mercredi 22 septembre 2021

Fins de la littérature (Proust, Plath)


On (Proust entre autres) a parlé de la sensation d'amenuisement du volume qu'on est en train de lire. On sent, avec regret ou soulagement, qu'on s'achemine vers la fin. Cette expérience n'a pas lieu avec les volumes qui regroupent plusieurs œuvres (Pléiade, Bouquins...). Elle est presque absente de la lecture sur liseuse (indications discrètes de la quantité restante). 

Mais je ne sache pas qu'on ait considéré la surprise que peut constituer la fin de l'œuvre correspondant à une fin de page. On croit à un retour de paragraphe, on tourne la page, mais c'est fini. C'est tributaire de la mise en page, mais l'effet est quelquefois très puissant, quelquefois très heureux. 

Dans la première Pléiade de Proust, le lecteur qui découvre Du côté de chez Swann fait une expérience vertigineuse : "... et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas, comme les années." Après l'immense et magnifique vague des pages qui synthétisent le premier niveau de l'expérience proustienne, d'un coup, plus rien.

Même chose, en plus violent encore avec La Cloche de verre de Plath, en Quarto. La narratrice va être "auditionnée" et savoir si elle va ou non être libérée de l'asile psychiatrique : "Tous les visages, tous les yeux se sont alors tournés vers moi et guidée par eux, comme si j'étais tirée par un fil magique, j'entrai dans la pièce." On tourne, plus rien ; on ne saura pas.

Magnifique renforcement par la mise en page (effet involontaire, je présume) de cet effet littéraire de couperet, qui va tout à fait dans le sens du livre, et aussi de la vie de Plath.