mardi 2 juin 2020

Juana Inés de la Cruz : Sonnet de l'espérance [traduction M.P.]



Verte magie de la vie des humains,
folle Espérance, frénésie dorée,
pour ceux qui veillent, rêve enchevêtré,
comme sont les rêves, de trésors vains ;

âme du monde, vigoureux déclin,
décrépitude en verdeur figurée ;
des chanceux l'aujourd'hui tant espéré
des malchanceux toujours le lendemain :

cherchant ta lumière ils trouvent ta nuit,
ceux-là qui portant des lunettes vertes,
selon leur désir toutes choses voient :

mais quant à mon sort, plus sage je suis,
mes mains ont des yeux, paupières ouvertes,
et ce que je touche seul je le vois.



Verde embeleso de la vida humana,
loca Esperanza, frenesí dorado,
sueño de los despiertos intrincado,
como de sueños, de tesoros vana ;

alma del mundo, senectud lozana,
decrépito verdor imaginado ;
el hoy de los dichosos esperado,
y de los desdichados el mañana :

sigan tu sombra en busca de tu día
los que, con verdes vidrios por anteojos,
todo lo ven pintado a su deseo ;

que yo, más cuerda en la fortuna mía,
tengo en entrambas manos ambos ojos
y solamente lo que toco veo.