mercredi 7 août 2019

Drieu (extrait)


En général, je n’aime pas Drieu. Mais j'y trouve parfois des passages très réussis. Dans un roman dont j’aime beaucoup les premiers chapitres, roman moins narcissique que les autres et caustique ce qu’il faut, j’ai grand plaisir à lire ceci - vif, drôle, plein de brio : 

Drieu la Rochelle : Rêveuse Bourgeoisie, presque : 
« En arrivant au bas de la côte, au lieu d'aller tout de suite à la plage qui était au bout de cette petite rue à droite, bordée de boutiques enfantines, elle résolut d'entrer un instant à l'église. Aussitôt dit, aussitôt fait. Et pourtant elle n'aimait pas cette église, moderne, ornée de colifichets ridicules. Mais quand on passe devant chez le Bon Dieu, il faut bien entrer lui dire bonjour.
Sa prière fut brève et cordiale : « Mon Dieu, je ne veux pas vous retenir trop longtemps, car je ne suis pas intéressante : tout va bien dans ma petite famille. Ma fille Agnès est saine et jolie ; mon bon Ernest est bien portant, travaille bien, et gagne plus d'argent que nous n'espérions. Mais ne craignez pas que je pèche par ingratitude. Je n'oublie jamais que ce sont là vos grâces exceptionnelles; j'apprécie chaque jour l'immensité et la continuité de votre bonté. Si vous pouvez continuer, faites-le. Amen. » Elle contraignit sa vivacité pour achever son signe de croix. Et hop, à la plage. »