vendredi 2 juillet 2010

Gœthe : Le Roi des Aulnes (traduction M.P.)


[ Dans la traduction rimée, les exigences doivent être revues à la baisse. Ainsi, une rime généralement dite "pauvre" devra être humblement considérée comme "suffisante" ; et une rime "suffisante", comme presque "riche". La rime "riche" sera bien rare ; et le risque de rime "équivoquée", presque inexistant... ]


Erlkönig

Wer reitet so spät durch Nacht und Wind ?
Es ist der Vater mit seinem Kind ;
er hat den Knaben wohl in dem Arm,
er faßt ihn sicher, er hält ihn warm.

"Mein Sohn, was birgst du so bang dein Gesicht ?"
"Siehst, Vater, du den Erlkönig nicht ?
den Erlkönig mit Kron' und Schweif ?"
"Mein Sohn, es ist ein Nebelstreif."
"Du liebes Kind, komm, geh mit mir !
gar schöne Spiele spiel ich mit dir,
manch bunte Blumen sind an dem Strand ;
meine Mutter hat manch gülden Gewand"

"Mein Vater, mein Vater, und hörest du nicht,
was Erlenkönig mir leise verspricht ?"
"Sei ruhig, bleibe ruhig, mein Kind ; 
in dürren Blättern säuselt der Wind."

"Willst, feiner Knabe, du mit mir gehn ?
meine Töchter sollen dich warten schön ;
meine Töchter führenden nächtlichen Reihn
und wiegen und tanzen und singen dich ein."

"Mein Vater, mein Vater, und siehst du nicht dort
Erlkönigs Töchter am düstern Ort ?"
"Mein Sohn, mein Sohn, ich seh es genau,
es scheinen die alten Weiden so grau."

"Ich liebe dich, mich reizt deine schöne Gestalt,
und bist du nicht willig, so brauch ich Gewalt."
"Mein Vater, mein Vater, jetzt faßt er mich an !
Erlkönig hat mir ein Leids getan !"

Dem Vater grauset's, er reitet geschwind,
er hält in Armen das ächzende Kind,
erreicht den Hof mit Müh und Not ;
in seinen Armen das Kind war tot.



Le Roi des Aulnes

Qui va si tard dans la nuit et le vent ?
C'est le père à cheval avec l'enfant.
Il tient son garçon serré comme il faut,
Au creux de ses bras pour qu'il soit au chaud.

« Mon fils, tu te caches. Mon fils, que crains-tu ? »
« Le Roi des Aulnes, Père, le vois-tu,
Avec son manteau, avec sa couronne ? »
« Ce n'est, mon fils, qu'un brouillard qui frissonne. »

« Cher enfant, approche, viens avec moi.
J'ai de beaux jeux pour jouer avec toi.
Mille fleurs de couleur sont sur ma rive ;
avec des habits d'or ma mère arrive. »

« Mon Père, mon Père ! n'entends-tu pas  ?
Le Roi des Aulnes m'appelle tout bas. »
« Non, ne crains rien, mon enfant, tu entends
Dans les feuilles mortes le bruit du vent. »

«Veux-tu, bel enfant, venir avec moi ?
Déjà, mes filles t'attendent, je crois.
Mes filles passent la nuit à danser
Et à chanter ; elles vont te bercer. »

« Père, Père, dis-moi que tu les vois,
Dans l'obscurité, les filles du Roi ! »
« Mon Fils, mon Fils, c'est que tu auras pris
Pour elles l'ombre des vieux saules gris. »

« Je t'aime et ta figure me séduit ;
Je te forcerai si tu ne me suis. »
« Mon Père, c'est fait : il a pu se saisir
De moi et déjà il me fait souffrir ! »

Le Père accélère, et en frémissant
Il tient dans ses bras l'enfant gémissant.
Enfin il touche au but à grand effort,
Mais entre ses bras l'enfant était mort.