Nouvelle traduction de Pnine, en Pléiade, par Maurice Couturier, pour remplacer l'ancienne traduction Chrestien, qui avait bien des défauts.
Je ne prétends pas (pas encore) juger de l'ensemble ; mais quelques points me laissent vraiment perplexe. Par exemple : II, I (Pléiade p. 21)
Nabokov : "the academic year would enter its most winterly phase, the Spring Term"
Chrestien : "l’année universitaire aborderait sa période la plus hyperboréenne, celle de la Session de Printemps"
Couturier : "L'année universitaire allait entrer dans son trimestre le plus glacial, le trimestre de printemps"
'enter'
'aborder' ou 'entrer dans', cela ne fait guère de différence ; toutefois, 'aborder' a un sens plus actif, plus volontaire, alors que 'entrer', plus près de l'original, a un aspect plus neutre, automatique : c'est entrer sans le vouloir, et même en ne le voulant pas. Donc une légère préférence pour 'entrer', mais c'est peu de chose.
'phase ... Term' : Nabokov emploie deux mots pour désigner des réalités voisines.
Chrestien dit "période' et 'Session' ; soit ; mais un petit bémol : la 'session' désignerait plutôt les examens qui marquent la fin du semestre ; c'est sans conséquence.
Couturier opte pour trimestre / trimestre : il rend symétrique ce qui ne l'est pas dans l'original, mais c'est sans dommage (sans dommage pour l'instant)
'winterly' :
Chrestien dit "hyperboréenne" ; c'est très joli, tout à fait dans la manière et les obsessions de Nabokov. Mais ici c'est faire du Nabokov là où il n'y en a pas. Cette inflation du mot (long et savant) et du froid (très grand nord) est une fausse piste pour le lecteur non-angliciste, et cela, ce n'est pas bien.
Couturier dit "glacial" ; là, je m'interroge (pour ne pas dire que je suis choqué !) ; pourquoi ne pas rendre l'opposition, le paradoxe voulus par l'auteur, disant que le trimestre de 'printemps' est le moment le plus 'hivernal' de l'année ? L'intention est manifeste, et simple à rendre en français. Le parallélisme ajouté ailleurs (trimestre / trimestre) ne compense pas du tout. 'Glacial' aurait rendu 'icy'.
On peut supposer (imaginer) que, par ce procédé, Nabokov raille discrètement la déconnexion entre le climat réel et les dénominations officielles, la façon dont le mot trahit la chose quand il est administratif et non vécu, poétique, éprouvé.