vendredi 4 février 2022

Notules (16) littérature

 

Des notes prises il y a bien longtemps, sur une émission de radio que j'ai oubliée (pas étonnant, vu le contenu des notes), et que je ne sens pas d'urgence à retrouver : 

Butor sur Fr. Cult, sept 05, parle de poésie. Quelle platitude, lenteur. Quel didactisme terne à l'usage des universités du 4° âge ! Etranges modernistes qui s'empoussièrent pire que de vieux lagardezémichards. Sur un ton très faux de prof de collège, Butor lit des banalités qui ne sont pas fausses, mais qui sont  inopérantes car elles coupent plus l'appétit qu'elles ne l'ouvrent... Malgré la banalité, ses propos sont parsemés d'énormités  ; il dit que la prosodie surréaliste se caractérise par la bizarrerie des images ; il dit "polyphonie" pour "polysémie"... 



Marta Sábado Novau : (chez les critiques de l'Ecole dite de Genève) : "Leur ethos critique se caractérise par la modération : l’accueil prime chez eux sur l’attaque. 

[...] le regard du critique, exigeant que celui-ci – assumant le rôle d’un herméneute et non pas d’un juge."



Les auteurs seraient-ils intéressants (pour moi) à proportion de leur inextricabilité, proche éventuellement de la folie ? Les plus inextricables, donc, toujours susceptibles de relecture, de réinterprétation, de surprise ? Ceux qui feraient voyager dans les contrées les plus étrangères ? Rousseau, Nerval, Céline, Nabokov... Et même, à sa façon, moins évidente, Valéry. Pas toujours : chez Rimbaud, c'est le poète en vers qui me passionne, pas le déréglé. La folie pure ne me motive pas (Artaud), ni le voisinage avec la folie (Kafka). Avant le XIX° siècle, la question ne se pose guère, sinon avec Rousseau donc, qui annonce le XIX°. Avec Diderot, malgré sa formule célèbre (remise au goût du jour) sur le "coup de hache", la question ne se pose pas. Diderot en effet est un penseur complexe, qui parle sans cesse de tout et croise tous les domaines ; mais il n'y a pas chez lui de pathologie, sinon une tendance à dialoguer plus forte que chez les autres - folie bien modeste. À propos du "coup de hache", ou, en termes plus familiers, du "pet au casque", la meilleure illustration en est la caricature admirable de Céline par David Levine, qui constitue une belle une page de critique littéraire...






La poésie est affaire de mots (Malherbe), puis de sentiments (Musset), puis de mots (Mallarmé). Mais les mots de Malherbe sont élégants et sociaux ; ceux de Mallarmé sont mystiques — ils ont réclamé l'abolition du sujet sentimental. 

Thèse, antithèse, synthèse ? Un peu : 

2 nie 1

3, en niant 2, retrouve 1, à un autre niveau, supérieur. 

Une sorte d'Aufhebung — que l'on peut parfois traduire par "sacrifice". 



Une note érudite amusante (c'est peu fréquent), dans Annie Paradis : "Don Giovanni ou la trajectoire du lièvre", 1996 :

Un récit étiologique catalan, « Pourquoi il n'y a que des lièvres femelles », fait remonter l'hermaphrodisme du lièvre au Déluge. La hase ayant malencontreusement raté l'Arche se noie et Noé, bon bougre, accorde au veuf la faculté de se reproduire. 

Cf. Joan Amades, L'origine des bêtes,traduction et présentation de Marlene Albert-Llorca, Carcassonne, GARAE/Hésiode, 1988 : 256.  



Paulhan. Je n'arrive pas à le lire ; je n'arrive pas, en général, à savoir vraiment de quoi il parle, et en quel sens. Le personnage, aussi, ne m'emballe pas, toujours en tractations, en négociations, ménagements de la chèvre et câlineries au chou. En revanche, il semble avoir suggéré, ou trouvé, ou inspiré un titre très réussi : Autant en emporte le vent, très efficace reconfiguration d'une citation de L'Ecclésiaste, du titre de M. Mitchell et d'un vers de Marot. Mais il reste aussi, à son corps très défendant, comme personnage (et quel personnage !) de l'imaginaire célinien, le Norbert Loukoum de la trilogie allemande, grand châtreur du sérail Brottin ! ("Ursus de Janpolent", chez Vian, est bien moins marquant).