Nouvelle écoute comparative.
Après Falla, Jolivet et Mozart, Schumann : L'Oiseau prophète (Vogel als Prophet), VII° pièce des Scènes de la forêt (Waldszenen) op. 82
Je re-re-recopie l'avertissement :
J'ai procédé, avec mes moyens (limités) à une écoute comparative, un banc d'essai, une tribune à un seul critique. Je ne suis pas musicien ni critique professionnel. Seulement auditeur (éclairé par une calbombe). Je rappelle plus que jamais que tous les jugements ci-dessous sont implicitement précédés de "il me semble que...", "j'ai l'impression que..." etc.
... surtout avec Schumann, surtout avec cette pièce...
***
Qui n'a pas enregistré son Oiseau prophète ? J'en viendrais à me poser la question. Je ne savais pas dans quoi je me lançais. J'ai prélevé je crois 83 versions, et puis... stop. Ne pas se dégoûter d'une merveille. Pièce brève, dont l'écriture singulière prête à l'interprétation : on peut en faire un joujou d'étagère ou une méditation mystique. Tout y est sibyllin, magique, effleuré, évocateur d'on ne sait quoi. Il y a beaucoup de marge. À preuve, le tempo : dans ma liste, on va de 2'16" à 6'15" !
Souvent, et surtout pour cette pièce, j'associe Schumann et Nerval : le mystère (la mystique) du romantisme profond, allemand, et non le sentimentalisme du romantisme superficiel (français, souvent, hélas !). Un livre est paru qui met en regard ces deux génies (é)perdus ; je le lirai peut-être un jour.
Fleury : Nerval et Schumann, la folie en partage
feuilletable à l'adresse :
https://www.amazon.fr/Nerval-Schumann-folie-en-partage/dp/2842928172
La partition se trouve aisément sur le web, par exemple à l'adresse :
https://www.free-scores.com/download-sheet-music.php?pdf=694#
Il fait bon la regarder, même si on ne lit pas la musique : elle fait saisir visuellement un aspect important du romantisme (irruptions, visions, affects).
Je n'ai pas pris en considération les adaptations, etc. : il y avait déjà assez de tablature avec la version originale. J'ai entendu incidemment une transcription pour guitare qui m'a paru intéressante (dans un album au titre inattendu "Blues for a Woodpecker"), et une pour violon et piano, par un duo d'artistes pourtant réputées (Laurenceau-Diluka), qui m'a semblé bien lourde, et par moments ridicule : coller des imitations d'oiseau dans une pièce par essence non-figurative, c'est en détruire le caractère suggestif, et c'est surtout ridicule.
J'ai mis à part les versions pianofortistes, pour les mêmes raisons que pour la Gigue de Mozart.
Le 'podium" final sera une tentative de répartition de cette pléthore de versions par zones d'excellence et/ou de pertinence :
- exceptionnelles
- excellentes
- bonnes
- indifférentes
- déconseillées
- inclassables
(cette dernière catégorie, assez fournie avec cette pièce spéciale)
À la toute fin, je mets des liens vers les versions exceptionnelles
Mes 'commentaires' sur chaque version sont de nature et de dimensions très variables. Parfois rédigés, souvent en notes télégraphiques. Ces remarques ou notules d'écoute se présentent par ordre alphabétique du patronyme de l'interprète (un trop grand nombre de versions ne sont pas datées, ou malcommodément datables, ce qui ne permet guère un ordre chronologique qui aurait pourtant sa pertinence).
Je mets à part à la fin les remarques sur les 3 pianofortistes, ainsi que 2 versions... écourtées.
Je renonce à compiler les adresses Qobuz et les liens web pour les morceaux repris de CDs ; si on est intéressé, on peut retrouver aisément (Bing est en général plus efficace que Google).
Voici le lien pour ma playlist Qobuz
https://open.qobuz.com/playlist/7724155
***
Valery Afanassiev 2010
lentissime : 6' 15 !!!! c'est une version que le pianiste joue pour lui-même, pour se régaler des harmonies, pour savourer chaque finesse ; à usage personnel, ça se comprend ; mais pas pour le public ni pour Schumann. Le son de piano est très beau, mais c'est surtout une sorte d'expérience de temps étiré, assez pénible. Il y a un quart de siècle, j'avais beaucoup apprécié certaines interprétationde de V. A.
Claudio Arrau 1973
toucher, son, très délicats ; pédale dosée ; on entend tout ; sonorité riche et pleine quand il faut, mais ambiance poétique ; c'est l'association des deux qui est très remarquable.
Vladimir Ashkenazy 1988
prise de son pas fameuse ; délicat, rapide ; excellente interprétation "normale" ; choral assez rapide. De la finesse, mais pas de rêve. Le rallentando final n'apporte pas assez pour compenser. Version incontestablement bonne, mais qui ne décolle pas.
Andreas Bach 2011
4'14" ! inévitablement, tout est trop à la loupe ; c'est intéressant pour le tympan, pour les dissonances ; inévitablement aussi, c'est joué assez dur. A.B. joue souvent Bartok ; ici, il bartokise un peu Schumann. Comme Afanassief, c'est une expérience plus qu'une interprétation
Wilhelm Backhaus 1957
piano plus affirmatif que rêveur ; mais de très beaux sons, des combinaisons peu attendues ; choral rapide, allant. Un très beau piano, assez extérieur. Ça reste du piano "normal", qui n'est pas transfiguré pour cette pièce-ci.
Paul Badura-Skoda (sans date)
posé, clair et distinct ; trop détaché ; pas de fulgurances ; permet une écoute exhaustive ; mais c'est très analytique ; pas d'ivresse ; apollinien, donc ; en revanche il fait vivre le choral ; interprétation médiatisée, lucide ; pas du tout romantique. Mais c'est du très beau et très bon piano. (longue résonance finale)
Daniela Ballek 2020
un toucher un peu ferme ; mais joue sur des résonances très marquées, qui font une poésie de halo ; c'est peu nuancé dans le phrasé, mais les effets sont ailleurs. Très net à l'écoute ; c'est acoustique d'abord, et poétique en second, par l'effet acoustique.
Jozef de Beenhouwer 2017
très agréable, poétique ; toucher délicat ; bonne résonance ; n'insiste pas sur les dissonances, juste ce qu'il faut ; insère bien le choral. Version très équilibrée.
Andreas Boyde 2013
léger ; fin ; assez bref (peu de diffusion sonore, de halo) ; choral sobre (plus convaincant) ; mais je ne sens pas de vibration du cœur, d'émotivité, de mystère
Nicolas Bringuier (2007)
toucher léger ; du rêve, de la poésie ; un vrai souffle, varié et vécu ; continuité malgré ou putôt par les fluctuations ; choral bien, simple.
Daniel Brunner 2020
quel est l'instruement joué ? la main gauche appuie beaucoup ; aucune poésie ; cherche-t-il autre chose ; son parfois discordant (sans fruit, et sans fruité) ; le choral avance bien ; mais il reprend sec ! On dirait qu'il veut faire du Boulez ! Publié par un éditeur alternatif et indépendant qui semble être le label personnel du pianiste...
Sofia Cabruja 2011
j'aime beaucoup le son, le toucher ; un peu analytique, pas très rêveur ; objectif ; ce n'est pas selon moi le sens de la pièce, mais dans ce genre, c'est très bien fait. Positif, posé. Pas sentimental, ce qui ne veut pas dire sans nuances. Un peu trop affirmatif par moments.
Robert Casadesus 1961
2'16" ! léger, elfe, rapide ; toucher exquis ; on n'a pas trop le temps de goûter, mais on peut réécouter. Sautillant par moments ; emporté par un flux, une course, un vol ; très grand plaisir auditif. L'allant du choral est très convaincant, dans ce contexte. On peut détester ; mais la vie et la délicatesse du toucher, le délice pour l'oreille...
Aldo Ciccolini 1973
rapide (presque expédié) ; très beau son ; mais peu rêveur ; s'impose (un peu trop) ; peu de transparence ; de la décision ; déçu ; mais 1973 Trop en-dehors. Oiseau costaud. grosses diff de dynamique ; un peu sec, détaché, affirmé + que suggéré
Dana Ciocarlie 2017
de la pédale ; rapide (3'07") ; bien, mais je n'en pense rien de spécial.
Finghin Collins 2006
bien ; peu marqué, lisible ; choral allant et même rapide ; rêve peu ; pas de critiques à faire ; pour l'auditeur, pas d'expérience musicale singulière. (rallentando à la fin)
Alfred Cortot (date ?)
libre, en fusées, mais pas démonstratif ; rapide ; effleure ; c'est très beau, allusif.
Michel Dalberto 1980
son réservé, presque timide ; très beau ; très peu de pédale ; confidence ; sobre ; plus on avance dans le morceau, plus c'est convaincant. Quelques 'réticences' ponctuelles, quelques 'retenus' un peu excessifs à mon goût.
Jörg Demus 2015
lumineux, très distinct ; beau ; pas d'effets. Pur. Version qui peut servir de repère, de diapason, de 'classique'.
Claire Désert 2018
plutôt lent (3'39"), méditatif plus qu'onirique ; très bien fait, net.
François Dumont 2020
https://www.youtube.com/watch?v=9A8Fozvi6Ag
belle version, sobre
Abdel Rhaman El Bacha 1994
(pas sur Qobuz ; mp3 achetable sur Amazon)
en ligne à l'adresse
https://www.youtube.com/watch?v=pWeWejuxLxY
Très beau son, lisible ; jeu fluide et naturel ; la très belle simplicité ; tempo moyen ; les diverses lignes sont bien individualisées ; quelques abréviations un peu marquées. Moins que de l’inspiration poétique, de la maîtrise musicale. Version pure, c'est-à-dire qui ne fatigue pas par des intentions personnelles.
Brigitte Engerer 2003
bien dosé ; pédale modérée ; peu de flou ; délicat ; réussi ; impeccable et pas froid ; très beau choral ; interprétation "classique", à savoir, sans les atours ext du romantisme, mais qui permet d'en avoir une écoute romantique.
Christoph Eschenbach 1966
assez rapide ; un peu abréviatif ; pas rêveur du tout ; assez sec, staccato, détaché aussi psychologiquement ; trop vite, précipité. Il est rapide (2'45"), ms semble rapidissime, pressé (on dirait 2'00"). Le piano trop gros, trop puissant.
Filippo Faes
https://www.youtube.com/watch?v=rj9d3CbGLrE
interprétation délicate, intimiste, mais très nette ; beau son de piano et de résonance. Méditatif. Un bel équilibre de qualités qui s'associent en général difficilement.
Samuil Feinberg
Romantisme ardent. Que de libertés ! On osait, à l'époque... et pourtant l'époque n'est pas si lointaine : SF est mort en 1962. Son d'époque.
Zoltan Fejervari 2020
fin, délicat, tempo moyen ; assez fluide ; pur, très bien fait ; on ne se perd pas dans le rêve ; mais c'est rêveur. Equilibré (est-ce ici un éloge ?).
Fou Ts'ong 2006
Merveilleux. diaphane. Parfait. C'est cela : poésie, confidence, mystère, moire, chatoiement des sons par la pédale. La matière allégée. Le temps suspendu.
Diderot : "... tremper sa plume dans l’arc-en-ciel, et secouer sur sa ligne la poussière des ailes du papillon. ... être plein de légèreté, de délicatesse et de grâces"
Hal Freedman 2012
Du halo ; joli toucher ; quelques bizarreries d'inflexion ; rien de spécial.
Véronique Furmet-Béjars 2020
Le son est pauvre, pas d'envol, de frémissement ; attaques dures ; pas habité ; assez désagréable même. Lourd.
Reine Gianoli 1974
Beaucoupp de pédale, un peu trop à mon goût ; un peu trop lent (3.53). Dommage, car c'est très réussi pianistiquement ; mais pour l'ambiance, ce n'est pas trop ça.
Walter Gieseking (date ?)
Rapide. De la délicatesse, mais aussi de la sécheresse ; la main droite occupe trop l'espace sonore (nettement placée dans le canal droit) ; met en valeur les abrupts, mais un peu sèchement. Mais c'est beau. Je ne sais trop qu'en penser.
(curieux : je m'aperçois après coup que j'avais dit à peu près la même chose à propos de la Gigue de Mozart...)
Florian Glemser 2017
un peu trop égal ; un petit poil trop affirmatif ; pas transparent ; c'est du piano assumé ; mais le faut-il ici ? Pas assez d'intérêt musical ou poétique ; c'est très bien joué, pas investi. Manque de rêve.
Alfred Grünfeld (1852-1924), rec. 1913
https://www.youtube.com/watch?v=3C7rSpIFthM
semble mince, voire maigre ; s'écoute bien ; choral très rapide
Paul Gulda 1992
de la finesse, de la poésie, nuances, effleurements, mais netteté ; un bon équilibre.
Mark Hambourg (1879-1960), rec. 1918
https://www.youtube.com/watch?v=3C7rSpIFthM
bizarre, plutôt déconcertant. Rapide.
Clara Haskil
délicat, poétique, probe ; son d'époque ; très beaux phrasés ; solide, structuré ; logique interne ; nulle mièvrerie.
Martin Helmchen 2012
transparent, magnifique, délicatesse (pudeur, même) ; fluide, aérien ; tempo modéré (idéal) ; simplicité, pureté, parfaite constance et cohérence dans le propos. Gestion parfaite des relations tension-détente. Accompli.
Myra Hess
Assez lent, retenu ; son rend difficile d'apprécier ; j'ai tendance à trouver que cela manque de vie, d'allant.
Ian Holtham 2006
léger, papillonnant ; fin ; très joli son ; rapide ; un poil expédié, mais c'est beau ; choral franc ; fort bien.
Fabienne Jacquinot 1988
de la pédale, des variations de flux ; très libre, romantique au sens habituel ; émotivité ; c'est beau dans son genre ; aux antipodes d'Engerer p ex. Tend à déstructurer le temps ; intéressant ; peut agacer ; doit agacer ou ravir selon les gens, ou même selon les heures. Longue résonance finale.
Pavel Jegorov 1994
lent, poésie, rêve, mystère des résonances ; un jeu net, pas mièvre du tout (crescendo) ; choral très beau pianistiquement, mais trop lent (dommage !) ; la reprise de l'oiseau est de nouveau TB. Fin elliptique très belle. Ce choral gâche !!!
David Kadouch 2015
léger, fin, son très séduisant ; de la poésie ; mais net quand même ; beau choral ; souplesse. Très bien.
Julius Katchen
enregistrement daté ; très bien ; expressif, souple.
Cyprien Katsaris 2011
peu concerné, investi ; joue les notes ; des duretés de son
Roland Keller 1980
https://www.youtube.com/watch?v=YZGVrbPpWzA
très délicat ; parfois proche du silence ; poésie, bien.
Wilhelm Kempff (date ?)
très beau son, diapré ; classique ; choral ample ; le piano "sonne" assez fort, net, très dessiné ; pas de flou (pas assez ?)
Alexander Kobrin 2014
rapide, romantique ; allusions, transparences, résonances, dissonances (au sens positif), choral lent, très doux ; sensation de liberté dans le rubato ; fin très réussie, rêveuse, aérienne. Version très personnelle, qui doit être "clivante" (je change d'avis toutes les 4 mesures...). Une certaine acidité dans les aigus : le piano ? la prise de son ? mon installation ?
Tobias Koch 2010
des résonances inaccoutumées ; la poésie vient plus d'elles que du jeu, un peu sec ; choral rapide ; je ne sens pas une sensibilité d'interprète derrière le son ; le toucher est souvent trop égal. Je ne suis pas convaincu, bien que ce soit bon.
Kun-Woo Paik 2020
bien ; mais pas de vision ou d'expérience singulière.
Dejan Ladzic 2009
bien, malgré un son parfois ferme ; des traits un peu expéditifs. La toute fin est un peu trop marquée (je ne suis jamais content !). Mais c'est une bonne version.
Michel Laurent 2011
son dur, trop marqué, affirmé ; assez rapide ; c'est bien joué, mais rien ne se passe, et rien ne passe comme ambiance ; banal ; joue ça comme on jouerait autre chose. Tout en dehors. Ça passe mieux dans le choral, qui est clair et net.
Eric Le Sage 2008
plutôt lent (posé) ; diaphane ; et pourtant s'affirme ; bien dosé (choral)
Leon McCawley 2006
délicat, bien, très fin ; atmosphère bien.
Nikita Magaloff
son un peu lointain ; rapide, très délicat ; enchaîne très vite ; cascades ; de la poésie ; dommage que le son soit un peu lointain et brumeux ; choral bien posé, sans lourdeur ; reste poétique ; il y a un plaisir à être un peu surpris par la rapidité ; l'oiseau ne nous attend pas, n'attend pas qu'on ait assimilé ; l'esprit parle à la vitesse qu'il veut.
Santiago Mantas 2018
résonance étrange... ; gémit-il à la façon de Gould ? main droite très (trop ?) dessinée, très (trop ?) ferme, sur un fond de cathédrale et de soupirs ; c'est beau, mais pas vraiment adapté. Piano trop gros, trop puissant. Il me semble que de belles possibilités sont manquées.
Benno Moïseiwitsch 1961
toucher splendide (ferme) ; dans les "traits" de l'oiseau, il est assez "normal", mais dans les passages à tendance dissonante (à partir de 33"), il dissone carrément écartèle, déchiquète, désosse, décale, bancalise, appuie où ça fait mal ; il montre que le vrai romantisme, ce n'est pas le sentimentalisme, mais le début de la modernité. La date est-elle celle de l'enregistrement ? Ce serait la toute fin de sa vie. Il y a une présence du piano et un espace qui font se demander si la stéréo n'a pas été un peu poussée.
Ronan O'Hora 2005
jeu précis ; des traits très rapides (qui donnent un aspect "expédié") ; je ne suis pas convaincu pour l'effet esthétique. La prise de son ne m'est pas plaisante.
Vladimir de Pachmann (1848-1933), rec. 1911
https://www.youtube.com/watch?v=3C7rSpIFthM
étonnant ; très rapide (modifié par l'enregistrement ?), allusif, piqué ; pour 1911, le son n'est pas si mauvais
Ignace Paderewski
1. [2019 Torill Music]
rapide, mince, virevoltant, léger, en dentelle ; très séduisant.
2. [1966 Ismcdigital]
autre (tout autre) version, datée de 1966 (?) bien plus lente (on passe de 2'24" à 3'39" !). Plutôt bizarre, déconcertante en elle-même, et plus encore par rapport à l'autre ; est-ce le même interprète ? Il y a de la finesse, certes, mais pas du tout le mouvement emporté.
La disparité entre les 2 laisse perplexe ; les dates d'enregistrement seraient à connaître.
Sally Pinkas 2009
fin, délicat ; très honorable. Mais pas vraiment de poésie, de rêve, de suspens, de halo.
Maria Joao Pires 1994
immatériel, transparent ; nuances ; atmosphère ; inflation parfaite pour le choral ; déflation parfaite aussi à la fin du choral (le plus problématique dans la partition) ; aucun défaut. Laisse pantois d'admiration et de bonheur.
Sviatoslav Richter 1957
[nombreuses rééditions, doublons ; j'ai choisi le son le moins dommageable]
Clair, précis, pas de brume ; jeu viril ; son un peu ancien ; dommage, car il feutre un peu une version nette ; pas de manifestation ostensible de sensibilité ; version très belle dans son apparent détachement.
Paul Rickard-Ford 2019
prise de son lointaine ; pédale pas toujours opportune ; je trouve qu'il ne passe pas grand chose de poétique, ni de musical ; tape dur les dissonances ; un peu acide.
Arthur Rubinstein 1969
3'23" ; très beau son, lumineux ; des fusées de rapidité ; quelques effets ; maîtrisé ; c'est cohérent, suivi.
Arthur Rubinstein 1961
3'30" ; bien mieux ; plus tendre, moins virtuose ; plus nuancé ; moins piano ; plus musique ; plus confidentiel ; plus 'romantique' ; version à nuances
Mitsuko Saruwatari 2016
beau son ; les phrasés ne me convainquent pas. Y a-t-il des notes erronées vers 1'30" ?
Richard Saxel 2007
Bien, mais discret, un peu effacé même.
Andras Schiff 2011
Finesse, tempo modéré ; discrétion, puis crescendo bien venu sur les dissonances ; choral posé ce qu'il faut, vite aéré. Très belle version.
Paul von Schilhawsky 1961
je trouve le son dur, déplaisant ; sec, abrégé
José Carlos de Sequeira Costa 1976
beau son, bien audible ; fin ; délicatesse plus que poésie, mais beaucoup de netteté. On peut même trouver le choral trop net ; mais c'est si clair !
Peter Serkin 2019 ?
très lent (4'34" !), net ; trop lent, trop net tout de même ; analytique, on entend tout (mais est-ce le but principal de la pièce ?) ; dommage, car il y a de très belles qualités de son, de toucher ; il (et on) se délecte de chaque note, mais le tout ne rêve pas. Il y a une volupté spéciale, assez intellectuelle.
Annette Servadei
assez rapide ; nimbé ; lointain (pas sans charme, mais pas net) ; assez immatériel ; le choral avance vaillamment, devient mélodie. Version plus rêveuse qu'onirique.
Wassmuth Stoffregen [sur Vimeo]
beaucoup trop rapide ; c'est bien, mais semble bien indifférent, absent ; Schumann en tout cas est absent. "L'interprétation de personne sous beaucoup de notes" (pastiche de Rilke)
Denise Trudel 2006
assez froid, peu habité ; assez sec ; manque de la délicatesse nécessaire ; "objectif" ; dans le choral, le son est beau ; pas "féminin" du tout. Tape un peu. Pour moi, rien ne passe.
Michiko Tsuda 2009
trop lent ; bien fait, mais trop lent, sans entrain, sans ambiance
Mitsouko Ushida 2013
très fin, délicat, légèreté, nuances, subtilité, ambiance ; ce qu'il faut de contrastes. Choral très modéré, tenu, pas pesant mais seulement posé.
Parfois un son un peu coupant ds les F et aigus, mais c'est peut-être un effet de la prise son ou du casque, ou du niveau sonore, très important dans ce morceau.
Les différences de puissance sonore entre les divers enregistrements posent souvent un problème.
(sur ces question, on est amené à faire du Proust : "parce que..., ou bien parce que..., ou bien parce que...")
Arkadi Volodos 2009
Un toucher lumineux, à mon goût desservi par un peu trop de résonances. Rapide.
Franz Vorraber
Fin quand il faut, disloqué quand il faut, serein quand il faut. Un bon rubato. Tout est audible, et tout est beau.
Mikhail Voskresensky 2014 (live)
poésie, délicatesse ; tempo modéré, serein ; les fusées ne sont pas spectaculaires (c'est cohérent avec le parti-pris de sérénité). Le choral est rentenu - il le faut. Tout me semble bien pesé, pondéré (au sens élogieux de ces adjectifs). Pas de romantisme échevelé, mais un bel accomplissement. C'est un "encore" de haut niveau.
Steven Vanhauwaert 2010
(pas sur Qobuz ; mp3 achetable sur Amazon)
jeu un peu trop affirmé ; assez lent ; peu de rêve ; ça peut aller, ms pas d’expérience singulière ; impression que la pièce est un peu "désossée".
Elisso Wirssaladze 2000 (live)
son un peu dur, affirmatif, un peu sec ; guère rêveur. Les traits sont au burin, pas au fusain (fusées, fusain...). Le choral, retenu, bien.
Klara Würtz 2012
agréable ; fin ; pas très profond, mais de la poésie ; le choral agréablement allant ; du beau piano.
Igor Zhukov
https://www.youtube.com/watch?v=nCZBpqhOlr0
(à 13'00")
très fin, beau, inspiré ; net, sans flaflas, mais pas froid du tout.
au pianoforte :
Penelope Crawford 2015
lointain, brumeux ; son de harpe ; c'est certes très fin, mais aussi très mince.
"The instrument also features a moderator pedal, which inserts a strip of cloth between the hammers and strings, producing a harp-like effect."
Ziad Kreidi 2020
instrument, diapason, acoustique particuliers ; intéressant historiquement ; s'écoute très bien ; mais esthétiquement, je ne suis pas très convaincu. (la toute fin est jouée de façon très neutre, sans suspens ni suspension...)
Jan Vermeulen 2011
très bons contrastes entre délicatesse et jeu affirmé
ma préférence va incontestablement à Vermeulen
les 2 versions "abrégées" :
René Duchâble 2002
(CD sur Qobuz ; pas trouvé sur le web)
1'12" car une partie a été purement et simplement sautée... C'est joué dur, sec, viril, sans rapport avec l'intention, sans atmosphère. Pesant, marqué. Presque pas de nuances.
Il s'agit d'un disque hommage-souvenir, avec des paroles et de la musique. Soit ; mais c'est cumuler une mauvaise interprétation et une mauvaise action esthétique (espérons que la coupe a été faite par le producteur contre l'avis du pianiste).
Katrina Gupalo Radīti Mūzikai - Best Moments - 2014
https://www.youtube.com/watch?v=zXBRPtJUqp8
"Best" est bien dans l'intitulé... C'est, à la télé lituanienne, le best of d'une émission qui... que... on ne sait que dire ; il faut voir ça. Le masochisme peut avoir des compensations d'hilarité consternée. Un bout d'Oiseau prophète est jeté parmi d'autres bouts de trucs et machins (dont le fin fond est Mick Jagger revu à la sauce kitsch).
PODIUM
entre un groupe et le suivant ou le précédent, il y a parfois doute...
2 versions peuvent être dans le même groupe pour des raisons très différentes, voire inverses
présentation par ordre alphabétique interne à chaque groupe
exceptionnel
Casadesus
Cortot
Fou Ts'ong
Helmchen
Moïseiwitsch
Pires
excellent
Arrau
Beenhouwer
Bringuier
Dalberto
Demus
El Bacha
Haskil
Kadouch
Magaloff
Paderewski 1
Richter
Rubinstein 1961
Schiff
Sequeira Costa
Ushida
Voskresensky
bon
Ashkenazy
Backhaus
Badura-Skoda
Ballek
Boyde
Cabruja
Désert
Dumont
Engerer
Faes
Fejervari
Grünfeld
Gulda (Paul)
Holtham
Katchen
Keller
Kempff
Le Sage
MacCawley
Pachmann
Rubinstein 1969
Servadei
Volodos
Vorraber
Würtz
Zhukov
bof
Ciccolini
Ciocarlie
Collins
Freedmann
Gianoli
Glemser
Hess
Kun-Woo Paik
O'Hora
Pinkas
Saruwatari
Saxel
Tsuda
Vanhauwaert
Wirssaladze
non
Afanassiev
Bach (Andreas)
Brunner
Eschenbach
Furmet-Béjars
Katsaris
Koch
Laurent
Mantas
Paderewski 2
Rickard-Ford
Schilhawsky
Stoffregen
inclassables
Feinberg
Gieseking
Hambourg
Jacquinot
Jegorov
Kobrin
Ladzic
Serkin (Peter)
Il y a beaucoup de "bons".
Les "exceptionnels" tendent à montrer que mon goût va plutôt aux versions légères, assez ou très rapides.
Fou Ts'ong confirme (cf. Mozart, Gigue) son extrême délicatesse.
On peut dire beaucoup de choses contre la version Casadesus : qu'il est trop rapide pour être savouré vraiment, qu'il a un toucher trop impeccable et lucide, trop "français" ; donc qu'il joue Schumann comme si c'était du Chabrier. Mais j'y trouve un paradis auditif ; c'est un oiseau de paradis, et il est vrai que l'inquiétude ou la fièvre romantiques, la confidence chuchotée ne sont pas là. Il faut convenir que sa version n'a rien de "nervalien".
Pour Pires, il y a longtemps que l'on est au courant.
J'ai eu une grande joie avec la version Helmchen : ses 40 ans prouvent qu'il n'y a pas que les grand.e.s ancien.ne.s qui soient merveilleux.ses.
les exceptionnels sur le web
Casadesus ici :
https://www.youtube.com/watch?v=8aKe1cD2GSA
Cortot ici
https://www.youtube.com/watch?v=3HQ9yxiDLSM
Fou Ts'ong version disque ici, après une pub :
https://www.youtube.com/watch?v=l_y605jKdoQ
Helmchen joue la pièce dans un "encore" ; il a l'air très fatigué par le concert, mais c'est très beau.
La vidéo, c'est bien, mais ça distrait de la musique. Le live, en revanche, ça n'a que des vertus. Couper l'image ?
https://www.youtube.com/watch?v=hQVcXUSlJhs&t=204s
Moïseiwitsch ici :
https://www.youtube.com/watch?v=NDg6S4XWfQA
Pires ici (avec la partition):
https://www.youtube.com/watch?v=GT_q5d84cVY
autres liens :
Afanassiev
https://www.youtube.com/watch?v=jAaRpjqBXNA
La grande Pires chez elle ; l’acoustique n’est pas bonne, mais c’est très touchant
Arrau
https://www.youtube.com/watch?v=mBvZO9Vc0gc
Al Bacha
https://www.youtube.com/watch?v=pWeWejuxLxY
pour les masochistes, une transcription pour 2 flûtes :
https://www.youtube.com/watch?v=N4btk8bqZOc
une nouveauté, d'excellent niveau :
Işıl Bengi
Cela s'écoute sur youtube, avec, une fois n'est pas coutume, une vidéo intéressante. Certes, cela détourne toujours un peu de la musique, mais c'est sobre et beau. On peut donc, avec profit, l'écouter tantôt avec, tantôt sans l'image.
Interprétation délicate, maîtrisée, qui sonne très bien.
https://www.youtube.com/watch?v=JglTIqAMJ3s