mercredi 20 octobre 2021

Philosophie et patins d'appartement


Jadis, à la radio, un "philosophe", invité attitré des média les moins exigeants, racontait (en substance) ceci : "étant étudiant, ou lycéen, j'avais un prof de philo que j'admirais beaucoup. Un jour, avec quelques camarades, nous avons eu l'honneur d'être invités chez lui. Et nous avons vu que, pour obéir à sa femme, il marchait sur des patins. Cette soumission l'a complètement déconsidéré à mes yeux, toute mon admiration s'est évanouie". 

Cela indique clairement que cette admiration ne portait pas sur une pensée, mais sur une image. Et le fait que le penseur largement adulte ne se fait nulle critique rétrospective montre qu'il n'a guère changé. C'était, c'est encore l'admiration pour une allure, un style, une apparence - pour ce qui se voit sur la scène de la classe ou sur le plateau de télévision. Ce penseur médiatique (oxymore) nous dit en somme : un vrai penseur, ce n'est pas celui qui a des exigences intellectuelles ; c'est celui qui ne met pas de patins, celui qui a une posture de penseur, de rebelle, etc.  Une telle conception serait excusable venant d'un couillon lambda qui n'a jamais lu ce que dit Hegel sur le grand homme vu par son valet de chambre, ni entendu parler du Contre Sainte-Beuve de Proust, ni du Monsieur Teste de Valéry, ni du Chevalier de la Foi de Kierkegaard. Mais venant d'un homme qui, on peut l'espérer, a lu tout cela puisqu'il est professeur de faculté... Cette anecdote ainsi rapportée montre que ledit penseur est un homme de média ; un sainte-Beuve de la pensée, une pipelette de la philosophie, qui voit les grands homme du point de vue de leur valet de chambre. Un couillon lambda, mais très prétentieux et, pire que tout, influent.