lundi 4 juillet 2022

Slavnikova nabokovise...


On a noté que le style de Slavnilkova dans le premier chapitre de 2017, est riche en tournures et en motifs à la Nabokov (surtout, ajouterais-je, le Nabokov qui s'inspire d'Olecha) : 

cf. Anne-Marie Jackson, CR de la traduction anglaise  

https://www-euppublishing-com.translate.goog/doi/full/10.3366/tal.2012.0078?_x_tr_sl=en&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=op,sc

Le style de Slavnikova est parfois très évocateur de celui de Nabokov dans ses comparaisons et ses structures décalées. [traduction Google]


Pour ma part, j'irais plus loin ; j'y verrais presque un pastiche. Quelques échantillons du début (j'ai cessé ensuite le repérage car les exemples sont incessants) :

"Personne ne voyait rien, hormis le panneau à moitié effacé par le soleil où les annonces périmées s’effondraient avec fracas pour invoquer – dans une accumulation d’erreurs, avec pause sur la dernière – les noms et les numéros des trains nouvellement arrivés."

"Anfilogov lui adressa un geste d’invite impérieuse, ce qui fit émerger d’une manche kaki sa montre étincelante."

"le convoi n’était pas encore entré en gare, l’espace des rails et des câbles était vacant, comme la perspective d’une leçon de dessin."

"l’inconnue resta dehors ; une fente de lumière oblique entre les ombres des wagons, tel un fusil à la baïonnette aveuglante, visait la peau pâle de ses jambes jointes."

"Parfois, le train tremblait, un soubresaut pareil à un hoquet de surprise le parcourait tout entier"

Enfin : 

"À peine eut-il sauté par-dessus le marchepied de fer que le convoi poussiéreux frémit de soulagement et, répandant sur les traverses un reste de liquide d’entretien, longea lentement l’alignement des proches, dont il semblait compter les têtes. Lui emboîtant le pas, accélérant à sa suite, Krylov rejoignit l’inconnue, qui agita la main vers la fuite éperdue des vitres jusqu’au moment où jaillit la queue du dernier wagon, pareille au dos d’une carte à jouer."

[Ne croirait-on pas qu'il s'agit d'un paragraphe de Nabokov ?]


En outre, des thèmes très nabokoviens sont présents aussi dans le roman : les trains (c'est une spécialité russe), mais aussi les pierres précieuses, et l'inversion du sens du temps.


La lecture (de ce premier chapitre surtout) n'est pas commode. Elle se mérite. La phrase est souvent difficile à suivre, mais je doute qu'il faille attribuer cela à la traductrice ; l'original doit être assez enchevêtré.


Au passage, je note une formule bizarre et séduisante en français : "un tunnel perclus de courants d’air". Le sens de "perclus" est assez extensible au gré de celui qui l'emploi, mais cet emploi-ci est amusant (et bien dans l'ambiance du chapitre) puisque "perclus" signifie "paralysé, immobilisé, enfermé", à l'opposé donc des courants d'air.