Les analogies entre l'épisode africain du Voyage et Cœur des ténèbres de Conrad sont nombreuses (sans oublier, je le redis, les analogies avec Un Avant-poste du progrès). Mais Conrad apparaît parfois ailleurs chez Céline, bien plus tardivement ; par exemple quand Le Vigan fait son apparition en fantôme sur le quai, devant chez Madame Niçois :
Céline, D'un Château l'autre :
"Je me retourne... quelqu’un !... je vois un personnage, une sorte de chienlit... chienlit gaucho boy-scout, un déguisé, quoi !... en énorme pantalon à franges... et le bada feutre, à franges aussi !... bada, pantalon, petite blouse... tout colorié !... toutes les couleurs !... un cacatoès !... et de ces éperons !... l’immense chapeau, jaune, bleu, vert, rose, enfoncé jusqu’à la barbe !..."
Conrad, Cœur des ténèbres (trad. Aubry-Ruyters) :
"Son aspect me rappelait quelque chose, quelque chose d’étrange que j’avais déjà vu quelque part. Tout en manœuvrant pour accoster, je me demandais : à quoi donc ressemble-t-il ? Et tout à coup je compris. Il avait l’air d’un arlequin... Ses vêtements étaient faits de ce qui sans doute avait été autrefois de la toile brune, mais ils étaient entièrement couverts de pièces éclatantes, bleues, rouges, jaunes, – pièces dans le dos, sur le devant, sur les coudes, aux genoux ; ganse de couleur au veston, ourlet écarlate au fond de son pantalon [...]."
His aspect reminded me of something I had seen— something funny I had seen somewhere. As I manoeuvred to get alongside, I was asking myself, ‘What does this fellow look like?’ Suddenly I got it. He looked like a harlequin. His clothes had been made of some stuff that was brown holland probably, but it was covered with patches all over, with bright patches, blue, red, and yellow—patches on the back, patches on the front, patches on elbows, on knees; coloured binding around his jacket, scarlet edging at the bottom of his trousers [...]