mercredi 19 janvier 2022

Ce que j'ai vu de Gustav Leonhardt

 

On célèbre en ce moment l'anniversaire de sa disparition. Dans Cadence, Drillon, disparu lui aussi, qui l'avait bien connu, décrivait la cérémonie funèbre (un peu curieuse) à Amsterdam. 

À moi d'apporter une goutte de souvenir. 

J'étais étudiant (circa 1977). De Leonhardt, je connaissais quelques enregistrements - et le visage, austère, presque émacié. Les temps sans internet et l'impécuniosité estudiantine me limitaient à cela. Occasion inespérée, l'organisateur des concerts de la fac avait pu le faire venir pour un récital dans le grand amphi (probablement trop grand pour l'instrument). Mes quelques condisciples s'étonnèrent de ce que j'avais mis une cravate. À l'époque et dans ce milieu, c'était en effet très incongru. Je leur expliquai, et ils en furent perplexes, que j'avais présumé que Leonhardt ne serait pas en jogging. 

En effet, il était en tenue. Mais ce fut, bien au-delà du vêtement, une leçon de tenue. L'attitude, le comportement, l'annulation de toute anecdote. Gestes réduits au strict minimum. Aucun cinéma. La façon de marcher, de s'asseoir, de ne pas mimiquer la musique, de saluer (à peine). La leçon importante n'a pas été de musique. Cette musique (Froberger, je crois, entre autres), je pouvais la goûter, mais guère la juger, ni même en jauger la qualité d'interprétation. La leçon fut d'exigence, de dépassement de soi par l'effacement. Pas un modèle à suivre, trop élevé, mais une orientation désormais présente à l'esprit, dans le grand laisser-aller de tout et de (presque) tous. La musique permettait de recevoir une leçon de silence. 


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Paradoxe, un portrait pour illustrer l'effacement du visage :