Le mot "Poésie" signifie étymologiquement toute forme de production (poïésis), et en est venu pourtant à signifier seulement l'art des mots. C'est que le poète, avec de simples mots artistement disposés, peut nous faire sentir, voir, toutes sortes de sentiments et de choses, nous fournir tous les contenus, produire tout en images. Raison pour laquelle Platon récusait les arts mimétiques, la poésie qui est une peinture, la peinture qui est une poésie ; dans les deux cas, simulacres qui nous donnent l'illusion d'une présence effective de toutes choses, comme le peut faire un miroir (cf. République X, où Platon semble plagier Stendhal...).
D'autre part, pourquoi les Muses, qui représentent les arts en général, ont-elles été kidnappées par la seule "Musique" ? Pour la même raison, à l'envers. La Musique ne dit rien (Valéry, à propos de Mozart : "Ne rien dire, mais le dire si bien..."). Mais (précisément parce qu'elle ne dit rien, parce qu'elle n'a pas de contenu), elle varie indéfiniment toutes les formes possibles, se meut à l'infini dans les structures, les rapports, appuyée sur un mince support de timbres instrumentaux. Au plus elle suggère, esquisse, murmure, évoque, rappelle on ne sait quoi, se maintient dans l'indéterminé, au bord de la détermination, sans y tomber.
Poésie, art de tous les contenus ; Musique, art de toutes les formes.
"Reprendre à la musique son bien", slogan symboliste : cela visait à délivrer les mots de leur contenu lourdement déterminé, et leur permettre alors de s'élever , purifiés, jusqu'à la transparence musicale, qui donnait à Mallarmé, au sortir du concert, une "sublime jalousie".
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