Une lettre magnifique, justement célèbre, et deux petits échos anodins.
Keats, Letter to Benjamin Bailey, 18 nov. 1817 :
« I am certain of nothing but of the holiness of the Heart's affections and the truth of Imagination - What the imagination seizes as Beauty must be truth - whether it existed before or not - for I have the same idea of all our passions as of love : they are all, in their sublime, creative of essential beauty. […] The imagination may be compared to Adam's dream, - he awoke and found it truth. I am more zealous in this affair because I have never yet been able to perceive how anything can be known for truth by consecutive reasoning - and yet it must be. Can it be that even the greatest philosopher ever arrived at his goal without putting aside numerous objections ? However it may be, O for a life of sensation rather than of thoughts ! »
TF Davreu : « Il n'est rien dont je sois certain sinon de la sainteté des affections du Cœur et de la vérité de l'Imagination. Ce que l'Imagination saisit comme Beauté doit être vérité — que cela ait existé ou non auparavant — car je me fais de toutes nos Passions la même Idée que de l'Amour, à savoir que, dans leur sublimité, elles sont toutes créatrices de la Beauté essentielle […] L’Imagination peut se comparer au rêve d'Adam — il s'éveilla et découvrit qu'il était vrai*. Si je manifeste tant de zèle en cette affaire, c'est que je n'ai jamais été capable de percevoir comment quoi que ce soit pouvait être connu pour vrai grâce à un raisonnement suivi — et pourtant cela doit être — Se peut-il que même le plus grand Philosophe ait atteint son but sans laisser de côté de nombreuses objections ? Quoi qu'il en soit, Ô combien préférable une Vie de Sensations à une Vie de Pensées ! »
* je traduirais plus volontiers : « que c’était vrai »
réaction de
Allen (Woody), Apropos of Nothing : « I was, after all, a college freshman, and as summer school limped on I was submerged in Keats and Shelley and did not agree truth was beauty, beauty truth »
trad. fr. (Amfreville & Cazé) : Soit dit en passant, 2020 « Après tout, je n’étais qu’un étudiant de première année, et pendant que les cours de l’université d’été traînaient en longueur, je m’absorbais dans Keats et Shelley, absolument pas d’accord sur le fait que la Vérité était la Beauté, ni vice versa. »
suite de la lettre de Keats :
« […] Have you never by being Surprised with an old Melody - in a delicious place - by a delicious voice, felt over again your very Speculations and Surmises at the time it first operated on your Soul - do you not remember forming to yourself the singer's face more beautiful than it was possible and yet with the elevation of the Moment you did not think so - even then you were mounted on the Wings of Imagination so high - that the Protrotype must be here after - that delicius face you will see. »
traduction Davreu : « […] N’as-tu jamais, surpris par une vieille Mélodie — en un lieu exquis — chantée par une voix exquise, revécu les mêmes méditations et les mêmes conjectures que la première fois où elle agit sur ton âme — ne te souviens-tu pas de t'être formé une image plus belle qu'il n'était possible du visage de celle qui chantait, sans le penser pourtant dans l'exaltation du moment — c'est que tu étais alors monté si haut sur les Ailes de l'Imagination — que le Prototype doit exister dans l'au-delà — ce visage exquis tu le verras. »
mentionné par :
Nabokov, Lolita I, V : « A paper of mine entitled “The Proustian theme in a letter from Keats to Benjamin Bailey” was chuckled over by the six or seven scholars who read it. »
traduction Couturier : « Un de mes essais intitulé ‘Le thème proustien dans une lettre de Keats à Benjamin Bailey’ fut salué par les gloussements hilares des six ou sept intellectuels qui le lurent. »