Quelques compléments pour
Reverdy : « Plus les termes mis en contact sont éloignés, plus l’image sera belle »
Breton : « Pierre Reverdy, écrivait : L’image est une création pure de l’esprit. Elle ne peut naître d’une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l’image sera forte — plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique… »
***
Colline de Giono, livre merveilleux, aux deux sens d’exquis et de magique ; livre animiste, panique ; déluge de métaphores animistes, mais fondées sur un imaginaire panique pré-chrétien, et non sur un animisme romantique.
Chez Nabokov, le lien avec l’archaïque est très mince. De même le lien avec le romantisme (les animisations de Nabokov ne sont pas toujours projectives). Son animisme est presque exclusivement littéraire, verbal, ressortissant d’un imaginaire personnel et ludique plus que d’une tradition.
Giono Regain I, III :
« La route monte accompagnée par les deux files de platanes. Les maisons ne vont pas plus loin que le détour. Là, elles disent « au revoir » et elles restent assises au bord des prés; elles regardent la route qui part, vers le large des terres. Les platanes vont encore un peu jusqu'au milieu de la côte, mais, là, ils s'arrêtent aussi. Alors, la petite route s'en va toute seule. D'un beau coup de rein, elle saute le mamelon et, adieu, elle est partie. »
Giono Regain 156 :
« Il y a eu d'abord un grand peuplier qui s'est mis à leur parler. Puis, ça a été le ruisseau des Sauneries qui les a accompagnés bien poliment en se frottant contre leur route, en sifflotant comme une couleuvre apprivoisée ; puis, il y a eu le vent du soir qui les a rejoints et qui a fait un bout de chemin avec eux, puis les a laissés pour de la lavande, puis il est revenu, puis il est reparti avec trois grosses abeilles. Comme ça. Et ça les a amusés. »
Giono Regain 160 :
« Il lui est venu du sourire sous la moustache »
***
Nabokov : Lolita :
« the clean-cut, glossy-haired, shifty-eyed, white-faced young beasts »
L’effet d’attente est impossible à rendre en français :
« les jeunes vauriens bien léchés, aux cheveux luisants, aux yeux fuyants, au visage blême »
L’anglais donne, comme en vrac, des traits précis qui ne se synthétiseront qu’à la fin. L’antéposition anglaise joue un rôle analogue à celui du verbe final de l’allemand. Le dernier mot, qui donne la clé d’intelligibilité, voue ces langues à la récapitulation. Récapitulation sensible en anglais (on sait tardivement de quelle chose il s’agit), récapitulation intellectuelle en allemand (on sait tardivement de quelle idée il s’agit).
***
Une demi-page où on a l’impression que Drieu a voulu faire un pastiche (très réussi à mon goût) du mode de description phénoméniste-pictural :
Drieu La Rochelle, Rêveuse Bourgeoisie, chap IV (L’Imaginaire p. 29-30) :
« Une partie de pêche fut organisée à laquelle prirent part les Ligneul, les Rabier et Camille. Les demoiselles se présentèrent en costumes de bain, armées de pêchettes et de paniers. Les mères étaient là. On partit le long de la côte dans la direction du Mont-Saint-Michel.
Bientôt, sur les dunes, il n'y eut plus de maisons. On fut au milieu d'une complète solitude. La mer était retirée au bord de l'horizon. A peine apercevait-on en deux ou trois points des pêcheuses qui, la hotte au dos, courbées en deux, pourchassaient les équilles par la grève. Puis les dunes s'aplatirent de sorte que de toutes parts on ne voyait rien que de bas, de nu. Personne ne s'avisait de se plaindre. N'était-on pas venu de Paris pour admirer ? Le soleil de la fin d'août avivait du reste les gris et les beiges dont se composait cette platitude avec une sobre diversité. L'air salé était délicieux. Le Mont-Saint-Michel se dressa au loin. Cela fit une présence. »