On gagnerait je crois à bien distinguer deux pôles du romantisme — sentimental et ontologique — qui recouvriraient plus ou moins les domaines français (Lamartine) et allemand (Novalis). Le domaine anglais étant plutôt du côté germanique (Daffodils est plutôt superficiel, mais le thème du palimpseste est suprêmement ontologique). L'exception, c'est, bien sûr, Nerval, puissamment ontologique, métaphysique, occultiste. Nerval, notre grand poète allemand. "Allemagne, notre mère à tous", disait-il, non sans de douloureux échos autobiographiques. Car le romantisme ontologique n'est bien sûr pas étranger (sinon il ne serait pas romantique) à la subjectivité, au sentiment ; il en fait la voie de passage, la chambre d'écho de messages profonds, oraculaires. La subjectivité est pythique, le sentiment est inspiré par une entité supérieure (déjà caractérisée par Platon). En faisant du sujet un lieu de passage, ce versant ontologique du romantisme prépare (est déjà) l'impersonnalité moderne. L'expérience de l'exil, par exemple, est encore assez romantique, subjective, allégorique dans L'Albatros ; elle l'est bien moins dans Le Cygne (deux oiseaux). Baudelaire contient en effet un classique, un romantique, et un moderne. Autres oiseaux qui sont loin d'avoir fonction décorative ou champêtre : le Rossignol de Keats, L'Oiseau prophète de Schumann, messagers du surnaturel.