carrière de Leger. Travail d'histoire des relations internationales, tellement fouillé qu'il en devient trop copieux pour l'histoire littéraire. Marginalement, quelques remarques brèves sur le fait que ledit Leger écrivait. On est au courant de la moindre intrigue de couloir au Quai, mais on ne sait quasi rien de la vie du Secrétaire Général. On a seulement droit, pour commencer, à une longue étude psycho-historique sur les prétentions aristocratiques de Leger dans le cadre de ses origines créoles.  

2/ Il n'est pas de bonne méthode que le biographe se prosterne devant son biographé. Une certaine distance critique est souhaitable. Mais est-il pour autant souhaitable que l'étude soit animée par le parti-pris contre son objet ? Leger est un arriviste, qui est parvenu par brigue à des fonctions importantes, où il n'a eu d'action, même positive, que guidée par l'orgueil. En outre, à ses moments perdus, le diplomate aggrave son cas en écrivant des choses obscures qui n'intéressent que lui, et que, par acrobaties , il a réussi à faire nobéliser. Le parti-pris éclate si fort que le lecteur se surprend à vouloir prendre fait et cause pour Leger (entre autres, dans le cahier photographique, certaines légendes méritent d'être savourées pour leur merveilleuse objectivité...). 

3/ Le biographe n'est pas seul responsable. L'éditeur l'est aussi, de s'être prêté à cette entreprise en deux sens gauchie. Mais ne pas oublier la responsabilité des journalistes. Pour ce livre comme pour bien d'autres, ils font semblant de faire leur travail, mais ne le font pas. La plupart se contentent, n'ayant pas lu, de rappeler à propos de l'écrivain les anecdotes les plus éculées et les poncifs les plus polis par l'usage : il ne faut dire aux gens que ce qu'ils savent déjà, il n'y a que ça qui fait vendre. Ne pas les inquiéter avec de l'inédit ; renchérir sur les poncifs. On décore la biographie de quelques louanges bien générales, et le tour est joué. Bien heureux encore quand l'article semble succéder à une lecture, même rapide, du livre : deux "journalistes", à ma connaissance, font mention de l'attitude critique du biographe, et font plutôt l'éloge de cette "liberté d'esprit" la plupart ne signalent  pas le déséquilibre de l'entrepris. Ce déséquilibre est pourtant très voyant, du fait que, dans le titre, "Alexis Leger" en petits caractères et "Saint-John Perse" en gros caractères (cela constitue une arnaque destinée à faire vendre) ; au dos du livre, en caractères énormes "Saint-John Perse" tout court... Mais qui se soucie de vétilles typographiques à part quelques universitaires grincheux ?
Et, tant qu'on en est aux vétilles, le nom "Leger" est systématiquement orthographié "Léger". Est-ce légèreté ? volonté de banaliser le patronyme ? volonté de contrarier le biographé ? Au point où on en est, peu importe. 

En résumé, on se retrouve en position pire qu'avant : une grosse bio a été publiée ; peu importe qu'elle ne mérite pas son nom, cela rend très improbable la publication d'une autre qui ferait correctement son travail. Une étude sur la politique du poète a été publiée, et peu importe qu'elle soit partiale, cela renvoie aux calendes l'apparition d'une étude mesurée en attitude et en dimension. 


Le Quai d'Orsay (source : Wikipedia)
  

lundi 25 octobre 2010

Céline et son grand-père [brève]

  
Le grand-père de Céline, Auguste Destouches, était professeur agrégé. Il avait publié un poème dont un fragment se trouve dans l'Album Céline de la Pléiade (1977). Ce n'est pas sans étonnement qu'on y trouve une tonalité fortement célinienne, non par la forme, bien désuète, mais par le sujet : la mort, la nuit, la guerre...


Même le Nord s'y trouve déjà... 

Jean Clair / Chevreul [brève]




Jean Clair a intitulé son livre sur le surréalisme : 
Du surréalisme considéré dans ses rapports au totalitarisme et aux tables tournantes 
(voir billet ancien sur ce livre). 
Il est très probable que la formule précise du titre est un clin d’œil. 
Eugène Chevreul, théoricien des couleurs qui a eu une importance capitale dans la peinture de son siècle et même du suivant, qui au long des 103 ans de son existence fut l’auteur de plusieurs inventions d’importance, écrivit aussi en 1854 un rapport joliment intitulé :
De la baguette divinatoire, du pendule dit explorateur et des tables tournantes.  
J. Clair évoque d’ailleurs Chevreul (pour sa théorie des couleurs) dans son discours de réception à l'Académie Française. 


(Chevreul par Nadar ; Wikipédia)