mardi 30 juillet 2019

Image littéraire, (compléments) 2


Quelques autres compléments à 

Biély Petersbourg : « Le jardin d’été était renfrogné. Les unes après les autres, les statues s’étaient dissimulées sous des planches. » 
Biély Petersbourg : « Il se rappela le cou graisseux avec son repli ignoble. Et le cou avait ri insolemment ». 

Boulgakov : 
Le Maître et Marguerite I, XIII 308 : « Le théâtre était noyé dans l’obscurité ; des taches blanches firent leur apparition au buffet ; on dressait les tables en prévision du spectacle. »  
Le Maître et Marguerite (trad. Pléiade p. 458) : 
« Le chauffeur, furieux d'avoir perdu sa nuit, poussait son engin au maximum, et celui-ci se déportait à chaque virage. 
Voici que déjà la forêt les avait lâchés, elle était restée par là-bas derrière eux ; la rivière aussi était allée se perdre quelque part sur le côté ; des choses éparses et diverses pleuvaient littéralement à la rencontre du camion : des barrières avec leurs guérites, des empilements de bois de chauffage, des poteaux gigantesques et des sortes de mâts avec des rouleaux de câbles enfilés dessus, des tas de gravier, une terre entièrement striée de canaux, bref on sentait que Moscou était là, toute proche, qu'au prochain tournant elle allait vous tomber dessus et vous happer. »  
Le Maître et Marguerite, Folio trad. Ligny : 
« La forêt se fit plus clairsemée puis disparut, ainsi que la rivière derrière un tournant, et un décor disparate accourut à la rencontre de la camionnette : palissades, guérites, piles de planches, hauts poteaux de bois sec, espèces de mâts où étaient enfilées des bobines, tas de cailloux, terre tailladée en tous sens par des fossés et des rigoles – en un mot, on sentait que Moscou était là, tout près, et que, juste après le prochain tournant, elle allait vous tomber dessus et vous avaler. »  

Huysmans Les Sœurs Vatard VII : « le feu de leurs pipes luisant dans l’ombre faisait entrevoir dans un soudain éclair, des côtés de visages, des tranches de nez, des bouts de doigts. »
Huysmans Les Sœurs Vatard XIX : « Des ombres énormes se découpaient derrière ce rideau de vapeur comme derrière un papier huilé, des ombres chinoises. Des joueurs mettaient du blanc à leur queue de billard et le circuit rapide du bras évoquait je ne sais quel étrange écrasement à ce jeu de lumière qui déformait et rendait immense tout mouvement, toute pose ; puis des gestes cassés, des torsions de reins, des penchées de corps, des profils bizarres, des chapeaux exagérés s’estompaient sur ce transparent en de noires ébauches que brouillaient les silhouettes monstrueuses des garçons courant. »

Peut-être Nabokov a-t-il choisi l’anglais plutôt que le français à cause de l’antéposition de l’adjectif anglais, mieux adaptée à son esthétique. En français, il n’aurait pas pu écrire dans Lolita : 
« the clean-cut, glossy-haired, shifty-eyed, white-faced young beasts » : 
soit 11 syllabes qui font attendre le monosyllabe du substantif. 

La description de la chose, avant sa dénomination ; les éléments avant l’idée du tout ; faire durer le suspens : la description cherche son centre de gravité :
Goncourt J1-1200 : « À la porte du petit salon de la princesse, une forme de femme blanche, en camisole et en jupon court. Un cri. Des chiens qui jappent. C’est la princesse en déshabillé, qui se sauve avec deux femmes en noir. »
Goncourt J1-1217 : « On sent là-dedans, la banalité, l’impropriété, la chose à tous. Il y a un ordre froid, une symétrie inanimée, rien ne flâne, rien ne traîne, rien ne met aux meubles la trace d’un hier à vous, un livre, un objet oublié. / Au fond c’est nu, garni du strict nécessaire, des éléments du mobilier, sans le luxe et la distraction de la moindre inutilité, à peine une gravure au mur, pas un portrait, pas un souvenir, pas un de ces objets personnels, pour ainsi dire, à un lieu. 
Les meubles ont la forme courante des ameublements à la grosse, écoulés aux commissaires-priseurs ; ils ont les recouvrements tristes des couleurs insalissables. La cheminée n’est pas le foyer et n’a pas de cendres. 
Voilà les mélancolies d’une chambre d’hôtel. »


lundi 29 juillet 2019

Musique / romantisme



  Quand Descartes publie sur la musique (Abrégé de musique), c’est de la physique, de l’acoustique. Quand il fait de la critique musicale (lettre à Bannius), il s’agit uniquement de vérifier la concordance entre la musique et les paroles ; ou plus exactement de vérifier que la musique ‘colle’ bien aux paroles. Avec tout son siècle et presque tout le suivant, Descartes considère que ce sont les paroles qui commandent, que c’est le sens qui est l’essentiel, et que les notes doivent se calquer sur lui, augmenter son expressivité. Le Maître de musique dit comme une évidence à Monsieur Jourdain : « Il faut, Monsieur, que l’air soit accommodé aux paroles ». 
  Les XVII° et XVIII° siècles sont ceux de la raison, même si la raison change de statut entre les deux. Durant cette longue époque, on conçoit la musique comme principalement vocale. Si la musique est instrumentale, elle doit servit la danse. Elle doit donc toujours servir ; soit les mouvements de l’âme (les affects), soit ceux du corps (les pas). On songe à l’exlamation prêtée à Fontenelle : « Sonate, que me veux-tu ? » Écouter, assis dans un salon, de la musique instrumentale, cela n’a aucun sens, cela agace car la musique n’a pas d’autonomie ; elle a vocation à se calquer sur autre chose, illustrer autre chose, soutenir autre chose. Par elle-même, elle n’est pas pure, mais indéfinie, vague, indécise, gratuite, arbitraire. Elle manque de lest, de centre de gravité ou d’intelligibilité. La musique purement instrumentale est perçue comme le sera la peinture non-figurative ; et en effet, la musique sans texte, sans mots, est non-figurative. Imprécision, indécision sont des tares tant au siècle du Roi-soleil qu’au siècle des Lumières. 
  Tout s’inverse avec le romantisme, sous la bannière du « vague des passions ». L’imprécision devient vertu, et la musique instrumentale, libérée d’un sens trop défini, laisse libre cours à la rêverie, aux pensées errantes, au Wandern et à la Sehnsucht. On ne sait trop ce qu’on veut, et on en trouve l’illustration dans cette musique qui ne sait ce qu’elle nous demande. Elle est l’analogue d’une rêverie sans fin, sans fond, sans thème déterminé ; un mal délicieux, sans nature et sans remède. Miroir ou aliment des affects, son caractère vague,  inefficace sur la raison, devient puissant sur les passions. Dans sa caractérisation du ‘moderne’ (qui peut, comme ici, valoir pour le ‘romantique’) Hugo Friedrich mettait en bonne place la « transcendance vide ». Le romantique aspire à un Dahin ! aussi puissant et indéterminé que la musique.  

  Ce flou romantique connut plusieurs avatars. 
1. Cette promotion du non-rationnel pouvait devenir un culte de l’irrationnel, voire de l’anti-rationnel. L’indécis de la Sehnsucht pouvait en arriver à la fusion et la confusion dionysiaques. En s’autonomisant, la musique risquait de sombrer ; aussi faut-il non pas la brider par des concepts mais compenser sa puissance par la clarté de la Forme apollinienne.
2. L’indécision sera une des dimensions principales de la poétique d’un Verlaine, continuateur assez fidèle de cette composante du romantisme. « De la musique avant toute chose … Rien de plus cher que la chanson grise Où l'Indécis au Précis se joint. » Vertus de l’mprécision, force de la suggestion, de l’insinuation.
3. Mallarmé enfin : la musique devient modèle de pureté. Il s’agit, selon la formule de Valéry, de « reprendre à la Musique son bien », non plus par le flou, mais au contraire par la pureté du vide, de l’absence. Les mots en disent toujours trop. Mallarmé, toujours selon Valéry, sortait des concerts « plein d’une sublime jalousie ». Et Valéry lui-même, à propos de Mozart, consomme le renversement par rapport à Fontenelle : « Ne rien dire, et le dire si bien… »



samedi 27 juillet 2019

Nabokov / Ilf & Petrov



Dans les deux livres majeurs d’Ilf et Petrov, quelques passages font penser à Nabokov - du point de vue formel, mais parfois aussi du point de vue thématique. On ne s’étonne pas que Nabokov les ait lus et appréciés, voire qu’il s’en soit inspiré.

Quelques exemples : 

Les douze Chaises
(trad. Préchac, Ed. des Autres, 1979)

  p. 53 : « Le gérant s'appelait Alexandre Yakovliévitch et sa femme Alexandra Yakovlievna. Il l'appelait Sachen, elle l'appelait Alchen. » 
  [cf. dans Le Don, les époux qui se nomment Alexander Yakovlevich et Alexandra Yakovlevna]
  p. 63 : « Une eau claire et printanière ruisselait dans les rues. L'air était empli du craquement et du tintement de gouttes adamantines tombant des toits. Les moineaux faisaient la chasse au crottin. Le soleil resplendissait sur les toits. Des chevaux de trait à la robe dorée faisaient retentir le pavé dénudé de leurs sabots et, les oreilles baissées, semblaient se délecter de leur propre fracas. Sur les poteaux télégraphiques humides étaient recroquevillées des petites annonces aux lettres délavées : « Leçons de guitare suivant le système chiffré, Cours de culture générale pour les candidats au conservatoire ».
  [évidemment, entre autres, Le Don : « … sur le tronc d'un arbre, […] une affiche écrite à la main (encre dégoulinante, chien bleu échappé) […] ». 

  p. 70 « Au dessus du piano était accrochée une reproduction de ‘L’Île des Morts’ de Böcklin » 
  [cf. Despair : « it was but an ordinary print found in every Berlin home : ‘The Isle of the Dead’. »
  p. 108 « On fit à cette occasion valser Tréoukhov à la pleine lueur des réverbères. Gavriline aussi y eut droit, mais comme il pesait dans les cent kilos et ne montait pas bien haut, on le reposa rapidement à terre. Puis ce fut le tour du camarade Mossine, des techniciens, des ouvriers. Poliessov y passa pour la deuxième fois de la journée, mais cette fois-ci il ne gigotait plus et volait dans le noir avec sérieux et sévérité, tout en regardant le firmament étoilé ». 
  [c’est une tradition russe, mais il y a des parallèles étonnants avec Autres Rivages, fin de la 1° partie, le père du narrateur ‘fêté’ par les paysans : « From my place at table I would suddenly see through one of the west windows a marvelous case of levitation .. etc » ; cf. infra, Le Veau d’or.
  p. 196 : « Le camarade Arnault, vêtu d'un pantalon de cycliste en velours, contemplait avec curiosité, avec les autres membres de la délégation étrangère, le stylo rouge à plume n° 86, qui était dressé dans un coin de la pièce. La plume touchait presque le plafond et le corps du stylo était de l'épaisseur du torse d'un homme moyen. On aurait pu écrire avec cet instrument, car c'était une vraie plume quoiqu'elle dépassât la taille d'un gros brochet. » 
  [cf. Autres Rivages : « the object proved to be a giant polygonal Faber pencil, four feet long and correspondingly thick. It had been hanging as a showpiece in the shop’s window »
  p. 226 [la femme a aperçu son bien-aimé vêtu de bleu et de framboise ; un moment après, elle est derrière une vitre] « Elle soufflait amoureusement sur la vitre. Le carreau s’embua, formant des taches arc-en-ciel. À travers la buée et l’arc-en-ciel luisaient des fantômes bleus et framboise. »
  p. 246 « À quelque distance, dans les ruelles tortueuses, un carrosse armorié passait au galop de ses chevaux le long des petits squares de la capitale. Le vernis noir de ses flancs reflétait successivement les divers passants courbés en deux : cavalier de la garde à casque de cuivre, dames du beau monde, petits nuages blancs potelés.  […] L’écusson armorié était celui des services municipaux de Moscou et la guimbarde transportait des ordures. Ses flancs de planches clouées se révélaient incapables de refléter quoi que ce fût. »
  p. 267 « Tournant et essayant de garder l’équilibre, la ville vira de bord et se retrouva soudain du côté gauche »
  p. 272 : « Une seconde, la grande glace au bout du couloir le refléta tout entier […] L’image dans la glace disparut, puis réapparut, tenant une chaise aux pieds galbés. »
  p. 274 : « La sirène mugit alors une nouvelle fois et le soleil, pris de peur, s’enfuit »
  p. 296  : « On voyait éclore à l’est des boutons de ciel rose et le pince-nez du maréchal prenait d’un moment à l’autre une teinte plus claire. Ses verres opales se mirent à scintiller, reflétant successivement les deux rives. Un sémaphore, à bâbord, s’incurva dans le verre biconcave de gauche […] L’arceau doré du pince-nez s’enflamma soudain et aveugla le Grand-Maître : le soleil venait de se lever. »
  p. 308 : « Ah ! Ne me chante pas, ma belle, des chants de la triste Géorgie. Ils me rappellent une autre vie et de lointains rivages. » 
  [cit. de Pouchkine très importante chez Nabokov, mais ausi pour beaucoup de Russes]


Le Veau d’or
(trad. Préchac, Scarabée et C°, 1984)

  p. 32 « Les employés traînèrent le fils stupide du lieutenant Schmidt devant le bâtiment et se mirent à le balancer pour lui imprimer un certain élan. Docile, Panikovski regardait sans mot dire le ciel bleu. » 
  [cf. Autres Rivages, le père lancé dans le ciel]
  p. 34 : « Dans la rue principale, des essieux d'attelage écartelés transportaient un long rail bleu. Cela faisait un tel bruit, un tel chant dans la grand-rue, qu'on eût dit que le voiturier vêtu d'un suroît de pêcheur ne transportait pas un rail, mais une note de musique unique et assourdissante. Le soleil s'introduisait dans le magasin de fournitures scolaires. On pouvait y voir des globes terrestres, des crânes, un carton représentant le foie joyeusement colorié d'un alcoolique. Surmontant le tout, deux squelettes s'étreignaient affectueusement. »
  p. 35 : « Venaient ensuite, à la file, trois magasins d'instruments à vent, de mandolines et de balalaïkas. Trônant sur des gradins garnis de calicot rouge, les cuivres jetaient sur tout l'étalage des lueurs perverses. Le plus beau de tous était l'hélicon-basse. Il était si puissant, se chauffait au soleil avec tant de langueur, lové en forme d'anneau, que sa place aurait dû être au jardin zoologique de la capitale, quelque part entre l'éléphant et le boa, Les parents, les jours de fête, l'auraient montré aux enfants en leur disant : « Et voici, mon petit, le pavillon de l'hélicon. Maintenant il dort. Mais dès qu'il se réveillera, il se mettra à trompeter. » Et les enfants auraient regardé l'étonnant instrument avec de grands yeux émerveillés. »
  p. 50 : « Rio de Janeiro, c’est le rêve cristallin de ma lointaine enfance. »
  p. 79 « Un liquide passait [d’un tonneau] à l’autre  avec un gazouillis affairé »
  p. 102 « Le croissant de lune est aujourd’hui revêtu de nouvelles fonctions. Il peut tout aussi bien se refléter sur des routes goudronnées. »
  p. 105 : « Une Cadillac fermée, de couleur grise, stationnait sur le bord de la route. La Russie centrale qui se reflétait dans ses épaisses vitres polies paraissait plus propre et plus belle qu’elle ne l’était en réalité. »
  p. 158 : « de stupides divans dorés »
  p. 178 : [dans la nuit] « de noirs couples basaltiques, enlacés à jamais » [se disent des] « broutilles démodées ».
  p. 203 : « après s’être reflété un nombre incalculable de fois dans les glaces du hall, de l’escalier et des couloirs (ces glaces dont aiment à se parer les établissements de ce type) […] »
  p. 219 : [dans une vitrine] « un énorme crayon jaune suspendu à deux ficelles » [cf. supra, Autres Rivages]
  p. 221 « un samovar jaune qui crachait sa vapeur en se plaignant tout doucement de son sort de samovar »
  p. 223 « Un lourd encrier de bronze fait de plusieurs petites isbas correspondant à divers types d’encres. Nommé ‘Face au village’, ce dernier coûtait 150 roubles. Le chef-d’œuvre était constitué par un vieux composteur en fonte d’une gare de voyageurs. » 
  [cf. dans Printemps à Fialta, l’encrier ‘pochlost’ : « un malheureux objet exposé dans une boutique de souvenirs : une horrible réplique en marbre du mont Saint-Georges percée à la base d’un tunnel noir qui n’était en fait que la gueule d’un encrier, avec un compartiment pour les porte-plume en forme de voie ferrée. »]
  p. 288 : « des chats déguenillés »
  p. 297 : « La bouilloire électrique concentrait sur sa surface courbe tout le bien-être du nid petibourdoukovien : elle reflétait le lit, les rideaux blancs, la table de nuit. On y voyait aussi Petibourdoukov lui-même, assis face à sa femme en pyjama bleu fermé par des cordonnets. »
  p. 465 [dans le train] : « les porte-verres glissaient docilement d’un bord de la table à l’autre » 
  p. 479 « Au sol, les ombres se déplaçaient ; la pluie coupait en biais les faisceaux lumineux des phares d’automobiles. »



Nabokov / Olécha


J’ai signalé que bien des procédés d’écriture de Nabokov se trouvent chez des auteurs russes qu’il appréciait. Par exemple chez Olecha. 

[Selon G. Nivat, préfacier traducteur d’Olecha, ses comparaisons sont très nouvelles voire saugrenues, enfantines ; le monde extérieur y est éprouvé comme un appendice du corps du personnage percevant : « l’ombre fronce les sourcils »]

Olécha : L’Envie (éd. L’Âge d’homme) : 
  p. 21 « La porte des toilettes a une petite vitre mate de forme ovale. Il allume, l'ovale s'éclaire de l'intérieur et devient magnifique, couleur d'opale, on dirait un œuf. Je vois par la pensée cet œuf pendu dans l'obscurité du couloir. » 
  p. 22 « Je le vois arriver, nu jusqu'à la ceinture, vêtu seulement d'un caleçon en jersey fermé par un seul bouton au milieu du ventre. Et le monde rose et bleu de la pièce tourne sur lui-même dans l'objectif en nacre du bouton. […] Quand une petite saleté quelconque, une pièce, un bouton de manchette, m'échappe, elle va habituellement rouler sous un meuble difficile à déplacer. Je suis obligé de me mettre à quatre pattes pour la chercher et quand je relève la tête, je vois le buffet qui se moque de moi). »
  p. 36 « Babitchev a fait demi-tour d'un mouvement vif, son ombre dans la rue a eu un brusque bond de côté et c'est tout juste si elle n'a pas provoqué une tempête dans le feuillage du parc d'en face. « 
  p. 58 : « Voilà qu’étaient apparus dans ma vie des boutons de nacre à un drap de dessus et l’arc-en-ciel du spectre s’y jouait. Il suffisait de trouver l’angle voulu. Je les avais tout de suite reconnus comme miens, les boutons. Ils m’étaient revenus d’un petit coin de mon enfance, un petit coin reculé, oublié depuis fort longtemps. »
  p. 76 « Vous avez découvert le secret : ce n’est pas là un mur, c’est un monde mystérieux où tout ce que vous venez de voir se répète, se répète avec le relief et la luminosité que donnent les verres rapetissants des jumelles. »
  p. 109  « Le ciel bleu se reflétait dans les incrustations de glace qui bougeaient et c’était comme des paupières qui s’ouvraient et se refermaient doucement sur des yeux magnifiques. »
  p. 113 « … un fond de culotte luisant et cuivré : deux gros poids de balance, à s'y méprendre. »
  p. 120 : « Chacun s’était déjà habitué à voir s’assembler et se défaire les silhouettes des ombres (carrés, triangles de Pythagore, petites lunes d’Hippocrate. »
  p. 123 : « La lumière, que ne déchiraient pas les voitures, restait entière, comme si le soleil venait juste de se lever, de sorte qu’ils traversaient des plans géométriques d’ombre et de lumière, ou même plus exactement des corps stéréoscopiques, car l’ombre et la lumière se découpaient non seulement sur les surfaces planes, mais aussi dans l’air. »
  p. 125 : « Sur la galerie, quelqu’un venait. Les petits carreaux découpaient le nouvel arrivant en morceaux. Les parties de son corps avançaient indépendamment les unes des autres. Cela produisait une illusion d’optique. »


Outre les procédés stylistiques, on note avec amusement une sorte d’anticipation thématique de la nymphette : 
  p. 126 : « Et voilà ce que vit Kavalérov : Valia se tenait au milieu de la pelouse, les jambes largement et solidement écartées. Elle portait un petit short noir très relevé et ses jambes étaient nues très haut, — toute l'architecture de ces jambes était visible. Elle était pieds nus dans des chaussures de sport blanches, et le fait que ces chaussures soient plates rendait sa façon de se tenir encore plus stable et plus ferme. Elle n'était en rien féminine cette façon de se tenir, mais bien masculine ou enfantine. Ses jambes étaient sales, brunies et luisantes. C'étaient des jambes de petite fille, ces jambes si souvent soumises à l'action de l'air, du soleil, aux chutes sur les petites mottes et sur l'herbe et aux coups qu'elles deviennent grossières, se couvrent de petites cicatrices à cause des petites croûtes arrachées trop tôt, alors que les genoux deviennent rugueux comme de l'écorce d'orange. L'âge et la certitude subconsciente de sa richesse physique donnent à leur maîtresse le droit de prendre si peu soin de ses jambes, de ne pas s'en soucier, de ne pas les soigner. Mais plus haut, sous le short noir, la propreté et la douceur du corps laisse deviner combien merveilleuse sera leur maîtresse quand elle mûrira et deviendra femme, quand elle commencera à faire attention à son corps, quand l'envie lui viendra de l'orner, quand toutes les petites blessures seront guéries, quand les croûtes tomberont d'elles-mêmes, quand le hâle s'égalisera pour devenir teint. »

mardi 23 juillet 2019

Image littéraire (compléments) 1



Quelques compléments pour 

Reverdy : « Plus les termes mis en contact sont éloignés, plus l’image sera belle »  
Breton :  « Pierre Reverdy, écrivait : L’image est une création pure de l’esprit. Elle ne peut naître d’une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l’image sera forte — plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique… »

***

Colline de Giono, livre merveilleux, aux deux sens d’exquis et de magique ; livre animiste, panique ; déluge de métaphores animistes, mais fondées sur un imaginaire panique pré-chrétien, et non sur un animisme romantique. 
Chez Nabokov, le lien avec l’archaïque est très mince. De même le lien avec le romantisme (les animisations de Nabokov ne sont pas toujours projectives). Son animisme est presque exclusivement littéraire, verbal, ressortissant d’un imaginaire personnel et ludique plus que d’une tradition.

Giono Regain I, III :  
« La route monte accompagnée par les deux files de platanes. Les maisons ne vont pas plus loin que le détour. Là, elles disent « au revoir » et elles restent assises au bord des prés; elles regardent la route qui part, vers le large des terres. Les platanes vont encore un peu jusqu'au milieu de la côte, mais, là, ils s'arrêtent aussi. Alors, la petite route s'en va toute seule. D'un beau coup de rein, elle saute le mamelon et, adieu, elle est partie. » 
Giono Regain 156 :  
« Il y a eu d'abord un grand peuplier qui s'est mis à leur parler. Puis, ça a été le ruisseau des Sauneries qui les a accompagnés bien poliment en se frottant contre leur route, en sifflotant comme une couleuvre apprivoisée ; puis, il y a eu le vent du soir qui les a rejoints et qui a fait un bout de chemin avec eux, puis les a laissés pour de la lavande, puis il est revenu, puis il est reparti avec trois grosses abeilles. Comme ça. Et ça les a amusés. »
Giono Regain 160 : 
« Il lui est venu du sourire sous la moustache »

***

Nabokov : Lolita : 
« the clean-cut, glossy-haired, shifty-eyed, white-faced young beasts »   
L’effet d’attente est impossible à rendre en français : 
«  les jeunes vauriens bien léchés, aux cheveux luisants, aux yeux fuyants, au visage blême  » 
L’anglais donne, comme en vrac, des traits précis qui ne se synthétiseront qu’à la fin. L’antéposition anglaise joue un rôle analogue à  celui du verbe final de l’allemand. Le dernier mot, qui donne la clé d’intelligibilité, voue ces langues à la récapitulation. Récapitulation sensible en anglais (on sait tardivement de quelle chose il s’agit), récapitulation intellectuelle en allemand (on sait tardivement de quelle idée il s’agit). 

***

Une demi-page où on a l’impression que Drieu a voulu faire un pastiche (très réussi à mon goût) du mode de description phénoméniste-pictural :  
Drieu La Rochelle, Rêveuse Bourgeoisie, chap IV (L’Imaginaire p. 29-30) : 
« Une partie de pêche fut organisée à laquelle prirent part les Ligneul, les Rabier et Camille. Les demoiselles se présentèrent en costumes de bain, armées de pêchettes et de paniers. Les mères étaient là. On partit le long de la côte dans la direction du Mont-Saint-Michel.
Bientôt, sur les dunes, il n'y eut plus de maisons. On fut au milieu d'une complète solitude. La mer était retirée au bord de l'horizon. A peine apercevait-on en deux ou trois points des pêcheuses qui, la hotte au dos, courbées en deux, pourchassaient les équilles par la grève. Puis les dunes s'aplatirent de sorte que de toutes parts on ne voyait rien que de bas, de nu. Personne ne s'avisait de se plaindre. N'était-on pas venu de Paris pour admirer ? Le soleil de la fin d'août avivait du reste les gris et les beiges dont se composait cette platitude avec une sobre diversité. L'air salé était délicieux. Le Mont-Saint-Michel se dressa au loin. Cela fit une présence. »


vendredi 19 juillet 2019

Valéry mosaïste


En 1891, le jeune Valéry écrit deux petits textes, sans grand intérêt : Le Nazaréen (Pochothèque 1-87-89), et un fragment inédit (Pochothèque 1-90-91). Dans chacun, il mentionne la mosaïque. À travers une citation probablement inventée dans le premier, et dans une méditation décadente, dépressive, dans le second.
1. « La mosaïque, prononce un très vieil auteur, comporte une certaine rusticité dans la splendeur : que si la faune ou la flore s'y montrent, qu'elles soient traitées méplates et sans nul embarras de véracité »
2. « Le style ! Il m’ennuie : je le vois fabriquer comme une mosaïque, bêtement, par petites veines… »
La première loue la mosaïque, la deuxième la critique. Mais, en bien ou en mal, les deux prennent cet art comme modèle, et de ce fait, ces deux essais de jeunesse contiennent en germe à une problématique valéryenne essentielle. Valéry, en tant qu’il est poète classique, dispose d’une forme préalable, d’une grille à remplir. Comme il refuse l’inspiration, les éléments qui rempliront les cases seront pensés, pesés, jugés, substitués, etc., ce qui est un travail de mosaïste. Tous les éléments sont purs (Mallarmé). Mais, en rançon, chaque élément est séparé des autres ; il ne vient pas dans le flux unitaire d’une inspiration qui homogénéiserait d’elle-même ses composants verbaux. Le poète délicat obtient donc des éléments parfaits, mais séparés, ‘discrets’, ‘partes extra partes’, avec lesquels il faut donner par la suite l’impression, l’illusion, d’une continuité, comme si le poème était d’une seule venue. Mais cette unité, cette continuité, ne peuvent être qu’artificielles, que simulées. Le lecteur ordinaire ou raffiné s’y trompera peut-être. Mais le lecteur vraiment expert, le seul qui compte, ne pourra-t-il déceler les jointures artificeuses ? Il faudrait donc un travail infini (car en droit inachevable) pour rendre continu le discontinu. 
Dans sa correspondance avec ses (vrais) amis, Valéry ne cesse de dire qu’il dispose de beaux morceaux, dont le raboutage lui apparaît toujours arbitraire. Il ne cesse de substituer, d’intervertir : les séquences de La Jeune Parque, les strophes du Cimetière marin n’auront une disposition définitive que par un coup de force extérieur : exigence de participer à sa façon à l’effort de guerre, pour la Parque, ou pression de l’éditeur pour le Cimetière marin. Il y a donc une part de gratuité dans la distribution finale des morceaux. On peut y voir une modernité de l’œuvre ouverte, qui résulte d’un arbitraire laissant leur pertinence, leur valeur, aux possibles non-choisis (cf. le caractère aléatoire de la distribution des séquences dans les Cahiers de Malte de Rilke, et l’éloge que fait ce dernier des fragments de Rodin). A la façon de Musil, on pourrait dire que pour l’œuvre, le fait d’être réelle ainsi ne constitue qu’un mince avantage par rapport au fait d’être possible (on ne peut pas dire « d’être seulement possible »). 

P.S. anodin: Le deuxième texte, qui reprend une lettre à Gide, est publié sous le pseudonyme d’André Gill. Pourquoi prendre le nom d’un caricaturiste mort six ans plus tôt ? Les éditeurs (Hytier pour la Pléiade, Jarrety pour la Pochothèque) ne le disent pas. La folie où sombra l’artiste suffit-elle à faire le lien avec la mélancolie de cette page ? Ou le pauvre à-peu-près André Gide / André Gill ? 

jeudi 18 juillet 2019

Valéry lecteur des Goncourt ??


On ne sait pas tout ce qu’a lu Valéry. Il affectait de ne rien lire, sinon, tardivement, signe de sénescence, disait-il. On peut en douter un peu. En outre, il a passé plusieurs années à lire à haute voix, pour Edouard Lebey, toutes sortes de textes, depuis les cours de la Bourse jusqu’aux sermons de Bourdaloue ; mais on ne connaît pas précisément la teneur de cette bibliothèque orale (les savants l’auraient-ils reconstituée ?). Dommage car il est fréquent de trouver des parallèles entre des passages de Valéry et des passages d’auteurs antérieurs, dont il ne se réclame pas. On peut imaginer des réminiscences. Il serait intéressant de les repérer de façon systématique (très gros travail).

Par exemple, quand un valéryen lit le Journal des Goncourt, il sursaute parfois :

Lettre à Gide du 4 juillet 1891 (Corr. p. 107) : Valéry s’écrie : 
« Ah ! savez-vous ce que c'est qu'une robe - même en dehors - surtout en-dehors, de tout désir simpliste de chair ? » 
Vers le début du Journal des Goncourt (Bouquins 1-35) : 
« L’amour, un rêve à propos d’un corps, quand ce n’est pas à propos d’une robe. »

Valéry :  Automne (in Mélange)
« Feuilles mortes. La forêt plus belle après sa mort d'automne, par ses couleurs plus variées, plus sonores que celles de la vie. 
Parlera-t-on ici de "nature" ? Il s'agit de choses mourantes et mortes, et cette splendeur résulte comme elle peut, de la dégradation d'organes d'où la vie s'est retirée. 
C'est l'abandon, la décomposition, l'oxydation lente qui emplissent nos yeux de valeurs puissantes. »
  
Goncourt Journal 1 875-876 : 
« Tout est mélancolique dans Watteau, jusqu'aux verdures. Il a pour ses paysages la palette de l'automne, la dernière richesse des feuilles et des tons. C'est la campagne jetant sa lueur suprême, donnant sa dernière note, les feuilles dorées, les arbres dégarnis, des gaîtés de tons finissantes ; la saison où le vert prend tant de fantaisies en se décomposant, un ton dont le rayonnement touche à la pourriture, à la mort. C'est la maturité accomplie et passée, déjà le déclin »

Le logis de Monsieur Teste : 
« Dans la chambre verdâtre qui sentait la menthe, il n’y avait autour de la bougie que le morne mobilier abstrait, – le lit, la pendule, l’armoire à glace, deux fauteuils – comme des êtres de raison. Sur la cheminée, quelques journaux, une douzaine de cartes de visite couvertes de chiffres, et un fla- con pharmaceutique. Je n’ai jamais eu plus fortement l’impres- sion du quelconque. C’était le logis quelconque, analogue au point quelconque des théorèmes […] »
Celui de Gavarni (Journal, 22 mai 1859, Bouquins 1 p. 459-460) : 
«Tout ce logis de Gavarni est nu, dur, comme une couchette de cénobite. Ce grand salon a l'air d'une grande cellule, où rien ne vit, qu'une pensée. C'est le domicile rigoureux d'une pensée abstraite » 


Mais le plus étonnant, qui laisse très pensif, c’est de trouver exposé de façon précise, sous la plume des bichons, le programme intellectuel et littéraire de Valéry - ceci en juillet 1856 (Bouquins 1-189) : 
« Après avoir lu du Poë, la révélation de quelque chose dont la critique n’a point l’air de se douter. Poë, une littérature nouvelle, la littérature du XXe siècle : le miraculeux scientifique, la fabulation par A + B, une littérature à la fois monomaniaque et mathématique. De l’imagination à coup d’analyse, Zadig juge d’instruction, Cyrano de Bergerac élève d’Arago. Et les choses prenant un rôle plus grand que les êtres, — et l’amour, l’amour déjà un peu amoindri dans l’œuvre de Balzac par l’argent, — l’amour cédant sa place à d’autres sources d’intérêt ; enfin le roman de l’avenir appelé à faire plus l’histoire des choses qui se passent dans la cervelle de l’humanité que des choses qui se passent dans son cœur. »



Céline : une bande de guignols dès le Voyage ?


Madelon, nous dit Bardamu, doit son prénom à la guerre ; c’était à la mode à ce moment-là. Mais chronologiquement, cela ne marche pas ; Madelon serait bien trop jeune pour le rôle. Si l’on veut chercher ailleurs une éventuelle motivation (éventuelle car l’onomastique littéraire est toujours chose délicate, et incertaine, rarement décisive), on peut songer aussi au fait que Madelon est un personnage de Guignol. On verrait assez bien Bardamu en Guignol, Robinson en Gnafron (ou l’inverse, les deux compères étant assez interchangeables) et Madelon… en Madelon (dont les relations avec les compères sont assez incertaines). 
Tant qu’à faire, embrigadons un personnage très nécessaire à guignol : le gendarme ; ici, l’immortel Gustave Mandamour : le meurtre de Robinson, « ‘Un drame d’amour’ qu’il appelait ça Gustave » ; Céline faisant ainsi du Voyage un étrange « romandamour ». 


lundi 15 juillet 2019

Nabokov n’est pas Agueev, sauf…



La cause est entendue : ce n’est pas Nabokov qui a écrit Roman avec cocaïne. La critique externe, historique semble le montrer définitivement. En revanche, l’argument avancé par Véra comme quoi Nabokov ne parlait pas de drogue n’est qu’à moitié convaincant : il suffit de lire A Matter of chance. 
Certes, plusieurs points font songer à Nabokov : 
- la focalisation sur un personnage sombre, d’une méchanceté opaque ; 
- l’impression d’un monde semi-irréel, 
- le lycée russe de la fin de l’empire, 
Mais de longs topos psychologisants (chap. VI) sont ce que Nabokov détestait chez Dostoïevski. 

Du point de vue de la critique interne, on trouve bien des thèmes et des procédés littéraires qui sonnent « nabokovien » ; mais ceux-ci se trouvent aussi chez bon nombre d’auteurs historiquement et géographiquement voisins, que Nabokov les mentionne ou non parmi les écrivains qu’il apprécie. Des formules, des paragraphes, pourraient se lire sous la plume d’Ilf et Petrov, de Boulgakov, ou d’Oliécha. 
Par exemple : 
« L’escalier est parcouru. Dans la salle de réfectoire du sous-sol le pied s’adapte au glissement sur le carrelage d’un blanc bleuté. La dernière fenêtre frôle les yeux de son morceau de soleil, et aussitôt c’est la sombre humidité du vestiaire. » 
« D’abord, dans la fente de la porte à peine poussée, un œil apeuré me regarda  avec inquiétude, puis la porte s’ouvrit largement et insolemment et ce qui entra dans la chambre avec une résolution scandaleuse fut un pyjama d’homme, au col retourné autour de l’adorable tête d’une femme. »
« Ayant poussé la porte à tambour où, dans le verre de cristal, la maison voisine roula en vibrant, j’entrai et traversai le hall. » 

Néanmoins, un passage et un seul me laisse vraiment perplexe. Pendant quelques lignes, j’ai l’impression de lire du Nabokov ; ou même une sorte de parodie (très réussie) de Nabokov. Comme si Vladimir Vladimirovitch passant du côté du Bosphore, avait, en douce, écrit une page, et s’était éclipsé :

(début du chap. IV) « Vers le soir la pluie s’arrêta, mais les trottoirs et l’asphalte étaient encore mouillés, les réverbères s’y reflétaient comme dans des lacs noirs. Les candélabres gigantesques des deux côtés d’un Gogol de granit bourdonnaient doucement. Cependant, leurs boules laiteuses, dans la résille de leur monture, suspendues au sommet de ces mâts de fonte,  éclairaient mal en bas, et ce n’est que çà et là , dans les tas noirs des feuillages mouillés, que clignotaient leurs pièces d’or. Une goutte de pluie se détacha du nez pointu, du nez en pierre, accrocha en tombant la lueur du réverbère, s’alluma de bleu et s’éteignit aussitôt. »