samedi 2 avril 2011

Tempe proustienne, tempe célinienne

  
Rien de tel qu'un même sujet pour faire percevoir, sans qu'il soit besoin d'explication, la différence des styles : 
Proust
À chaque nouvelle peine trop forte, nous sentons une veine de plus qui saille et développe sa sinuosité mortelle au long de notre tempe, sous nos yeux. Et c’est ainsi que peu à peu se font ces terribles figures ravagées, du vieux Rembrandt, du vieux Beethoven de qui tout le monde se moquait.
Céline
Ses artères, aux tempes, cela se voyait bien à la lampe, quand on s’en allait, dessinaient des méandres comme la Seine à la sortie de Paris. 
  

Platon typographe

  
Quand il s'agit de la reproduction mécanique des œuvres d'art, on court aussitôt à Benjamin, oubliant presque Malraux qui, dans une optique différente, a bien traité du problème. A fortiori, on oublie Gœthe, qui l'a signalé. 
Mais on ne rappelle que rarement que, bien avant les gravures dont Dürer a tiré un parti "commercial" qui montrait bien la perception fine qu'il avait de cette reproductibilité, il y eut, dès l'antiquité, un mode et un seul de reproduction en grand nombre, et aisément, d'une œuvre d'art : la frappe des monnaies et médailles. 
C'est peut-être anecdotique du point de vue de l'esthétique. Mais si l'on songe à Platon qui, pour ses modèles, dit le plus souvent "paradigme", mais aussi "type", "archétype"... L'Idée, la Forme est comparable au sceau, au caractère typographique, au dessin en relief sur matière dure voire inusable, qui pourra ensuite s'imprimer un nombre indéfini de fois dans une matière idoine (or ou bronze), on note que la reproductibilité de l'œuvre d'art se trouve au fondement de la métaphysique occidentale, à travers l'opposition / corrélation entre modèle unique parfait et copies multiples plus ou moins défectueuses, plus ou moins "belles".