Nouvelle écoute comparative.
Après Falla et Jolivet : Mozart, petite Gigue en Sol (Leipziger Gigue, 1789) K. 574.
Je re-recopie l'avertissement :
J'ai procédé, avec mes moyens (limités) à une écoute comparative, un banc d'essai, une tribune à un seul critique. J'ai pris ce que j'ai trouvé sur Qobuz et sur Youtube (je crois avoir épuisé les diverses versions. Je ne suis pas musicien ni critique professionnel. Seulement auditeur (éclairé par une calbombe). Je rappelle plus que jamais que tous les jugements ci-dessous sont implicitement précédés de "il me semble que...", "j'ai l'impression que..." etc.
On peut sans trop de problèmes écouter et apprécier un grand nombre de versions, chacune prenant environ une minute et demie. J'ai fait une large vendange, sur Qobuz et sur Youtube. Mais ce n'est probablement pas intégral : avec Qobuz, la recherche réserve toujours des surprises...
Pour la présentation de l'œuvre, on peut voir :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gigue_en_sol_majeur_pour_piano,_K._574
J'aime bien les œuvres dont la partition tient sur une page - quand même pas sur un post-it (cf. Webern) : la Sarabande en Cm pour violoncelle de Bach, ou cette 'piécette' de Mozart, dont les Massin ne disent rien, mais à laquelle Hocquart rend au moins un peu justice, et même hommage :
Hocquart, Mozart, 2° version, Seuil 1970 p. 140-141 :
"Ne passons pas sous silence une petite merveille qui éclôt le 16 mai lors de son retour. Dans le livre de famille d'un organiste de Leipzig, il griffonne, en quelques instants, la Gigue en sol, K. 574, qui montre à quel point il avait fait sien le style de Bach en créant une pièce purement mozartienne."
Quelques remarques utiles dans la notice suivante, issue d'un disque, montrée au début de la vidéo de Demus et traduite presque impeccablement par le logiciel Google :
Mozart made a thorough study of The Well-tempered Clavier and The Art of the Fugue, even to the point of arranging some of the fugues for string quartet and string trio. He also wrote a number of fugues himself, as an additional way of becoming familiar with what was for him a new style and technique. Eine Kleine Gigue in G major (K. 574), though composed several years after his first encounter with Bach and Handel, enables us to see in what manner he was able to apply the contrapuntal style of a bygone era to his own purposes. The theme of the gigue is reminiscent of several similar works of Bach, though of course the overall treatment is quite different. At the beginning of the second section, the manner in which Mozart quotes fragments of the theme upside down in the right hand, in answer to the right-side-up version played in the left hand, is especially interesting.
"Mozart a fait une étude approfondie du Clavier bien tempéré et de L'Art de la fugue, au point même d'arranger certaines des fugues pour quatuor à cordes et trio à cordes. Il a également écrit lui-même un certain nombre de fugues, comme un moyen supplémentaire de se familiariser avec ce qui était pour lui un nouveau style et une nouvelle technique. Eine Kleine Gigue en sol majeur (K. 574), bien que composée plusieurs années après sa première rencontre avec Bach et Haendel, permet de voir de quelle manière il a su appliquer le style contrapuntique d'une époque révolue à ses propres fins. Le thème de la gigue rappelle plusieurs œuvres similaires de Bach, bien que le traitement global soit bien sûr assez différent. Au début de la deuxième section, la manière dont Mozart cite des fragments du thème à l'envers à la main droite, en réponse à la version à l'envers jouée à la main gauche, est particulièrement intéressante."
On peut aussi lire :
Kinderman (William) : Mozarts Piano Music
"An admiration for J. S. Bach remained with Mozart until his final years and is reflected in one of his last independent piano pieces, the masterly contrapuntal Gigue, K. 574, in three voices, composed at Leipzig on 16 May 1789. The piece was written into the family album of the court organist Carl Immanuel Engel, evidently as a tribute to the Leipzig master, but it remains stylistically quite independent of Bach and, indeed, unlike anything else Mozart ever wrote. Particularly distinctive are the twisting angularity of the melodic lines, whose registral disparities enrich the polyphony, the bold dissonances, and the unusual pedal effects heard against shifting harmonies."
traduction Google :
"Une admiration pour JS Bach est restée avec Mozart jusqu'à ses dernières années et se reflète dans l'une de ses dernières pièces indépendantes pour piano, le magistral contrapuntique Gigue, K. 574, à trois voix, composé à Leipzig le 16 mai 1789. La pièce a été écrite dans l'album de famille de l'organiste de la cour Carl Immanuel Engel, évidemment en hommage au maître de Leipzig, mais il reste stylistiquement assez indépendant de Bach et, en fait, différent de tout ce que Mozart a jamais écrit. L'angularité sinueuse des lignes mélodiques est particulièrement distinctive, dont les disparités de registre enrichissent la polyphonie, les dissonances audacieuses et les effets de pédale inhabituels entendus contre des harmonies changeantes."
***
Il y a des versions à l'orgue, vraisemblablement l'instrument que Mozart avait à l'esprit en l'écrivant (à Leipzig, dans une ambiance dominée par Bach, chez un organiste). Ce qui n'exclut pas le pianoforte, ni le piano moderne. Les performances acoustiques du pianoforte et les possibilités immenses de registration à l'orgue rendent la comparaison délicate entre les trois groupes.
Il y a bien sûr ensuite la... le... l'adaptation commise par Tchaïkovski pour un orchestre à cordes, dans Mozartiana, dont je préfère ne rien dire.
Puis il y a, plus lointainement, les gigues de Schönberg ; celle pour piano évoquant assez nettement notre joyau en Sol ; et celle pour orchestre, op. 35 (liens en fin de billet).
Je n'ai trouvé (ce qui ne garantit rien), que très peu de transcriptions, presque aucune de celles, plus ou moins bizarres ou exotiques, que l'on trouve souvent pour Bach ; les amateurs d'accordéon, d'ocarina ou de marimba ont pourtant bien dû y penser (les Cambridge Buskers ?).
On trouve facilement la partition ; téléchargement en .pdf p. ex. sur
https://www.lespartitions.info/gratuites/mozart-gigue-en-sol-majeur-kv-574-idpart-217.html
La partition autographe est perdue, dit Wikipedia. Mais il faut signaler qu'un fac-simile (modérément lisible) est resté, téléchargeable sur ISMLP :
Holograph manuscript, 1789 ; 1918 facsimile reproduction of the autograph, formerly in the Kulturhistorisches Museum Magdeburg, which was destroyed during World War II. Low quality scan.
https://imslp.org/wiki/Gigue_in_G_major,_K.574_(Mozart,_Wolfgang_Amadeus)
La pièce est très brève, c'est une danse, jetée sur le papier à toute vitesse ; cela fait plusieurs raisons d'éprouver combien le tempo est essentiel. Ici comme dans le Concerto pour clavecin de Falla (ou dans le théâtre de Feydeau), un rien, un brin, un poil plus lent, et le soufflé tombe.
On procèdera par instrument : orgue, puis pianoforte, puis piano moderne, puis transcriptions. Dans chaque rubrique, un ordre... aléatoire.
à l'orgue :
Warnier
pas sur le web ;
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/3279791112033]
agréable, bien net, de l'allant, très bonne lisibilité, sans problèmes de résonance, registration opportune.
Lecaudey
pas sur le web ;
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/5410939750726
agréable, fluide, 'naturel', registrations légères ; bonne version (malgré la regrettable pochette du CD...). Style et qualité proches de Warnier.
Vernet
sur le web :
https://www.youtube.com/watch?v=wB0IKJxAhaE
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/5410939750726
rapide, et pourtant sérieux (trop), présent, et même imposant ; un effet, probablement, de la registration.
László Fassang
https://www.youtube.com/watch?v=4NlBfQGgkq8
très joli son ; peu rythmé, serein ; ce n'est pas ce que j'attends de cette gigue, mais c'est réussi dans son genre.
Liuwe Tamminga
pas sur le web
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/4015023241725
C'est trop présent, cela s'impose trop ; pas assez transparent, pas du tout arachnéen ; cela reste écoutable, mais sans plus.
Leo van Doeselaar
pas sur le web
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/0888608962964
Le son est séraphique; irréel, ce qui peut se défendre ; mais c'est extrêmement lent ! (2'10 contre 1'45 pour la plupart des autres). Il arrive à faire trouver l'œuvre longue et ennuyeuse ! Quant à la danse, elle est bien loin.
Jean Guillou
pas sur le web
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/0002894761205
terriblement lent, poussif (2'09 !)
Sonorités oniriques ; combiné avec la lenteur, cela m'évoque les Montres molles de Dali, ou le Jour de lenteur, de Tanguy. L'apparition tardive d'un registre nasillard particulièrement incongru complète ce "tableau" où règne une confusion auditive pénible. Guillou était compositeur ; il aurait fallu intituler : "adaptation par Guillou d'une page de Mozart"...
Martin Haselböck
pas sur le web
https://www.youtube.com/watch?v=ht91P6_OgWE
registration très délicate, bon tempo ; glisse sans poids. Un plaisir.
Hadrien Jourdan (2006)
pas sur le web
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/0794881807925
C'est lent (1'53) ; ce n'est pas vraiment compensé par des accents et des phrasés inaccoutumés. Peut-être est-ce la registration qui est contre-productive ? On a moins une gigue qu'un déhanchement, une sorte de swing mou. Bizarre...
Hans-Andre Stamm (2014)
https://www.youtube.com/watch?v=-lFDDvqW7z4
Rapide ; la danse est presque perdue faute d'accents. Il n'y pas d'air, tout l'espace sonore est rempli à ras bord, alors que l'un des intérêts majeurs de l'œuvre, c'est le vide sur lequel se détachent les notes, comme un peintre qui laisse des 'réserves' sur sa toile pour la faire respirer. Ici, on ne respire pas ; et il est inutile que ce soit bien joué.
au pianoforte
Paul Badura-Skoda (1986)
sur le web
https://www.youtube.com/watch?v=I5fNXpTYUGE
sur Qobuz
https://play.qobuz.com/album/3614973142055
Il faut aimer le pianoforte, et juger selon des critères pianofortistes. J'ai longtemps adoré. Je suis maintenant bien plus réservé. Les aigus en particulier me semblent moins minces que maigres et peu agréables (pas du fait de PBS, mais du fait de l'instrument qu'il a choisi). Les graves et le medium-grave ont de belles et intéressantes rondeurs, profondeurs. [PBS semble ne pas mentionner la Gigue dans sa somme L'Art de jouer Mozart au piano].
Kristian Bezuidenhout (2016)
https://www.youtube.com/watch?v=FeSFNTiiFVo
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/0093046753221
Bon tempo, de l'impulsion, ça avance bien. Au pianoforte, c'est forcément un peu sec, mais il y a des interventions (modérées) de l'interprète à travers des ornements. Une version décidée, franche du collier. Le pianoforte n'est pas trop grêle, la résonance de la salle est bonne, ainsi que la prise de son. Version remarquable.
Joël Gauvrit (2009)
https://www.youtube.com/watch?v=BGsCEM_4cOM
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/3610152719759
Assez animé, bon tempo, ; un peu sec (mais c'est du pianoforte). Du mordant (au sens psychologique) ; s'écoute très agréablement.
Andreas Staier (2012)
https://www.youtube.com/watch?v=MItvcYDsXVU
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/3149020838907
Rapidissime (1'16'') ; parfaitement joué, avec des nuances ; mais l'ensemble est emporté par une hâte mécanique qui empêche de les goûter. C'est dommage. Il faut plusieurs écoutes de cette interprétation pour en repérer et en savourer les beautés.
Ludwig Semerjian (2000)
https://www.youtube.com/watch?v=BUO1W5Tf4yg
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/0722056224925
Vif, très bien fait. Aucune critique. Mais rien de spécial non plus quant à l'expérience musicale. Pourrait servir de 'diapason' pour les versions pianoforte.
Michael Tsalka
https://www.youtube.com/watch?v=JRkW6kky-9Y
C'est très curieux... (il faut voir la vidéo). Un pianoforte d'époque, avec des changements de "registres". On passe du très sec au très doux. Il y a quelques moments de grande beauté éthérée, d'autres de mécanique plate. Il n'est presque pas question d'interprétation, seulement d'organologie.
Kaoru Iwamura (2020)
https://www.youtube.com/watch?v=q82roWRsa2k
(enregistré à domicile)
Pas mal du tout. Très bien fait (quelques accrocs sans importance), fin, délicatement touché. Convaincant car la simplicité vient d'une absence de prétention ; c'est donc cohérent et agréable.
au piano moderne
Gesa Luker (2009)
pas sur le web
https://play.qobuz.com/album/4260036251531
C'est rapide, net, peu expressif, donc un peu impersonnel ; mais c'est très clair, il n'y a rien à critiquer, sinon que cela ne fait pas faire une expérience singulière. Le fortissimo final me semble inopportun, en raison de la légéreté de la pièce.
Andras Schiff (1988)
sur le web :
https://www.youtube.com/watch?v=HYb4xtLOEcQ
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/0002894832354
Bonne version ; de la délicatesse, de la nuance ; la fin est fortissimo, hélas. Mais le tempo est un poil trop lent, le ton un poil officiel et le piano un poil trop massif. Ce que l'on voit en comparant avec :
Andras Schiff Live 2004
https://www.youtube.com/watch?v=GYy57ZOOXIM
Je préfère de très loin cette version, plus souple, plus vivante, plus ronde, et surtout, au tempo excellent. En décomptant les blancs et les applaudissements des 2 versions, on obtient 1'22" en public contre 1'33" pour la version studio ; c'est une différence très significative. Il est possible que ce soit un 'encore', au moment où le musicien est plus 'chaud' et plus personnel. D'où beaucoup de vivacité, d'allant, ce qui est essentiel.
Jörg Demus [3 versions]
1. sur Qobuz (Saphir) :
https://play.qobuz.com/album/0884385826406
Belle version, très fine. Un peu trop de résonance. Un minuscule bémol d'interprétation : la prolongation de l'accord final me semble peu opportune dans ce contexte de joyeuse expéditivité.
2. sur le web
https://www.youtube.com/watch?v=aNhYYhsqBnA
Une autre version dit "Digitized from the LP shown above, released on the MHS label in the early 1970s", indiquée 1962. Ça craque un peu. Le son est plus mince, plus piquant (non sans charme), l'ensemble est nettement plus rapide (1'26" contre 1'34) ; c'est plus aéré et aérien. Ça danse. L'accord final est plus bref. Bref, je préfère.
3. en public, 2006
https://www.youtube.com/watch?v=s-SVGmLtbrA
Ce n'est pas convaincant du tout ; l'acoustique est déplorable, et le jeu... (78 ans)
Mitsouko Ushida (1985)
sur le web
https://www.youtube.com/watch?v=mPoibloHm_s
sur Qobuz
https://play.qobuz.com/album/0002894830625
Très délicat, finement nuancé, à la fois précis et humain ; termine en douceur. Le piano moderne exploité avec beaucoup de grâce et de pertinence. L'accord final délicatissime. "Rien que du bonheur", comme on dit !
Fou T'Song (date ?)
sur le web :
https://www.youtube.com/watch?v=5E-b_Pyl7NA
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/0191018140755
C'est
magnifique ; délicat, impeccable, discret et rapide (à la limite
supérieure de la bonne rapidité). Cela coule admirablement, avec un
toucher parfait. Rigueur et fluidité. La perfection reste humaine. Une
des meilleures versions.
Vikingur Olafsson
sur le web
https://www.youtube.com/watch?v=nhyxjSULzMc
sur Qobuz
https://play.qobuz.com/album/l0ymh7idlouza
Beau toucher, net et chantant ; fait apparaître des lignes souvent estompées dans les autres versions ; la fin n'est pas martelée. Très bon équilibre de technique, de nuance et de danse. L'effet acoustique (de la salle ? de la prise de son ? du piano ?) est un peu trop ample pour ce morceau intime. Accord final très réussi : discret, bef, un peu amusé / amusant. Excellente version.
Walter Gieseking :
sur le web
https://www.youtube.com/watch?v=PQcawynUOPQ
sur Qobuz
https://play.qobuz.com/album/0887396347854
Le son, ancien, gêne beaucoup mon appréciation. Le jeu me semble nuancé, délicat. Le piano un peu volumineux et un peu lent. Mais je n'arrive pas à juger (sauf le FF de la fin, regrettable)
Albert Ferber (entre 1945 et 1951)
sur le web :
https://www.youtube.com/watch?v=TLHZttlKA5Y
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/gl41vteq27tqc
Comme pour Gieseking, le son fait obstacle. Moins délicat que Gieseking, mais plus allant. Mais les accents sont peu marqués. En compensation, ça galope bien.
Eileen Joyce (1941)
sur le web
https://www.youtube.com/watch?v=6sASvtTNEDc
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/search/all
Son d'époque ; alternance entre des passages nuancés et des passages (plus nombreux) trop athlétiques. La fin piano fait pardonner bien des choses...
Leon McCawley (2006)
sur le web
https://www.youtube.com/watch?v=pnRhLVkFO94
sur Qobuz
https://play.qobuz.com/album/0822252210521
Un peu appuyé ; on ne file pas au-dessus du sol. Le son a du poids, et il ne devrait pas en avoir. Il faut un elfe, un feu follet...
Christian Chamorel (2018)
sur le web :
https://www.youtube.com/watch?v=P04uYWodNM8
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/f044mkfd94naa
Vitesse folle : à peine plus d'une minute (il y a un long silence après la fin, le timing indiqué n'est donc pas représentatif). C'est parfait, parfaitement virtuose. On n'a le temps de rien entendre. La danse n'est plus que très lointainement perceptible. C'est prodigieux et consternant. D'autant que, dans le disque, cette course de F1 suit un Adagio en Si mineur très beau, mesuré, pondéré, très délicat. (le toucher de la Gigue est délicat aussi, mais...).
Karl Engel (1982)
sur le web :
https://www.youtube.com/watch?v=xg7DjiK4_o8
sur Qobuz
https://play.qobuz.com/album/0825646233663
Le pianiste est homonyme du dédicataire. Lent, analytique, froid ; pas engagé du tout ; renâcle au dynamisme, à la danse ; les appuis sont favorisés sans contrepartie. C'est joué de façon très égale, indifférente (si j'étais méchant, je dirais : 'inhabité', ou 'scolaire'). C'est du travail sérieux ; mais ici, le sérieux seul est une pauvre chose. Baudelaire disait : "'il y a une grande différence entre un morceau fait et un morceau fini - [...] en général ce qui est fait n'est pas fini, et [...] une chose très finie peut n'être pas faite du tout."
Leo Sirota (avant 1965)
sur le web :
https://www.youtube.com/watch?v=1avzhNEBAg4
enregisrement à l’ancienne ; dommage que la fin soit FF car l’ensemble est léger, dansant, d’un toucher agréable, d'un bon tempo. Le tout début semble un peu confus dans ses appuis, puis ça va fort bien.
Ingrid Haebler
https://www.youtube.com/watch?v=MU6xRoSOQ6U
(avec le manuscrit)
Le son d'époque est médiocre ; le tempo convient ; belle interprétation, nuancée (suivi de la version Tchaïkovski, avec la partition)
Lili Kraus
https://www.youtube.com/watch?v=rcl_ZAeHfKU
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/0017685100123
C'est très rapide (1'22"), très dynamique, à la limite de la précipitation (les dernières mesures p. ex.). La délicatesse des aigus est un peu trop opposée au poids de certains graves. Souvent lourd. Assez décevant, venant d'un si grand nom.
Carl Seeman (1956)
sur le web :
https://www.youtube.com/watch?v=NLPny1o8wNE&t=17s
sur Qobuz :
https://play.qobuz.com/album/0002894775856
clair et net ; s’écoute bien ; bon tempo ; peu nuancé, peu personnel, mais précis, et un son assez bon.
Daniel Hoexter (1991)
https://www.youtube.com/watch?v=-FO5eNktDlo
tempo très vif (un poil trop ?) ; précis, bien fait ; accord final en douceur ; version fine, très agréable.
Peter Donohoe (2020)
sur le web :
https://www.youtube.com/watch?v=SZqfRx_0TDE
sur Qobuz
https://play.qobuz.com/album/fy1q2v1dnxh4a
Rapide (1'20") et très ferme. Du nerf, du dynamisme ; et pourtant ce n'est pas la danse qui est favorisée mais, souvent, l'assise harmonique ; ce qui donne une très bonne stabilité malgré le tempo. Cela fait une association originale entre prestesse et assise. On peut trouver que le caractère "dilacéré" de la pièce (son côté "Oiseau prophète") est nié, mais il y a de belles compensations. Version affirmative.
Daniil Bogdanov
sur le web :
https://www.youtube.com/watch?v=LMhgN17IjeY&t=18s
(à 1’30”)
très bon tempo, rapide, fluide, très agréable ; peu de nuances, mais une sensation d’aise, de facilité, de naturel ; pas de poids. Intéressant.
-> on peut admirer ici DB en bébé-prodige dans une acoustique massacrante :
https://www.youtube.com/watch?v=YtKcags09IE
Mayuko Obushi (live, 2019 ?)
https://www.youtube.com/watch?v=AUYLkRTKVSo
Sur scène (sans public semble-t-il). Bien ; un peu appuyé ; un petit ritardando (à 1'11") qui semble peu cohérent avec l'ensemble ; une conclusion trop forte. L'acoustique (ou la prise de son) n'est pas très agréable.
Stephen Malinowski
https://www.youtube.com/watch?v=VAwD0pLA8Pk
On a droit à une visualisation de la musique ; c'est amusant ; c'est peu propice à l'écoute véritable, mais c'est astucieux et bien fait.
Musicalement, c'est rapidissime, ce qui pourrait convenir ; mais c'est parfaitement mécanique, impersonnel. C'est plus sautillant que vivant. On croit entendre un ordinateur (c'est peut-être en effet un ordinateur).
Alexander Lonquich (1990)
https://www.youtube.com/watch?v=HIoygwDDb38
Extrêmement rapide (1'15" !) ; à mon avis, trop ; on n'a pas le temps d'entendre, de savourer, et la danse est annulée aussi par cette vitesse qui devient "expéditivité" (probable néologisme). Technique parfaite, mais c'est tout ce qui reste, et c'est au crédit du pianiste, pas de Mozart. L'illustration de la vidéo est le Funambule de Klee ; cela désigne bien l'intention - et les limites - de cette version.
Federico Colli (2011)
https://www.youtube.com/watch?v=vKI-MyVFObs
en public à Salzbourg ?
Un commentaire dit : "Precisione millimetrica. Eccezionale." Un autre : "Ottima, ma forse un po' troppo veloce." Le toucher est très délicat ; la danse est presque évaporée dans la rapidité (1'12" !) et la fluidité. C'est très beau, léger comme un elfe prémendelsohnnien. On devrait critiquer le côté performance ; mais c'est si bien fait qu'il fait apparaître une autre tendance de l'œuvre, un rêve de facilité magique et de richesses chuchotées ; une sorte d'aile de libellule, un presque rien onirique ou surnaturel. On lit sur la page Wilki du pianiste : "Son toucher magnifiquement léger et sa grâce lyrique font briller la musique, selon The Daily Telegraph."
Il a enregistré du Scarlatti : je vais aller écouter ça !
Mikhail Petukhov
https://www.youtube.com/watch?v=S_JY0BWQZdM
(live, Moscou)
Rapide, léger, précis, agréable. Piano moderne assumé, pas asséné.
Fubuki Yajima
sur le web :
https://www.youtube.com/watch?v=iG-V4IsLQnY&t=11s
Très bien fait, un peu dur ; un piano un peu trop athlétique (Bösendorfer bien montré); mais des inflexions intéressantes ; fin un peu sèche.
Tous les détails sont donnés sur la technique d'enregistrement :
VideoCamera: Sony·FDR-AX45 ; Microphones: AudioTechnica·ATM450 ; Recorder: Tascam DR-40x ;
on se croirait chez Bret Easton Ellis ou chez Houellebecq,... mais pas de date.
Antonina Suhanova (2019)
https://www.youtube.com/watch?v=yxVk5X_tndY
sur scène sans public, Londres
rapide ; très au point ; peu personnel
Yoav Levanon
https://www.youtube.com/watch?v=R_QK1xQ-21s
(WOK Mozart Festival)
fin, peu marqué, très délicat, peu dansant, mais très fluide, très bien fait. ; très beau son de piano. À la toute fin, un ornement ; pourquoi pas ? Présentation visuelle très soignée.
Itzhak Solsky (2005)
https://www.youtube.com/watch?v=5HrbmfnnmXw
live, Israel
semble assez bien, mais l'acoustique de la salle est rhédibitoire
André Pédico (2020)
https://www.youtube.com/watch?v=7wGMsF1lrHY
enregistré at home (Yamaha Clavinova CLP 635)
assez sec, pas mal fait
Kit Armstrong (2020)
https://www.youtube.com/watch?v=aNwQGZpQOWg
(commence par des propos en anglais où il y a... à prendre et à laisser) Jeu très net, clean (comme l'image) ; parfait ; froid. Mais on peut trouver que cela a le mérite d'établir une sorte de version-repère.
Nigel Coxe (2018 ?)
https://www.youtube.com/watch?v=eL5TJeD1Oi4
enregistrement à domicile ; l'acoustique est déplorable, mais c'est bien fait ; tempo assez modéré ; une note accrochée je crois, à 1'11' (mais c'est sans importance, c'est même le grain de sel de ces interprétations domestiques) ; peu de nuances ; c'est donc un peu froid, mais très écoutable (hormis l'acoustique)
Chris Breemer (22 octobre 2021)
https://www.youtube.com/watch?v=_WccW_3KAFY
enregistrement Kawai à domicile ; l'acoustique est ... relative ; l'instrument sonne très gros ; comme le jeu est assez marqué, l'ensemble est trop volumineux, athlétique - et peu nuancé. Quelques flottements - mais on est tellement accoutumé aux enregistrements en studio de super-virtuoses qu'il est difficile de mettre en regard une prise "en famille"
Boon Chuan (2020)
https://www.youtube.com/watch?v=UIhwCvE3Sso
at home ; c'est gentiment joué, et très lent, sans relief.
IGA000TAKA (??)
https://www.youtube.com/watch?v=yEqDzGx0Unk
froid, mécanique, son dur, et bien des fautes (2 fois, avec la caméra placée autrement… à quoi bon ?)
Maestroberti (??) (2018)
https://www.youtube.com/watch?v=8m3duXwH3vI
la site indique 'Non solo Pianoforte' ; en effet... ; c'est le piano moderne dans toute sa dureté ; pénible car lourd, contre l’esprit de la pièce ; mécanique.
David Ernest Molnar (2021)
https://www.youtube.com/watch?v=DynNf4s1mdc
très lent, analytique, exercice de déchiffrage en demi-vitesse ; pénible. On suit la partition. Cela ne compense pas. On croit réviser son solfège...
transcriptions / adaptations
Yuko Inoue (2019)
https://www.youtube.com/watch?v=Z5FrCg9jd98&t=1s
(à 8' 50") (enregistrement à domicile)
la seule version que j'aie trouvée pour le clavecin ! Mais des rythmes étranges, un son confus, une acoustique déplaisante, et pas mal de fautes...
Leszek Możdżer (2017)
https://www.youtube.com/watch?v=s1b8-1LEDIY
arranged by Walter Norris
Tant qu'on s'en tient à la partition, c'est inerte, avec une sonorité déplorable ; les effets d'adaptation sont calamiteux. L'ensemble promet de durer 5'43, je craque à 2'40...
Kreutzer Quartet (déc 2021, publié en fév 2021 ... ?)
https://www.youtube.com/watch?v=0ohl2zQWF4k
(avec masques covid)
Les adaptations sont rares. En général, je suis friand de transcriptions sérieuses pour quatuor. Mais là, ça sonne horriblement faux ; c'est insupportable ; je présume que c'est l’acoustique de la salle qui doit être meurtrière, car il ne s’agit pas d’amateurs en répétition ; ils ont enregistré du Reicha… Mais, même hormis le "son", c'est bien trop lent et sans vie.
Goodman ... and friends
sur le web
https://www.youtube.com/watch?v=zR2kbfpxg6c
sur Qobuz
https://play.qobuz.com/album/0805552213027
vocaliste, violoncelle, vibraphone, tambourin, guitare
C’est tout à fait charmant ! très agréable. Mais ce qui vient après la transcription proprement dite me semble bien moins convaincant.
***
En écho, en parallèle avec cette gigue :
Haendel, Scarlatti et Bach, signalés sur France-musique comme voisins de cette gigue :
https://www.francemusique.fr/emissions/une-oeuvre-trois-idees/mozart-et-sa-gigue-pour-piano
De Scarlatti, on y peut entendre la fugue écrite sur un thème proposé par son chat - comme Bach écrivait sur un thème proposé par Frédéric...
De Bach (par Gould), une pièce qui commence de façon magnifiquement déchiquetée, comme notre Gigue.
Mais, nobody's perfect, l'alourdissement tchaïkovskien en est mentionné sans warning pour la protection des oreilles enfantines.
Ensuite, je suggère, pas pour la danse, mais pour le piano qui lance de minces lignes diaphanes, aux harmonies magiques :
Schumann, L'Oiseau prophète (Pirès) (avec partition) :
https://www.youtube.com/watch?v=GT_q5d84cVY
Pour la réelle descendance de la Gigue de Mozart :
Schönberg suite op 25 [et non 35], Gigue par Gould
(Youtube) (1966 ?)
https://www.youtube.com/watch?v=pLKVe8YikRo
Schönberg Gigue finale de la Suite op 29 Boulez
(Youtube) (2009)
https://www.youtube.com/watch?v=KHGs_TyZ86E
Podium
En résumé, l'art consistant, surtout dans cette 'œuvrette', à "satisfaire simultanément à des exigences contradictoires" (Valéry dixit), l'excellence est rare, même si la bonne qualité est assez fréquente.
à l'orgue :
Warnier https://play.qobuz.com/album/3279791112033]
Lecaudey https://play.qobuz.com/album/5410939750726
(Guillou et Doeselaar exclus)
au pianoforte :
Bezuidenhout https://www.youtube.com/watch?v=FeSFNTiiFVo
en embuscade :
Staier https://www.youtube.com/watch?v=MItvcYDsXVU
https://play.qobuz.com/album/3149020838907
au piano moderne :
Ushida
https://www.youtube.com/watch?v=mPoibloHm_s
Schiff en public
https://www.youtube.com/watch?v=GYy57ZOOXIM
Fou T'song
https://www.youtube.com/watch?v=5E-b_Pyl7NA
mention spéciale :
Colli
https://www.youtube.com/watch?v=vKI-MyVFObs
+ 2 versions très appréciables :
Olafsson
https://www.youtube.com/watch?v=nhyxjSULzMc
Donohoe
https://www.youtube.com/watch?v=SZqfRx_0TDE