dimanche 27 juin 2010

Céline, Marcel Aymé "Empième"



   Le Professeur Henri Godard a édité Céline en Pléiade (ce n'est pas une mince entreprise), quatre volumes de romans, plus un de Lettres, avec un abondant appareil critique. Il a publié en outre une infinité de commentaires sur cet auteur, dont une très riche Poétique de Céline (pour amateurs très avertis et universitaires). Il connaît Céline mieux que personne.   
N'empêche que, de temps en temps, on trouve, non pas une erreur, mais un petit manque, un petit creux. Le lecteur amateur peut apporter son gravier à l'édifice, et il ne serait pas mauvais que mille lecteurs amateurs mettent en commun mille petites remarques, tirant à conséquence ou non. Exemple : 

Dans Féerie  pour une autre fois I (Pléiade pp. 19-20), à l'occasion d'une comparaison entre leurs chats respectifs, au bénéfice final, naturellement, de Bébert, Céline fait un long éloge de Marcel Aymé, son voisin de Montmartre ; éloge de l'écrivain, de l'homme, et même, avec quelques bémols, de son chat. Rare est chez Céline une telle absence d'ambiguïté dans l'amitié ou l'admiration. Ses propos romanesques ou épistoliers sur Gen-Paul ou sur Le Vigan en sont très loin... 
Une étrangeté cependant : pour s'épargner et épargner à son éditeur des procès sans fin, Céline use de pseudonymes, souvent transparents pour qui connaît un peu ses fréquentations. Il rebaptise par exemple Marcel Aymé "Marc Empième". Or Céline, médecin, ne pouvait ignorer que le mot "empyème" (parfois orthographié "empième") désigne... un amas de pus qui se loge dans une cavité préexistante de l'organisme, l'appendice p. ex (différent en cela de l'abcès qui crée son propre logis). L'association n'est guère élogieuse. Elle est certes très célinienne : on savait depuis le Voyage que l'homme n'est jamais que "de la pourriture en suspens" (il s'agit d'ailleurs à ce moment du Voyage d'un grand écrivain qui se met à battre la campagne) ; mais pour l'ami admiré, c'est étrange. 
S'est-on interrogé sur ce pseudonyme ? La note de H. Godard indique l'évolution des rapports entre Céline et Aymé, renvoie à une première version de Féerie où Céline était bien plus mitigé, mais n'évoque pas le sens du pseudonyme. Faut-il y voir un reste de rancœur ? C'est peu plausible vu le niveau de l'éloge. L'interrogation demeure.


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La tombe de Céline
photographiée par Ferdinand Bardamu (probablement un pseudonyme)
sous licence CC 
http://it.wikipedia.org/wiki/File:TombaCéline.JPG



À l'instigation de Lucette Destouches la dalle a été ornée d'un bateau à voiles. 

On remarque que la veuve de l'écrivain avait fait graver pour sa propre date de décès "19 - -" alors qu'elle est encore en vie en 2019. 
On peut noter aussi à ce propos qu'Evelyne Pollet, qui a compté dans la vie de LFC, est morte centenaire en 2006.