mercredi 5 janvier 2022

Romantisme(s)

 

    On gagnerait je crois à bien distinguer deux pôles du romantisme — sentimental et ontologique — qui recouvriraient plus ou moins les domaines français (Lamartine) et allemand (Novalis). Le domaine anglais étant plutôt du côté germanique (Daffodils est plutôt superficiel, mais le thème du palimpseste est suprêmement ontologique). L'exception, c'est, bien sûr, Nerval, puissamment ontologique, métaphysique, occultiste. Nerval, notre grand poète allemand. "Allemagne, notre mère à tous", disait-il, non sans de douloureux échos autobiographiques. Car le romantisme ontologique n'est bien sûr pas étranger (sinon il ne serait pas romantique) à la subjectivité, au sentiment ; il en fait la voie de passage, la chambre d'écho de messages profonds, oraculaires. La subjectivité est pythique, le sentiment est inspiré par une entité supérieure (déjà caractérisée par Platon). En faisant du sujet un lieu de passage, ce versant ontologique du romantisme prépare (est déjà) l'impersonnalité moderne. L'expérience de l'exil, par exemple, est encore assez romantique, subjective, allégorique dans L'Albatros ; elle l'est bien moins dans Le Cygne (deux oiseaux). Baudelaire contient en effet un classique, un romantique, et un moderne. Autres oiseaux qui sont loin d'avoir fonction décorative ou champêtre : le Rossignol de Keats, L'Oiseau prophète de Schumann, messagers du surnaturel.
 

 

Huysmans : la Pléiade de Procuste


  Dans Soumission, Houellebecq met en scène un universitaire qui établit le "Pléiade" de Huysmans. Enfin ! se dit-on, car l'absence du grand JK dans la prestigieuse collection faisait tache ; voilà qui est réparé, au moins dans la fiction ! Peu de mois plus tard paraît effectivement le "vrai" Pléiade. Hélas ! Car il n'est pas très bien fait, ni très utile. Préface convenable mais peu dense, annotation de niveau modeste ; et surtout, une sélection sévère des œuvres où l'on retrouve tous les titres dont de multiples éditions (de niveau variable) existent déjà. Donc, on ne trouve pas les œuvres de la fin, moins "grand public", celles dont
justement (= précisément + selon la justice) on aurait  aimé avoir une bonne édition. Cela donne un volume agréable à voir, destiné à un public relativement peu informé, mais à peu près inutile pour l'étude et la recherche. Peut-être n'est-il destiné qu'à colmater un manque trop criant. 

  En parallèle, Garnier mène une entreprise au long cours, savante et systématique, qui ne touchera pas le grand public, mais qui fournit une magnifique pâture aux huysmansiens.

 Tantôt la Pléiade fait un volume là où il y a de quoi faire une brochure (Lautréamont, Labé) ; tantôt elle rabote une œuvre copieuse et riche pour ne garder que ce qui est déjà connu... La Collection de Référence semble avoir de plus en plus de problèmes de ciblage, de politique, de cohérence (et de sélection).