Stravinski affectionnait (ou affectait) parfois un certain rabaissement prosaïque de l'activité artistique (les excès du romantisme réclamaient compensation).
On lui demandait pourquoi il changeait souvent de style. Il répondit, paraît-il, en substance, qu'en été, au lit, quand l'oreiller est trop chaud, on déplace sa tête pour trouver de la fraîcheur...
La comparaison a le double mérite d'être brève et parlante. On se lasse d'un style. Une façon de composer peut donner la sensation d'un chewing-gum délavé.... Mais cette image du chewing-gum est moins opportune que celle de l'oreiller. Car (au risque de surinterpréter) on pourrait dire que, sur l'oreiller, la place trop chaude abandonnée, au bout d'un moment, se retrouve fraîche, et peut donc de nouveau servir ; ce qui expliquerait que, parmi les innovations incessantes de Stravinski, on trouve aussi le néoclassicisme.
1 commentaire:
Stravinski est assez extraordinaire, lui qui a composé le Sacre si visiblement (auditivement !) puissant et inspiré, il est capable de discipliner cette énergie dans des formes contraignantes. Oedipus Rex, Jeu de cartes, Perséphone, Orphée, Rake's progress... qu'on a baptisées "néo-classiques" pour les ranger dans les tiroirs de l'enseignement. Puis Agon, Canticum Sacrum etc. où Stravinski utilise le procédé des séries schönbergiennes.
(Evidemment des gens moins doués se sont formalisés de cette mobilité, le monolithisme dogmatique en ressent quelque aigreur.)
Si l'on écoute (intensément) certaines de ces pages de stravinskienne maturité on entend que leur invention, si elle est plus discrète d'apparence, n'est pas moins riche et intense que celle des premières oeuvres.
J'ai trouvé cet extrait d'Apollon Musagète réduit et détaillé au piano, une approche didactique. Par rapport à la version originale (ballet pour orchestre à cordes) l'invention est ici dépouillée et par conséquence flagrante. Voyez aussi le commentaire sous la vidéo.
http://www.youtube.com/watch?v=eoFIQyjzzUE
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